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Les collectivités, aussi responsables de la dette publique

« Les collectivités sont bien gérées, et l'Etat, lui, est en faillite. » répète Alain Rousset, le Président PS de la région Aquitaine. Discours opposé à celui du Président Nicolas Sarkozy à Saint-Dizier : « Mesdames et Messieurs les élus, ne pensez pas une minute que l'on pourra résoudre la question angoissante des déficits de la France en mettant de côté les collectivités territoriales ».
Alors, les collectivités locales sont-elles ou non coresponsables de la dette et du déficit de l'Etat ?

On rappelle à l'envi que, contrairement à l'Etat, les collectivités sont tenues de voter leurs budgets en équilibre et ne peuvent emprunter que pour leurs investissements. Le Rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale estime à « une fourchette de 120 à 150 milliards d'euros » la part des collectivités locales dans la dette de 1500 milliards de la France, soit moins de 10%.
Ainsi, les collectivités locales n'auraient qu'une responsabilité epsilonnesque dans la dette publique. Et si les collectivités contournaient leurs contraintes d'équilibre budgétaire en transférant leur déficit à l'Etat ?

En 2007, les collectivités locales ont reçu 47,7 milliards de concours de l'Etat. Mais ce n'est pas tout, elles ont aussi reçu 16 milliards d'euros en contrepartie de moins-values fiscales et d'exonérations dont l'Etat assure la compensation. Explication : chaque fois qu'une collectivité vote un budget dont les recettes réellement collectées s'avèrent inférieures aux recettes théoriques votées, c'est l'Etat qui amortit et ce, en vertu du principe de l'unité de trésorerie énoncé à la fin du XIXème siècle [1]. D'autre part, toujours dans ces 16 milliards, l'Etat compense généralement toute exonération ou dégrèvement consenti aux ménages et aux entreprises.

Il faut en outre rajouter les taxes nationales dont tout ou partie du produit est arbitrairement affecté aux collectivités locales et qui représentent en 2007, 31,6 milliards d'euros. Ainsi, sur un total de dépenses de 200 milliards d'euros, l'Etat contribue en réalité à hauteur de 136 milliards d'euros, et par conséquent les collectivités ne financent elles-mêmes que le tiers de leurs dépenses. Au final, sur les quelque 200 milliards de budget des collectivités, seuls 62,1 milliards sont réellement issus de la fiscalité propre aux collectivités locales, ce que l'on nomme les « 4 vieilles » : taxe d'habitation, taxe foncière, taxe sur le foncier non bâti et taxe professionnelle, auxquelles il faut ajouter la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères, le versement destiné aux transports en commun et les DMTO (droits de mutation à titre onéreux) moins la compensation des dégrèvements d'impôts locaux versée par l'Etat. On peut dès lors conclure que la part de la dette publique issue des dépenses des collectivités est bien supérieure à 150 milliards, peut-être le double, voire le triple.

Toute augmentation des dépenses liées à des charges fixes exceptionnelles ou à des investissements pharaoniques, ne pèse donc que partiellement sur les échelons locaux mais inexorablement sur les dépenses publiques en général. On ne compte plus les palais d'architectes commandés, qui par le Conseil général, qui par le Conseil régional, et un petit tour de France suffit pour constater qu'argent et croissance ne semblent pas manquer aux territoires indépendamment du fait que croissance et entreprises ne sont pas au rendez-vous. Pire, en dépit de la « vertu budgétaire locale », tandis que l'Etat abonde toujours plus les budgets locaux, les collectivités embauchent de plus en plus. Pendant que l'Etat tente timidement de réduire ses effectifs, les collectivités les augmentent sans vergogne. Hors effectifs transférés de l'Etat aux collectivités, les chiffres de hausse des personnels donnent le vertige : + 52 700 personnels en 2004, + 39 000 en 2005, + 45 700 en 2006, + 35 700 en 2007, avec à la clé plus de 64% d'augmentation des effectifs dans les intercommunalités en 10 ans…

Autant de dépenses en plus sur le long terme, autant d'engagements financiers sur lesquels les territoires n'auront plus de marge de manœuvre à l'avenir. Pour preuve, quand les recettes sont en baisse à cause de la conjoncture, aucune ville, aucun département, aucune région ne songe à réduire les dépenses publiques locales. L'exemple des droits de mutation sur l'immobilier suite à la crise, est riche d'enseignements : la seule solution a été d'augmenter la fiscalité locale avec + 6% en moyenne en 2009. Bref, la question de la dette et du déficit des comptes publics semble bien loin des préoccupations locales. Le temps de la responsabilisation devrait pourtant sonner la fin de la récréation. A quand une RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) locale incitant fortement les collectivités à respecter la règle du non remplacement de 1 fonctionnaire sur deux, voire de 2 fonctionnaires sur 3 partant en retraite ?

[1] Cf thèse de Xavier de Cabannes, Le principe de l'unité de trésorerie, LGDJ Paris 2000, 448 p