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Philippe Séguin répond à l'iFRAP sur son enquête Cour des comptes

Extraits de l'émission Faut-il réformer la Cour des comptes ? sur BFM

Le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, nous a fait l'honneur de venir débattre sur BFM dans les grands débats de Nicolas Doze suite au numéro spécial « Contrôler la dépense publique. Réformer la cour des comptes : Redéfinir sa mission » sur le sujet « Faut-il réformer la Cour des comptes ? ». Face à la vice-présidente de l'iFRAP, Agnès Verdier-Molinié et au député du Puy-de-Dôme Louis Giscard d'Estaing, le premier président a fait de nombreuses déclarations inédites quant à la réforme nécessaire de la Cour des comptes dont nous vous proposons quelques extraits :

Philippe Séguin Ce que je voudrais dire clairement, au risque d'étonner et malgré la tonalité inutilement désagréable de certains passages du rapport, ou malgré certaines inexactitudes (…) je suis d'accord avec les principales préoccupations, exprimées de manière sous-jacente, du rapport. Je souscris sans réserve à certaines des recommandations.

Nicolas Doze Par exemple ?

Philippe Séguin Je pense à la création, sous le modèle du PAC britannique, d'un comité des finances publiques au parlement. Et je dis bien au parlement. Je souscris également à tout ce qui est dit sur l'insuffisance des sanctions contre les ordonnateurs défaillants.

Nicolas Doze Pouvez-vous préciser ce que vous appelez « ordonnateurs défaillants » ?

Philippe Séguin Ce peut être un ministre, des élus locaux, etc. Actuellement, les incriminations ne sont pas assez nombreuses. D'autre part, un certain nombre d'ordonnateurs échappent à la sanction. Je ne serais pas opposé au renforcement des moyens de la Cour. Et je suis d'accord pour renforcer les propositions et l'examen des suites. (…)

Agnès Verdier-Molinié Je crois qu'il faut avant tout rappeler la réforme constitutionnelle qui a été votée en juillet dernier. L'article 24 de l'actuelle constitution réaffirme clairement le rôle d'évaluation des politiques publiques du parlement, ce qui n'était pas le cas précédemment. L'article 47.2 dit bien que la Cour doit assister le parlement dans cette mission d'évaluation des politiques publiques. (…) Désormais, la question à se poser est la traduction concrète de cette nouvelle architecture institutionnelle. La Cour et le parlement vont être amenés à travailler plus étroitement ensemble et le parlement va être mis devant ses responsabilités de sanction des politiques publiques (lorsqu'elles ne sont pas bien faites et que les deniers publics sont mal dépensés, etc.).

Nous nous sommes penchés sur la question, avec pour logique de comparer le modèle du National Audit Office britannique – qui nous parait être un modèle valable, puisqu'il a été copié dans la plupart des grandes démocraties – avec celui de la Cour des comptes et voir ce qu'il fallait changer dans le fonctionnement de la Cour (et au fonctionnement du parlement) pour parvenir à un tandem efficace. Cela permettra de sortir d'une logique de prélèvements obligatoires, lesquels sont parmi les plus élevés des grandes démocraties. (…)

Philippe Séguin Madame Verdier a excellemment dit que l'efficacité qu'elle prête au NAO était liée pour 90% à l'existence de la PAC. Cela veut dire – et pardonnez-moi de vous traduire, que 90% du problème se trouve du côté de l'Assemblée. Pourquoi me prendre mes rapporteurs dont votre rapport dit qu'ils ne sont peut-être pas assez nombreux ? Vous n'avez qu'à augmenter le nombre des fonctionnaires et parlementaires ! (…)

Agnès Verdier-Molinié Pour être efficace, l'équivalent d'un Public Accounts Committee à l'intérieur du parlement devrait faire au moins 50 auditions par an. À la demande du parlement, la Cour rédigerait un rapport. Cependant, chaque député ne pourrait saisir la Cour comme bon lui semble. C'est pourquoi il faudra centraliser les choses. L'idée serait celle d'un comité d'évaluation d'une quinzaine de parlementaires… (…)

Philippe Séguin Le problème est de savoir ce que nous devons fournir à cette PAC. Devons-nous ou non procéder à des chiffrages type NAO ? Sachant que la grande majorité des institutions supérieures de contrôle, voire la quasi-totalité en dehors des Anglo-saxons, estime que, pour des raisons déontologiques et méthodologiques, nous nous exposons au risque de l'erreur en donnant des estimations. En me creusant les méninges, par exemple, je pourrais vous dire combien rapportera la réforme des ports (actuellement en cours sur la base du travail de la Cour des comptes).

Agnès Verdier-Molinié Il faut des objectifs clairs.

Philippe Séguin Comment voulez-vous ? C'est le gouvernement et le parlement qui font les économies, pas la Cour des comptes. (…)

Nicolas Doze Philippe Séguin, êtes-vous d'accord avec l'idée d'une douzaine de députés compétents et réunis au sein d'un comité nouveau ?

Philippe Séguin C'est au parlement d'en décider. Pour parvenir à l'efficacité que souhaitent M. d'Estaing et moi-même, un organisme spécialisé est absolument nécessaire. Pour ma part, j'imagine un tel organisme commun aux deux assemblées, mais ce sera très difficile. Deuxièmement, il faudrait du personnel de l'Assemblée nationale qui pourrait être mis à disposition. Ce comité organiserait les rapports avec nous, coordonnerait les commandes et se réserverait évidemment la possibilité de commander ailleurs. Nous n'avons strictement aucun droit à l'exclusivité.

Agnès Verdier-Molinié Je rappelle que cette réflexion a lieu en ce moment même. Bernard Accoyer, Jean-François Copé et tous les chefs de partis à l'Assemblée sont en train d'y réfléchir. Elle mérite l'attention de tous, car c'est un tournant majeur. Si ce comité de parlementaires ne marchait pas, ce serait un échec cuisant. Il faut lui donner du corps, soit une vraie structure juridique formelle et l'inscrire dans le règlement intérieur de l'Assemblée nationale, au chapitre Évaluation. Il faut vraiment que se crée quelque chose de très concret et qui marche.

Louis Giscard d'Estaing La volonté politique est essentielle. Pour les déficits publics, c'est effectivement à l'occasion du budget et de l'évaluation des politiques publiques que l'on peut avoir ce type de débat – sur la base d'expertises provenant de la Cour des comptes ou d'ailleurs. (…)

Philippe Séguin L'article 47.2 fait de nous des interlocuteurs obligés. (…)

Louis Giscard d'Estaing Philippe Séguin a raison de rappeler qu'il est notre interlocuteur « obligé », ce qui implique à l'inverse qu'il nous assiste. Nous pouvons aussi demander des choses plus concrètes à la Cour des comptes, qui doit nous assister dans cette mission.

En même temps, nous sommes bien d'accord qu'il faut que cela se fasse dans la volonté partagée d'obtenir des administrations épinglées des résultats concrets dans les mois qui suivent.

Nicolas Doze Pour conclure, Philippe Séguin.

Philippe Séguin À la question « Faut-il réformer la cour de comptes ? », ma réponse est oui, d'autant que la réforme est en cours de préparation et qu'elle a déjà été annoncée par bien d'autres textes.

Nous sommes d'accord sur la diversification du recrutement. Nous souhaitons que le tour extérieur soit réservé à des experts. Nous voulons enfin la réorganisation totale de l'ensemble que constituent les juridictions financières.

Commander le rapport de l'iFRAP Réformer la Cour des comptes

Vous pouvez écouter l'émission du mardi 18 novembre sur le site de BFM.