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Électricité : une politique française irrationnelle

La France ne produit ni charbon ni gaz ni pétrole, mais a toujours été en pointe pour la  production d’électricité : d’abord par ses barrages hydro-électriques de montagne ou au fil de l’eau, puis par ses centrales nucléaires. Et depuis dix ans, les gouvernements subventionnent massivement le développement de la production d'électricité éolienne et solaire. Alors pourquoi ruiner un de nos atouts par une règlementation qui condamne l'usage de l'électricité dans le parc résidentiel, un de ses trois pricipaux marchés ?     

Le bilan électrique annuel qui vient d’être publié par « Réseau de transport de l’électricité » (RTE) indique une augmentation de la consommation française finale d’électricité pour 2015. Une évolution faible (+2,2% en données brutes et +0,5% en donnée corrigée des variations climatiques), normale vu la persistance de la crise économique et le niveau déprimé de la production industrielle.

Une chute brutale

Dans le secteur résidentiel, le chauffage et l’eau chaude sont les deux principaux postes de consommation d’électricité. Un produit 100% français et à 95% sans émission de CO2, deux caractéristiques considérées comme très positives par tous les Français. L’eau chaude produite par des cumulus présente en plus l’avantage d’être produite la nuit quand la consommation d’électricité est très faible.

Le bilan 2015 indique pourtant une chute brutale de l’usage de l’électricité dans ces deux applications pour les nouveaux logements, avec une division par deux des parts de marché en quelques années. Des solutions remplacées par des technologies plus complexes donc plus coûteuses à installer et à entretenir, produisant du CO2 et consommant des combustibles importés dont les prix actuellement très faibles peuvent évoluer de façon imprévisible.

Énergie primaire vs. Énergie finale

Pour comprendre ce mystère, il faut revenir aux contraintes imposées en 2009 par la Régulation thermique 2012 (RT2012). Décidée dans le but louable de réduire la consommation d’énergie, elle impose des plafonds de consommation par mètre carré pour tous les nouveaux logements, libre aux constructeurs de jouer sur l’isolation ou les modes de chauffage pour respecter les objectifs. Jusque là, tout va bien, même si cela augmente le prix des logements neufs en introduisant des surcoûts souvent non rentables, même sur une longue période.

Mais la façon dont est calculée la quantité d’énergie autorisée est complexe : elle ne correspond pas à celle effectivement consommée dans le logement (énergie dite finale), mais aussi à celle qui a été nécessaire pour produire l’énergie consommée dans le logement (énergie primaire). Le but annoncé était de pénaliser l’électicité produite à partir de combustibles fossiles (il est en effet plus efficace de se chauffer au gaz qu’avec de l’électricité produite par une centrale à gaz). Un objectif rationnel pour les nombreux pays étrangers qui produisent leur électricité à partir de combustibles fossiles. Mais cette même  règle a été appliquée aux centrales nucléaires où la transformation Uranium-Electricité se fait effectivement avec des pertes d’énergie dissipée dans les grandes tours de refroidissement… mais sans production de CO2. Au final, le consommateur qui se chauffe à l’électricité a droit à 2,58 fois moins d’énergie que celui qui se chauffe au gaz. Le choix est  entre 1.000 calories fournies par du gaz ou du fuel, et 388 fournies par l’électricité. En bref, il est très difficile de produire des logements respectant la RT2012 avec du chauffage électrique.

Et incohérence finale : appliqué aux voitures électriques, ce coefficient 2,58 les rendrait plus consommatrices d'énergie primaire que les voitures à essence, au diesel ou au gaz. 

 

 Source : ministère de l’énergie

Par convention, du fait des pertes liées à la production, la transformation, le transport et le stockage :

1 kWhEF ⇔ 2,58 kWhEP

pour l’électricité

1 kWhEF ⇔ 1 kWhEP

pour les autres énergies (gaz, réseaux de chaleur, bois, etc.)

Conclusion

Cette politique conduit à installer des chauffages à combustibles importés et polluants. Elle est d’autant plus illogique que la France a lancé des constructions massives de centrales éoliennes et photovoltaïques… qui produisent de l’électricité. Une production aléatoire qu’il serait bien nécessaire de pouvoir stocker dans les chauffe-eau quand la production dépasse la consommation, à toute heure de jour comme de nuit grâce aux nouveaux compteurs Linky. Décidée dans l’euphorie brouillonne du Grenelle de l’environnement, cette application de la RT2012 introduite subrepticement, visait en réalité à pénaliser l’énergie nucléaire. Beaucoup de professionnels pensent qu’une fois le logement certifié RT2012, les ménages finiront à terme par installer les équipements de leur choix : une double dépense inutile. L’étape suivante sera sans doute la mise en place d’un contrôle de la consommation de chacun en fonction de la taille de son  logement, et du nombre de personnes qui y vivent[2]. Il est temps de revenir à un objectif simple de quantité d’énergie finale consommée dans le logement, ou faudra-t-il ajouter à l’énergie produite par la combustion du gaz ou du pétrole dans nos chaudières, celle qu’il a  fallu à la terre pour les produire il y a trente millions d’années ? S’il est convaincu du problème du réchauffement climatique, l’État peut fixer des objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Mais pas imposer la façon de les atteindre, et encore  moins mettre en place des règles qui favorisent les énergies fossiles polluantes aux dépens des Français. 

Une erreur de cible

Le GIEC et la COP21 fixent des objectifs de réduction de la production de gaz à effet de serre (ex. moins 40% en 2030). Des baisses que la France est en voie d'atteindre, ayant déjà baissé la sienne de 30% depuis 2008. Mais nos gouvernements y rajoutent régulièrement un objectif de baisse drastique du niveau de consommation d’énergie (ex. diviser par deux en 2050). Deux objectifs qui ne sont pas liés, notamment dans le cas des électricité nucléaire, éolienne ou photovoltaïque, qui produisent peu ou pas de CO2. En imposant cette contrainte supplémentaire et irréaliste, la France s’engage dans des choix anti-économiques, anti-sociaux et anti-écologiques.


[1] Même un peu supérieure à notre projection sur une longue période.

[2][2] En 2014, la loi Brottes, votée par le Parlement puis refusée par le Conseil Constitutionnel,  allait tout à fait dans ce sens.