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Pour un détachement des écoles de reconversion professionnelle des anciens combattants

Petit détour historique : Héritières des écoles ouvertes aux mutilés de la guerre dont le droit à la rééducation a été reconnu dans une loi du 2 janvier 1918, les écoles de reconversion professionnelle (ERP) de l'Office national des anciens combattants et vicimes de guerre (ONAC-VG) sont au nombre de 9 actuellement depuis la fermeture des ERP Edgar Faure de Montpellier et Jean Mermoz de Béziers dans le début des années 2000 [1].

Ces ERP sont implantées, en règle générale, dans des bâtiments (parfois classés : Metz, Oissel, Limoges) situés en centre ville à l'exception de 2 (Oissel, Metz Soisy) qui disposent d'un parc foncier important : l'école Robert Lateulade à Bordeaux, l'école Féret du Longbois à Limoges, l'école Georges Guynemer à Lyon, l' école Jean Moulin à Metz, l'école Vincent Auriol à Muret, l'école Jean l'Herminier à Oissel, l'école Jean Janvier à Rennes, l'école André Maginot à Roubaix, et l'école Gabriel et Charlotte Malleterre à Soisy sur Seine. À ces ERP s'ajoute un centre de pré-orientation implanté à Valenciennes et adossé à l'école de Roubaix depuis 2010, qui reçoit les personnes orientées par les Commissions des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) durant 8 à 12 semaines dans le but d'explorer les possibilités de reclassement professionnel par l'élaboration d'un projet adapté à ses souhaits et ses capacités.

Le statut des ERP

Anciennement appelées écoles de rééducation professionnelle [2], les ERP sont des établissements publics au sens des dispositions du décret n°88-279 du 24 mars 1998 relatif à la gestion budgétaire et comptable et aux modalités de financement de certains établissements sociaux et médico-sociaux à la charge de l'État ou de l'assurance, et des différentes modifications réglementaires qui l'ont suivi, notamment dans le début des années 2000. Leurs missions sont encadrées par les lois n° 2002-2 rénovant l'action sociale et médico-sociale et n° 2005-102 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Assimilées aux centres de reconversion professionnelle (CRP) [3], les ERP sont des établissements médico-sociaux [4] qui relèvent de l'ensemble de la règlementation applicable aux autres établissements sociaux et médico-sociaux, qu'il s'agisse de la mise en œuvre de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (COM), de projets d'établissements ou encore de mécanisme d'évaluation interne et externe des actions.

Ces ERP font l'objet d'interventions de plusieurs acteurs :

  • les agences régionales de santé (ARS), autorités qui décident de la création des CRP dont ils assurent la tutelle, de leur tarification et effectuent les contrôles relevant des domaines du budget, de la santé et de la sécurité,
  • les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) qui sont les principaux prescripteurs de places dans les ERP,
  • les directions régionales de l'économie, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) qui délivrent les agréments de rémunération et de formation des stagiaires,
  • les rectorats qui décident de l'organisation des examens et de la formation du personnel enseignant.

La formation proposée

La durée des formations dépend de la spécialité choisie, peut aller de 6 mois à plus de 2 ans et déboucher sur :

  • des diplômes de l'Éducation nationale de différents niveaux (CAP, BEP, BAC PRO, BTS, Licence Professionnelle) qui présentent l'avantage d'être reconnus par les conventions collectives,
  • des Attestations de Compétences de l'ONAC-VG,
  • la VAE (Validation des Acquis et de l'Expérience).

Les métiers proposés qui sont au nombre d'une cinquantaine, concernent les domaines des services (comptabilité, secrétariat, tourisme, vente, entretien des espaces paysagers, entretien et contrôle technique de l'automobile), du bâtiment (dessin industriel, électricité), de la santé (podo-orthésie, optique), de l'administration des transports, de l'électronique numérique (micro informatique, maintenance, réseaux), de l'audiovisuel (communication graphique, photographie), et de l'artisanat (cordonnerie, horlogerie, menuiserie, ébénisterie).

Les capacités d'accueil des ERP

Destinées initialement aux ressortissants de l'ONAC-VG (titulaires d'une pension militaire d'invalidité, de la carte du combattant, du titre de reconnaissance de la nation, pupilles de la nation…), les ERP se sont progressivement ouvertes à d'autres catégories de personnes : les mutilés du travail à partir de 1924, les travailleurs handicapés à partir de 1962, les agriculteurs en reconversion en 1965, les enfants de supplétifs des armées (harkis) en 1989 et les militaires en reconversion à partir de 1997. Actuellement, elles sont principalement ouvertes aux travailleurs handicapés reconnus par les MDPH qui sont destinataires des dossiers de demandes et les CDAPH qui étudient ces demandes,

Les ERP représentent environ 10% des établissements chargés de la reconversion professionnelle des travailleurs handicapés et environ 20% de ce public. Mais ces ERP qui ont une capacité agréée de 2.149 places dont 649 en internat, accueillent une population de ressortissants de l'ONAC-VG qui est passée, en 2008, de 3,3% des effectifs reçus à seulement 1,2% en 2012. C'est ainsi que ces ERP ne correspondent plus au coeur de métier actuel de l'ONAC-VG comme l'atteste le tableau ci-dessous :

Une situation budgétaire déficitaire

Les ERP ont du fait de leur population un financement qui provient à 95% du prix de journée facturé aux ARS [5]. En effet, leur fonctionnement est pris en charge par l'assurance maladie par le biais des ARS avec lesquelles elles négocient leur budget. Le calcul du budget s'effectue au niveau de chaque ERP sur la base de l'activité prévisionnelle qui prend en compte les journées de formation réalisées sur les 3 dernières années.

En outre, le ministère de la Défense (MINDEF) prend en charge financièrement les frais de formation de reconversion professionnelle des militaires en fin de contrat et placés en congés de reconversion (confer l'article de l'IFRAP du 28 août 2014 sur la formation de reconversion professionnelle des militaires). De plus, l'ONAC-VG peut prendre en charge tout ou partie des frais de reconversion professionnelle de ses ressortissants.

La situation financière des ERP qui pèse sur le budget de l'ONAC-VG, présente à la clôture 2012 un déficit global de 2,3 millions d'euros, soit un peu plus de 6% de leur budget pour 2012 comme l'a souligné le rapport d'information n° 132 (2013-2014) du sénateur M. Philippe MARINI, fait au nom de la commission des finances du Sénat et déposé le 12 novembre 2013.

En effet, les ERP éprouvent des difficultés à respecter les règles de tarification des dépenses édictées par les différents acteurs du secteur médico-social (notamment les ARS) qui, s'appuyant sur le code de la sécurité sociale et le CSAF, refusent de les valider. C'est notamment le cas des frais de siège [6] et de la revalorisation de la cotisation employeur sur les pensions civiles qui pèse fortement sur les ressources budgétaires compte tenu de la présence de fonctionnaires d'État qui a crû au sein de l'ensemble du personnel des ERP (passage de 33% à 68,6% sur la période 2006-2012).

Avec une exécution 2012 de 34,9 millions d'euros, les ERP emploient 480 personnes physiques dont 152 appartiennent au corps spécifique des professeurs [7] des ERP de l'ONAC-VG. À titre de comparaison, la masse salariale de ces personnels est peu ou prou équivalente à celle d'un état-major de brigade interarmes (incluant sa compagnie de commandement de transmissions) du même type que celui de la 1ére brigade mécanisée de Châlons-en-Champagne dont la décision de dissolution a été prise en novembre 2014 par le MINDEF.

Conclusion

Les éléments présentés supra mettent en évidence que l'ONAC-VG n'a plus les moyens d'assurer sa mission de reconversion professionnelle notamment des personnels handicapés, d'autant que la gestion de ce secteur s'est complexifiée avec le nombre important d'intervenants et l'évolution des normes réglementaires. Le maintien des ERP au sein de l'ONAC-VG n'est plus opportun de nos jours, comme l'ont déjà souligné depuis près de 15 ans plusieurs rapports [8]. Compte tenu de la part minime des ressortissants de l'ONAC-VG dans ses ERP, leurs spécificités ne sont plus liées au personnel relevant du MINDEF (militaires, anciens combattants et pupilles de la nation), mais davantage aux travailleurs handicapés quelle que soit leur origine et au caractère diplômant de leurs formations.

En outre, le rapport conjoint du 10 juin 2013 cité supra précise que « l'ONAC-VG comme le ministère de la Défense n'ont pas de stratégie ni de politique pour ces ERP ».

Ces ERP doivent quitter le périmètre de l'ONAC-VG qui n'est plus en mesure de combler leurs déficits, d'autant que les besoins en investissements seront à l'avenir très importants. En conséquence, le MINDEF doit engager une procédure de leur cession, à titre onéreux, au secteur privé lucratif ou non [9] sous réserve d'être reconnu comme acteur performant du métier de la formation dans le domaine du handicap. Le montant des cessions peut s'appuyer sur la qualité du réseau des ERP de l'ONAC-VG (notamment leur implantation, la qualité de leur formation et des résultats enregistrés, l'importance de leur taux d'occupation).

Cette cession suppose de mettre en place un dispositif de conduite de changement pour les stagiaires et les personnels des ERP en vue de leur expliquer la nécessité des évolutions envisagées et de mettre en œuvre les dispositifs de mutations et de transfert de personnels (fonctionnaires, contractuels et professeurs des ERP qui est un corps en voie de disparition) selon les cas (mise à disposition, détachement, changement de corps statutaire).

[1] Ces ERP qui étaient ouvertes notamment aux enfants des supplétifs (Harkis), ne bénéficiaient pas de l'agrément des ministères du travail et des affaires sociales pour organiser la rééducation professionnelle des travailleurs handicapés.

[2] Décret n° 2004-276 du 26 mars 2004 qui a donné l'appellation actuelle.

[3] Les CRP qui sont des structures de formation professionnelle, ont pour mission de dispenser une formation qualifiante et diplômante aux personnes handicapées en vue de leur insertion ou réinsertion professionnelle, notamment dans le cadre des codes du travail (articles L323-15 et R323-34) et de l'action sociale et des familles (article L312-1, L313-1 et L313-3).

[4] Au titre de l'article L312-1 I 5b du Code de l'action sociale et des familles – CASF.

[5] Les ERP, en tant que CRP, sont financées par l'assurance maladie en fonction d'un prix de journée (Article R481-2 du code de la sécurité sociale).

[6] Ces frais de siège social de l'organisme gestionnaire qui sont définis par le ministère de la Santé et des Affaires sociales et peuvent être intégrés dans le calcul du prix de revient de la journée ou de la dotation globale, s'appuient sur une réglementation diverse, notamment : Art. 10 du Décret N° 61‐9 du 3/01/1961, Art. 24 du Décret N° 88‐279 du 24/03/1988, Art. L314‐7 du Code de l'action sociale et des familles, Décret 2003‐1010 du 22/10/2003.

[7] Les professeurs de l'ONAC-VG ont un statut particulier établi par le décret n° 90-195 du 27 février 1990.

[8] Rapports du sénateur M. Baudot sur les activités de l'ONAC-VG de 1999, du contrôle général des armées (CGA) et de l'inspection générale des finances (IGF) sur l'ONAC-VG de 2001, de la Cour des comptes sur la gestion 1997-2005 de l'ONAC-VG, du CGA sur les ERP de l'ONAC-VG de 2010, d'audit de M Charbonnier du Secrétariat général pour l'administration du MINDEF sur le diagnostic de gestion des ERP de 2011, du CGA sur l'ONAC-VG de 2012, et du CGA et des inspections générales des finances et des affaires sociales du 10 juin 2013.

[9] Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), Association des paralysés de France (APF), Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH), Croix-Rouge, Union de gestion des établissements des caisses d'assurance maladie (UGECAM)…