Actualité

Lolf : Une perte de pouvoir de contrôle pour le Parlement ?

« À propos de la loi organique du 1er août 2001 », par Arnaud Le Gall

La LOLF est cette fameuse loi organique du 1er août 2001 votée sous le parrainage de Didier Migaud - député socialiste, actuel président de la commission des finances de l'Assemblée et à l'époque rapporteur général du budget - et Alain Lambert - sénateur de l'Orne, alors président de la commission des finances du Sénat.

Après un exposé technique des textes fondateurs du vote budgétaire [1], Arnaud Le Gall nous livre une analyse critique de la LOLF dans un article d'analyse [2] . Les titres et sous-titres de l'article sont ainsi parfaitement clairs : « La loi organique ne contribuera pas à l'amélioration de la situation des finances publiques », « La performance : un faux ami » (la LOLF prétend en effet substituer à un budget de moyens un budget de résultats s'appuyant sur des indicateurs de performance), « Les limites de la notion d'indicateur de résultat », « La fausse justification au premier euro », « Les programmes ou la voiture sans pilote », « L'absence de réforme de l'État », « Les intouchables dépenses liées à la fonction publique », « L'évaluation des dépenses : le grand silence ». Si l'on essaie de résumer en une phrase l'essence des critiques formulées par l'auteur, la LOLF a défini de grands principes que tout le monde partage : rendre aux responsables de l'Administration une plus grande responsabilité en leur permettant par exemple de pouvoir changer l'affectation des crédits au sein des programmes, simplifier le budget en passant de 848 chapitres en 2005 à 132 en 2006, éliminer les services votés (on ne touchait pas aux dépenses votées antérieurement ; après la LOLF, on vote les programmes au premier euro). Mais, en pratique, ces principes sont rendus inapplicables.

D'abord par les contraintes extérieures : le gestionnaire public n'a pratiquement aucune marge de manœuvre sur son principal poste de dépenses, celui du personnel, en raison du statut de la fonction publique, ce dernier ne permet pas de licenciement, sauf cas exceptionnel, ni même le passage d'un corps à un autre. Ces contraintes sont tellement fortes que, comme le remarque l'auteur, les « justifications » des dépenses, pourtant exigées par la LOLF, ne sont même pas fournies dans le projet de loi mais remplacées par de simples explications.

Ensuite, par le fait que, comme Société Civile l'a rappelé plusieurs fois, les indicateurs n'ont pas été fixés par un organisme extérieur mais par l'Administration elle-même [3].

Inefficacité congénitale

En fait, on touche là au cœur de l'inefficacité congénitale de la LOLF : tout débutant en organisation sait que pour réorganiser une institution, il faut commencer par faire un audit et à partir de celui-ci, fixer les grandeurs qui permettront de mesurer valablement les progrès accomplis. Lorsque la LOLF a été lancée à partir du grand chantier ouvert par Laurent Fabius, alors président de l'Assemblée nationale, et Didier Migaud en 1999 sur la dépense publique, les deux intéressés ont parfaitement compris que mettre en place des moyens d'audit était extrêmement dangereux pour une clientèle du Parti socialiste : les fonctionnaires qui vivent de l'absence de contrôle du Parlement sur la dépense publique.

Et ils ont donc lancé la réforme à l'envers, avec la complicité d'Alain Lambert. Le Professeur Le Gall s'interroge d'ailleurs sur la « rapidité déconcertante et quelque peu inquiétante » avec laquelle a été votée la LOLF. Il note que huit pays étrangers avaient engagé des réformes vigoureuses parachevées par un nouveau texte régissant les procédures budgétaires. La France a fait l'inverse : modifier le texte avant de faire les réformes. Et nous pouvons même nous demander si la LOLF, contrairement à ses objectifs déclarés, n'a pas amoindri la possibilité pour les parlementaires d'agir sur le budget. Il était en effet possible à un parlementaire de remettre en cause le budget de l'Administration en présentant un amendement de suppression de l'un des postes de moyens. Avec la LOLF, l'unité élémentaire - le programme - est trop grosse pour pouvoir être supprimée. Et à l'intérieur d'un programme, supprimer un poste n'a plus d'impact en raison de la fongibilité entre postes de dépense. Avec la LOLF, il est probable que l'intérêt du Parlement pour la discussion budgétaire, déjà faible, n'a pas progressé mais au contraire régressé.

[1] Lire également à ce sujet le deuxième hors-série de l'iFRAP : Parlement bâillonné, nos députés parlent.

[2] À propos de la loi organique du 1er août 2001, Arnaud Le Gall, Revue de la Recherche juridique, Presses universitaires d'Aix-Marseille

[3] Lire à ce sujet, sur le site du Sénat : LOLF : culte des indicateurs ou culture de la performance (www.senat.fr/ rap/r04-220/r04-220.html)