Actualité

Pour une réforme du Ministère de l'Agriculture

Profiter de la baisse du nombre de fonctionnaires pour réformer

Le Président de la République l'a confirmé : l'État doit supprimer 12.000 emplois de fonctionnaires chaque année dans les ministères non sanctuarisés. Le Ministère de l'agriculture va donc devoir réduire ses effectifs. C'est justifié, de nombreuses opportunités d'économies existent et le calendrier est particulièrement favorable. Objectif : 900 par an.

En 2013, comme les années précédentes, le ministère de l'agriculture va perdre des emplois : 370 sur un effectif de 30.000. La quasi totalité de cette baisse se fera dans les opérateurs qui lui sont rattachés. En 2012, la baisse avait été de 551 emplois. Cette évolution est justifiée puisque ses effectifs auraient dû diminuer de moitié depuis 20 ans pour simplement suivre l'évolution du nombre d'exploitations agricoles passé de 800.000 à 400.000. Et un modeste progrès de productivité de 1,5% par an aurait permis une réduction supplémentaire de 40%. En Allemagne, le Minisitère même de l'Agriculture, de l'Alimentation et de la Protection du consommateur ne compte que 920 employés et 5.000 avec ses différentes agences. L'agriculture allemande a pourtant dépassé celle de la France dans de nombreux domaines dont celui si critique des exportations.

La méthode précédente

En cinq ans de Revue Générale des Politiques Publiques (RGPP), la principale mesure prise concernant l'agriculture aura été la fusion au 1er janvier 2010 de la DDAF (Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt) avec la DDE (Direction Départementale de l'Équipement), pour donner la Direction Départementale de l'Équipement et de l'Agriculture (DDEA). Un changement qui aura permis une certaine optimisation des moyens et de respecter la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Mais contrairement à l'objectif de la RGPP, cette réforme n'a été accompagnée d'aucune réduction du périmètre d'action de l'État ni de simplification des politiques publiques concernant l'agriculture : l'État continue à sur-administrer ce secteur par des mesures tatillonnes, méprisantes pour la profession, et naturellement largement illusoires.

[(Bilan de la RGPP

PDF - 4.1 Mo
le Bilan de la RGPP et conditions de réussite d'une nouvelle politique de réforme de l'Etat, septembre 2012

Le rapport préparé par l'IGA, l'IGAS et l'IGF à la demande de Jean-Marc Ayrault sur les résultats de la RGPP confirme la conclusion de la Fondation iFRAP : "La RGPP n'a pas abouti à un allègement des missions de l'État. Peu de missions ont été supprimées. Le nombre de missions n'a pas cessé de croître." )]

Changer de mêthode

Le Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, l'a affirmé le 6 juillet 2012 : "Une nouvelle méthode doit être définie. Il s'agit de redéfinir les missions de l'État, d'améliorer le service rendu aux usagers et de rendre l'administration plus efficace, tout en assumant la maîtrise des dépenses". Jusqu'à présent de simples réorganisations de services avaient suffi à absorber les réductions d'effectifs, mais ce sont des réformes de fond auxquelles il faut maintenant s'attaquer pour supprimer les 60.000 postes de fonctionnaires annoncés. Faute de temps peut-être, le budget 2013 ne prévoit aucune réduction du périmètre d'action du ministère de l'agriculture.

Plan de réduction du nombre de fonctionnaires (2013-2017)

En 2013, le budget du ministère de l'agriculture - hors contribution directe de l'État au régime de retraite des fonctionnaires - baisse de10,6% passant de 3,47 à 3,10 milliards d'euros en euros courants [1]. Le gouvernement ayant annoncé que cette baisse se poursuivra les années suivantes, cette évolution ne pourra être réalisée que par des réformes de fond permettant une réduction beaucoup plus importante des effectifs. Cinq voies prometteuses sont disponibles :

• Fin des quotas laitiers

PDF - 125.9 ko
les quota laitiers

La Commission européenne a décidé de mettre un terme aux quota laitiers en 2015, en accord avec la France. L'attribution de ces quotas de lait gratuits ou payants dans chaque bassin de production, la récupération des quotas abandonnés, leur redistribution, la vente de quotas, leurs échanges, (leurs trafics ?), la gestion de la réserve nationale de quotas, leur contrôle, l'application des sanctions [2] a conduit à créer une bureaucratie qui a freiné le développement et la structuration de cette filière comme l'explique l'expert de l'INRA. D'autant plus que la France produit régulièrement moins que son quota. Le démantèlement de cette mécanique, dont le document ci-joint donne un aperçu, simplifiera la vie des agriculteurs et réduira l'intervention de l'État et de ses satellites (FranceAgriMer).

• Fin des « droits à planter » notamment dans la vigne

La notion même de droit à planter n'a aucun sens dans le monde de 2012 où la concurrence vient de pays où ils n'existent pas (Chili, États-Unis, Afrique du sud, Chine bientôt), alors que la viticulture française ne peut se battre que sur la qualité et la réputation de ses produits. Comme le dit la Commission de Bruxelles : « Formellement adoptée par le Conseil des ministres en avril 2008, une nouvelle organisation commune du marché (OCM) vitivinicole a été publiée au Journal officiel : Les changements qui seront mis en œuvre permettront d'équilibrer le marché vitivinicole, d'éliminer les mesures d'intervention sur les marchés et leur cortège de coûteux gaspillages, et de réorienter le budget au profit de mesures plus positives et plus proactives de nature à renforcer la compétitivité des vins européens. » Cette libération des droits à planter fixée à 2015 ne doit naturellement pas empêcher des groupements de producteurs de définir des règles propres à leurs produits, en termes de rendement à l'hectare, de types de cépages, de mode de vinification et de zone d'appellation.

• Fin des « quotas sucriers »

La Commission européenne a proposé de supprimer, en 2015/2016, les quotas sucriers destinés à protéger la production bettravière européenne contre celle de canne à sucre. La profession demande un report de cette date de quelque 1 à 4 ans, sans remettre en cause la fin des quotas dans ce secteur.

• Fin du contrôle des structures, des autorisations d'exploiter et des SAFER

Au lieu de faire confiance à l'esprit d'entreprise et de responsabilité des agriculteurs, des fonctionnaires du ministère de l'Agriculture sont employés dans chaque préfecture à spécifier quelles sont les « bonnes » structures agricoles et à délivrer des autorisations d'exploiter en fonction de la taille de l'exploitation, du type de production envisagée, de la distance entre le siège de l'exploitation et les terres, de l'âge et de l'expérience de l'exploitant, de ses autres activités, etc. Ces règles sont définies et appliquées département par département. Les préfectures sont aussi occupées à surveiller les 27 SAFER qui interviennent sur les ventes et achats de propriétés agricoles, créant des tensions dans toute la France et menant des politiques à l'efficacité douteuse : les crises récentes ont montré que, notamment dans le domaine du lait, du porc et de la volaille, trop d'exploitations sous-capitalisées étaient trop petites pour affronter la concurrence européenne. Les prix actuellement élevés des céréales masquent sans doute une situation similaire dans ce domaine.

• Simplification des subventions agricoles

Malgré la mise en place des Droits à Paiement Unique (DPU), les subventions agricoles en France sont restées particulièrement complexes. Les fonctionnaires sont donc responsables de contrôler que les déclarations des agriculteurs, parcelle de culture par parcelle de culture, sont conformes aux règles et bien appliquées sur le terrain. La France comptant environ 400.000 exploitations agricoles, soit plusieurs millions de parcelles, chaque agriculteur fournit chaque année des rapports détaillés aux services de l'État, censés vérifier, par exemple que la rotation obligatoire des cultures est bien respectée, que le nombre de bovins ou d'arbres fruitiers déclarés est exact et que les méthodes de culture sont conformes.

Une activité déjà largement factice

Tous ces formulaires, tous ces rapports à fournir sont largement envoyés par les agriculteurs aux services de contrôle de façon électronique, ce qui est beaucoup plus économique. Les services de l'État n'ont plus d'enveloppes à ouvrir ni de documents à classer, mais il n'est pas certain que ces données soient régulièrement extraites des ordinateurs des préfectures pour vérification. Une situation qui accumule les inconvénients : rien de pire que d'imposer des règlements trop nombreux, et rarement contrôlés.

Ministère de l'agriculture - Pyramide des âges en 2010

Conclusion

Une forte baisse (objectif : 3 à 5 % par an) du nombre de fonctionnaires du ministère de l'agriculture et des salariés des nombreux "opérateurs" ou "agences" publics qui se sont développés dans le domaine de l'agriculture est nécessaire et souhaitable. Au cours des 5 prochaines années, la structure de la pyramide des âges des personnels de ce ministère (riche en personnes de plus de 55 ans) et donc le nombre de départ en retraite faciliteront beaucoup cette réduction. Mais elle ne peut se réaliser qu'en simplifiant considérablement les règlementations auxquelles sont soumises les entreprises agricoles. Non seulement cela permettra de réduire le budget de l'État de plusieurs centaines de millions d'euros, mais aussi aux agriculteurs d'économiser des milliards d'euros en tâches administratives inutiles. Des gains de productivité essentiels au moment où la réforme de la PAC de 2013 va réduire sensiblement les subventions aux agriculteurs des « anciens » pays de l'Union Européenne.

[1] donc de plus de 12% en euros constants

[2] D'autant plus que Bruxelles vient de condamner la France pour avoir appliqué ces sanctions... alors qu'elle produisait moins que son quota : il va falloir rembourser ces pénalités aux agriculteurs concernés