Actualité

Faut-il supprimer les SAFER ?

SAFER : Société d'Aménagement Foncier et d'Établissement Rural

Les SAFER font l'actualité avec deux gros documents publiés l'un en juin 2013 : « Le livre blanc des SAFER » par la Fédération Nationale des SAFER (FNSAFER) et l'autre en octobre 2013, un rapport d'information du Sénat sur « Les outils fonciers de collectivités locales ».

Si on en juge par les articles publiés régulièrement par la presse spécialisée [1], c'est plutôt un «  Livre noir des SAFER » que le public attendait. On aurait pu penser que le retard pris par l'agriculture française par rapport à celle des pays de l'Union européenne (Allemagne, Danemark, Pays-Bas ...), la situation catastrophique de l'agro-alimentaire en Bretagne et la crise du logement en France interpellerait les SAFER qui encadrent l'utilisation d'une grande partie du foncier.

PDF - 741 ko
Livre blanc des SAFER

Mais le Livre blanc ne s'interrroge pas sur le fait que des SAFER n'existent dans aucun autre pays civilisé et ne contient aucune autocritique. Ses 19 propositions se résument à réclamer l'extension de l'activité des SAFER dans de plus en plus de secteurs (notamment sous prétexte d'environnement), et à réclamer toujours plus de droits d'intervention.

Le rapport du Sénat

Le Sénat, très proche des collectivités locales, s'est intéressé aux divers organismes et mécanismes qui permettent aux communes, départements et régions de conduire leurs politiques d'aménagement du territoire. Les SAFER ne sont pas les seuls organismes qui opèrent dans ce secteur. Il en existe d'autres comme les EPF, EPFL et EPFE (Établissements publics Fonciers, Locaux ou d'État), et des outils comme les POS, PLU, etc. Au total, deux pages d'acronymes en annexe de ce rapport soulignent la profusion et la complexité des mécanismes en place.

En ce qui concerne les SAFER, le rapport du Sénat conclut, comme la Fondation iFRAP l'a souvent souligné, que :

  • « Le rôle des SAFER doit être fondamentalement revu ».
  • « Le contexte agricole n'a plus rien à voir aujourd'hui avec ce qu'il était en 1960 lors de la création des SAFER ».
  • « Les attentes des exploitants agricoles à l'égard des SAFER sont radicalement différentes ».
  • « Vos rapporteurs se sont interrogés sur le maintien de l'existence des SAFER ».
PDF - 1.1 Mo
Sénat : Les outils fonciers des collectivités locales

Les sénateurs semblent avoir entendu monter du terrain la vague de réclamations concernant les interventions des SAFER, des organismes au statut étrange d'entreprises privées mais aux pouvoirs considérables : "Les SAFER suscitent parfois des réactions négatives en raison des critères de choix des propriétés qu'elles ciblent, puis des repreneurs qu'elles choisissent. Il conviendrait donc de clarifier, et peut être d'encadrer davantage les critères de recours au droit de préemption". Avant d'ajouter "La nature des biens potentiellement concernés par le droit de préemption est également sujette à interrogation".

De plus, des sénateurs qui ont essayé de coopérer avec les SAFER s'insurgent contre le peu d'empressement des SAFER à les aider dans leurs projets d'aménagement. Entièrement aux mains des syndicats agricoles, les SAFER privilégient les intérêts de leurs adhérents aux dépens d'autres projets économiquement ou socialement plus valables.

[(Rapport du Sénat

Proposition n°25 : Recentrer les compétences des SAFER sur leur cœur de métier et encadrer davantage les pouvoirs coercitifs dont elles disposent. )]

D'après ce rapport, une partie des SAFER sont en déficit, ce qui les rend plus agressives dans leurs interventions pour percevoir leur commission aux dépens des collectivités locales, et plus désireuses d'étendre leurs domaines d'intervention.

Conclusion

L'étude du Sénat constitue un plaidoyer convaincant pour la suppression des SAFER, mais ne va pas jusqu'à la recommander. Comme sur de nombreux autres sujets, tout le monde sait ce qu'il faudrait faire, mais nos responsables ne semblent pas prêts à décider avant que la crise atteigne en France le niveau de celle qui a contraint le Canada et la Suède à se réformer dans les années 1990, et l'Espagne, l'Irlande ou l'Italie depuis 2008.

[(Un exemple typique de pot de fer contre pot de terre

Monsieur et madame Durand, fatigués et désirant partir en retraite, mettent leur exploitation agricole en vente et la cèdent au fils de leur voisin. Supposons que l'accord se fasse au prix de 900.000 euros. Informée, la SAFER préempte avec une baisse de prix de 30% (donc pour 600.000 euros environ). Furieux M. Durand envoie une lettre recommandée à la SAFER pour indiquer qu'il refuse la préemption à ce prix : c'est son capital retraite qui est en cause. Six mois plus tard, la SAFER lui confirme sa préemption à 600.000 euros : mal informé, M. Durand ne savait pas qu'une lettre recommandée, même avec accusé de réception, ne suffit pas pour retirer son bien de la vente.

Légalement, la SAFER a gagné devant les tribunaux jusqu'en cassation. Mais est-ce une attitude juste et correcte, surtout pour un organisme de proximité auquel sont concédés des pouvoirs quasiment régaliens ? Et comment les deux hauts fonctionnaires, commissaires du gouvernement dans cette région, chargés de contrôler cette SAFER, ont-ils pu laisser faire ce coup de Jarnac, légal mais injuste ?

Source : La France Agricole, 25 octobre 2013

)]

[1] L'hebdomadaire « La France agricole » par exemple qui publie dans la plupart de ses numéros un cas de contentieux entre une SAFER et un agriculteur. Le "gagnant" n'est pas toujours le même, mais la complexité de la machinerie est toujours excessive pour traiter des sujets aussi élémentaires que : acheter/vendre les cinq hectares du/au voisin.