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Taux d'intérêt, le contexte est encore favorable à la réduction de la dette publique

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit que les besoins de financement de l'État s'élèveront à 196,6 milliards d'euros, dont 75,7 milliards pour couvrir le déficit budgétaire prévu l'an prochain et 119,5 milliards pour assurer l'amortissement de la dette à moyen et long terme de notre pays. Avec 44,3 milliards d'euros prévus en 2015, contre 44,9 milliards estimés pour cette année, la charge d'intérêt de la dette publique pourrait encore baisser mais elle restera le premier poste de dépenses du budget de l'État. Certaines recettes – comme les ventes de participations de l'État – venant directement réduire la dette, l'agence France Trésor, en charge de la gestion active de la dette publique, table au final sur un programme d'émissions de 188 milliards d'euros en 2015, contre près de 173 milliards d'euros cette année.

Ces dernières années, la baisse des taux d'intérêt à court, moyen et long terme a permis à l'État de réduire sa charge d'endettement, malgré l'augmentation de la dette totale. Ainsi, en 2014 l'État devrait économiser près de 2 milliards d'euros par rapport à son programme prévisionnel (44,9 milliards d'euros prévus par la loi de finances rectificative contre 46,7 milliards inscrits dans la loi de finances initiale) et ce malgré une augmentation de son déficit final. Il en serait encore de même en 2015 (le projet de loi de finances 2015 table sur une baisse de 600 millions d'euros). Au-delà, les lois de programmation 2016 et 2017, en prévoyant une remontée progressive des taux d'intérêt, annoncent une augmentation de la charge d'intérêt de la dette qui pourrait atteindre 50 milliards d'euros en 2017.

La France continue de bénéficier de conditions de refinancement de sa dette particulièrement favorables : selon l'agence France Trésor, le taux moyen pondéré de la dette s'est établi à 1,44% au cours des trois premiers trimestres de 2014 contre 1,54% en 2013 et une moyenne de 4,15% pour la période 1998-2007. Le repli récent des marchés boursiers a de nouveau initié un mouvement d'achats sur les marchés obligataires dont la France a bénéficié. Ainsi début octobre, l'émission de bons du Trésor à 10 ans a été adjugée à 1,23%, tandis que le taux à l'émission du bon du trésor à 3 mois était négatif (-0.04%).

  • Le crédit de la France reste élevé et les investisseurs en mal de sécurité voient dans la dette française un bon substitut à la dette de l'Allemagne, dont l'encours, lui, se réduit.
  • De plus, le maintien durable des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne au plus bas, allège les coûts de refinancement de notre dette à court terme.
  • Enfin, même la remontée attendue des taux d'intérêt aux États-Unis n'aura qu'un effet décalé sur nos rendements : en effet, le « découplage » entre les rythmes de croissance se répercute sur les niveaux de taux à long terme. Ainsi, l'écart de rendement entre le taux 10 ans américain et le taux 10 ans français a atteint 1,4% début octobre, alors qu'ils étaient au même niveau début 2013.

Mais nous commençons à jouer à la marge et les avantages accumulés s'amenuisent avec le temps. Ils pourraient même être sérieusement remis en cause tant que notre dette publique continue de progresser.

  • C'est mécanique, la baisse spectaculaire des rendements nominaux de ces dernières années ne laisse plus beaucoup de marge de gain supplémentaire. À 1,3% environ pour le rendement de l'OAT [1] à 10 ans aujourd'hui, le gain marginal d'une baisse supplémentaire est évidemment bien moindre qu'il y a dix ans. Ainsi, l'État intègre dans ses prévisions une remontée progressive des rendements obligataires dans les années qui viennent.
  • Or l'augmentation des déficits primaires (hors charge d'intérêt) chaque année, signifie que l'encours de la dette continuera de progresser.
  • Une reprise de l'activité en Europe pourrait finir par tirer l'ensemble des rendements obligataires vers le haut.
  • Attention à ne pas céder à l'illusion monétaire : l'indice des prix à la consommation français devrait ralentir à 0,4% cette année. Ceci veut dire que le taux moyen pondéré réel de la dette reste de l'ordre 1,0% et pourrait bien buter durablement sur cette limite. L'absence durable d'inflation ne pourrait qu'accroître le coût réel de la dette.
  • Mais surtout, une suspicion accrue pourrait peser sur le crédit de la France. S'il est vrai que jusqu'à présent, l'abaissement de la note de la France n'a pas eu d'effet sur le coût de sa dette et qu'elle reste considérée comme faisant partie du « cœur » de la zone euro, c'est-à-dire bénéficiant d'un écart de rendement très limité avec la dette allemande, celle-ci n'en est pas moins plus fragile. Lors de périodes de tensions au sein de la zone euro, on a pu constater que le « spread [2] » France/Allemagne tendait à s'écarter - de près de 10 points de base (0,1%) en quelques jours. Il est à noter qu'à la naissance de l'euro, ce spread fut un temps négatif.

Conclusion

L'encours de la dette publique de la France devrait culminer à près de 98% du PIB en 2016. 64,5% de notre dette est détenue par des non-résidents : c'est autant une preuve de confiance dans son ancrage au cœur de la zone euro qu'un risque en cas de changement d'opinion de la part de ces investisseurs. En cas de doute sérieux, la France risque de voir le coût de sa dette progresser bien au-delà des estimations actuelles. La gestion active de la dette comme la baisse des taux d'intérêt nous confèrent donc un sursis pour gérer cette transition et atteindre les objectifs de réduction de déficits publics tels que la France s'y est engagée. À ce stade, le non-respect durable de ces engagements induirait un risque de remontée unilatérale des taux de refinancement de la dette française qui alourdirait son coût quasiment de 1 pour 1 (lorsque le taux d'endettement atteint les 100%, une hausse du taux moyen de la dette de 1,0% équivaut à une augmentation de son coût de 1% du PIB.

[1] Obligation Assimilable du Trésor, emprunt d'État obligataire français.

[2] « spread » : écart de rendement entre les dettes publiques