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La dette de la Grèce, les agences de notation et la France

« Confrontée au risque de s'écrouler sous le poids de sa dette », la Grèce va devoir prendre « en trois mois des décisions en souffrance depuis des décennies ». La réaction du Premier Ministre grec Georges Papandréou à la décision de l'agence de notation Fitch Ratings d'abaisser la cote de solvabilité du pays va être radicale, mais comme l'admet le numéro deux du gouvernement Théodore Pangalos, continuer à obtenir des prêts est « une question de vie ou de mort pour l'économie nationale ».

Après l'annonce par Dubaï de son risque de défaut sur une partie de sa dette, la décision des agences de notation de mettre en doute la solvabilité de la Grèce a fait trembler la zone euro. Nous savons tous aujourd'hui qu'un Etat, même réputé riche, peut faire faillite. Bien sur, la Grèce est un cas particulier. Ses chiffres de déficit public ont souvent été revus à la hausse ces dernières années, jetant le doute sur la fiabilité des statistiques nationales. Et quand, en octobre dernier, il a été révisé de 6,5% à 12% du PIB pour l'année 2009, la réaction des agences de notation ne s'est pas faite attendre.

Pour garder la confiance des investisseurs et continuer à emprunter de l'argent sur les marchés, la Grèce doit donc entreprendre dans l'urgence des réformes structurelles importantes différées depuis trop longtemps. Un article du Monde du 11 décembre mettait notamment l'accent sur « un système de retraite trop généreux, une population vieillissante, un secteur public pléthorique, peu productif, peu efficace et hostile à toute idée de réforme ». Georges Papandréou reconnaît en effet qu'il s'agit avant tout d'un problème Grec. « Le clientélisme qui parasite notre système n'a rien à voir avec la crise financière, c'est notre responsabilité », a-t-il souligné. La pression internationale se fait de plus en plus forte et les mesures importantes annoncées hier, de hausse de la fiscalité et du gel des salaires de la fonction publique, sont d'ores et déjà jugées insuffisantes.

Le cas de la France

Si la situation de la France n'est pas aussi alarmante que celle constatée sur les hauteurs de l'Acropole, elle n'en demeure pas moins inquiétante. Le constat dressé par le chef de l'Etat lui-même dans son discours du 14 décembre est sévère : en trente ans les dépenses publiques sont passées de 44% à 53% du PIB, et la dette de 21% à près de 80% du PIB. En 2007, nous avons même dépassé la Suède en matière de dépenses publiques et établi un nouveau record au sein des pays de l'OCDE. Notre principal partenaire, l'Allemagne s'est maintenu autour de 43%.

Dans son étude annuelle publiée le 8 décembre, l'agence Moody's classe la France dans la catégorie des pays « résistants », aux côtés de l'Allemagne, du Canada, de la Nouvelle Zélande, du Luxembourg et de la Suisse. Cela s'explique par le fait que le déficit public français se tient plutôt mieux que celui de ses principaux partenaires depuis le début de la crise, autour de 8% contre 12% pour la Grande-Bretagne par exemple. Mais plus que le simple déficit rapporté au PIB, c'est la soutenabilité à long terme des finances publiques qui détermine la notation. Et celle-ci se résume, selon Moody's, à trois questions :

- Jusqu'où la charge de la dette reste-t-elle supportable sans pénaliser outrageusement les autres dépenses publiques ?

- Le pays peut-il emprunter pour affronter un choc, sans devoir payer un prix punitif ?

- Quelles sont les possibilités de lever des impôts ou de réduire les dépenses pour restaurer sa crédibilité financière ?

A à ces trois questions, la réponse n'est pas parfaitement claire dans le cas de la France. La charge de la dette absorbe déjà plus de 20% du budget de l'Etat, un chiffre considérable, et les prélèvements obligatoires, parmi les plus élevés du monde, ne peuvent être augmentés sans compromettre définitivement la compétitivité de nos entreprises. La seule solution serait donc de réduire les dépenses et là encore, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Lecontrôle de la dépense publique par le Parlement tarde à produire des effets concrets. En outre, l'agence précise que l'on commence à s'interroger sur le maintien ou non de la note maximale lorsque la charge annuelle de la dette représente 10% du PIB, niveau qui pourrait être atteint par la France dès 2012, si elle continue de s'endetter au rythme actuel de 140 milliards d'euros par an.

Le cas de l'Irlande

Comment expliquer que la signature de l'Irlande, dont le déficit atteindra plus de 12% du PIB et la dette 100%, bénéficie toujours d'une bonne note ? Tout simplement parce que les agences de notation évaluent la soutenabilité à long terme des finances publiques. Et contrairement à la Grèce, l'Irlande a déjà pris le problème à bras le corps et son budget 2010 présente des coupes visibles : une baisse de 5% à 15% des traitements des fonctionnaires, une baisse de 20% de la fiche de paie du premier ministre et une réduction des allocations familiales. Sans compter que sa vertu passée lui avait permis en dix ans de ramener le niveau de sa dette publique de 94% à 24% du PIB.

Les pays du G20 ont fait le choix, depuis le début de la crise financière, de soutenir l'activité à tout prix, jusqu'au retour d'une croissance solide. Les dettes ainsi contractées ne pourront être résorbées qu'au prix de sacrifices importants : elles vont dépasser pour la première fois en 2010 le total des richesses publiques et privées de la planète, soit 50 000 milliards de dollars.

Les réformes doivent être entreprises avant que nous nous retrouvions au pied du mur, avant que les taux d'intérêts ne remontent et avant que ne surviennent les « vrais » problèmes. De fait, une augmentation de 1 point du taux d'intérêt conduirait à une augmentation annuelle de la charge de la dette de plus de 15 milliards d'euros. Pour que la France entre dans une véritable logique de réforme, la question de l'exemple sera cruciale : le train de vie de l'Etat doit impérativement baisser. C'est déjà le cas en Irlande et ce sera bientôt le cas en Grande-Bretagne : les salaires des hauts fonctionnaires, jugés trop élevés, devraient baisser de 20% en trois ans. Sans compter que la Grande-Bretagne compte 2,8 millions de fonctionnaires quand la France en compte plus de 5 millions. Autant dire que la route vers l'assainissement de nos finances publiques est encore longue.