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La France mérite une stratégie de réforme des missions publiques digne de ce nom

La spécificité de la France ? Une organisation en strates sur un territoire découpé selon le cadre administratif du 18e siècle. Une réalité soulignée par le Président dans sa tribune du 2 juin où il donne les grandes lignes de sa réforme territoriale. Mais il ne suffit pas d'annoncer la suppression d'ici 2020 des Conseil généraux et la réduction du nombre de régions à 14. En tout cas, pas pour économiser. Réduire le nombre de strates sans vraiment réduire le nombre de directions et le nombre d'agents, sans se pencher sur le caractère redondant ou non des politiques publiques entre l'Etat, les départements, les régions, les intercommunalités et les communes est vain. Nous devons non plus réfléchir en termes d'échelons institutionnels mais en termes de politiques publiques. Et se poser à chaque fois cette question concrète : Qui fait quoi, qui doublonne avec qui ? Quel serait le meilleur échelon gestionnaire de cette politique publique pour apporter la meilleure qualité de service public aux Français ?

Supprimer les doublons et les incohérences de notre organisation publique demande de voir plus loin que le seul intérêt des élus et des agents qui priment trop souvent. Le système n'est pas au service de ceux qui le gèrent mais au service des citoyens. Voici comment la Fondation iFRAP propose d'affiner la réforme territoriale en préparation.

Cette tribune est parue dans l'édition du vendredi 6 juin du Monde, à retrouver ici sous le titre : Économisons 24 milliards. Baisser les effectifs.

Oui, les 14 nouvelles régions (entre 3 et 4 millions d'habitants) doivent prendre la pleine maîtrise des politiques de développement et de transports… mais également d'une compétence éducative renforcée. Elles absorberaient alors les académies qui deviendraient des « agences régionales » chargées de gérer la masse salariale des enseignants, de financer la politique éducative et donc de subventionner des communes aux compétences élargies. La politique éducative serait alors partagée entre les régions (pour l'enseignement supérieur, la rémunération des agents de l'Éducation nationale, professeurs et du personnel technique) et 5 000 super-communes (chargées à la fois des collèges, des lycées et des écoles de leur territoire). L'éducation resterait nationale dans ses programmes et par les différents contrôles opérés par le ministère de l'Éducation nationale, mais sa gestion serait bel et bien locale (comme en Allemagne, au Royaume-Uni, en Suède).

Il faut également mettre fin au doublon intercommunalités-communes. Si François Hollande parle des 36 700 communes françaises comme d'une « spécificité de notre pays », il faut rappeler que la France concentre 40% des communes européennes. C'est pourquoi nous proposons de passer de 36 700 à 5 000 « super-communes » dont le nombre d'habitants ne pourrait être inférieur à 5 000 dans un premier temps, 10 000 dans un second temps (le système de bonus/malus annoncé par le président de la République lors de ses vœux serait ici mis en place dans une dynamique d'incitation à la fusion). Elles auront toujours des compétences larges (aménagement et urbanisme, habitat, environnement traitant de l'eau et des déchets, transports scolaires, pratique des activités culturelles) mais compteront des compétences nouvelles dans l'éducation avec la gestion des bâtiments et du personnel des lycées, collèges et écoles. Une prise en charge de compétences élargies qui ne sera possible que pour des communes ayant atteint une taille critique. En parallèle, le réseau déconcentré de l'État doit se réformer, un point pour l'instant non abordé par François Hollande. Il faudrait conserver seulement 14 préfectures régionales ce qui n'empêcherait en rien de conserver des services publics de proximité en se servant du réseau de la poste et de ses 17 000 points de contact pour retirer les documents d'identité, cartes d'immatriculation, permis de conduire…

Concernant la politique sociale, le réseau des 101 CAF départementales devrait être fusionné avec la part sociale des départements (35 milliards) et le réseau des Centres communaux d'action sociale afin de créer un guichet unique des prestations sociales (à raison d'un centre au sein des 5 000 super-communes d'ici 2022). Cela permettrait de répondre au problème de la multiplication des guichets en France puisque l'actuelle concurrence entre les diverses administrations publiques porte actuellement le nombre de guichets à 54 000 au total.

Notre proposition est donc d'aborder la réforme territoriale sous l'angle des politiques publiques. Cela en complétant le projet de réforme territoriale avec la fusion des communes et une nouvelle gestion des dépenses de protection sociale. Cette vaste réorganisation représente un enjeu budgétaire conséquent qui pourraient atteindre jusqu'à 24 milliards d'euros selon notre estimation. Mais ces économies ne seront au rendez-vous que si le nombre des effectifs centraux et locaux est contraint dans les prochaines années. La logique voudrait en effet que, pendant 5 ans et en vertu des fusions et réorganisation réalisées, un gel des embauches soit instauré (non remplacement des départs en retraite). L'objectif serait, au niveau des collectivités locales un baisse de l'ordre de 360 000 postes d'ici 2022 et de 198 000 au niveau de l'Etat (71 000 postes au niveau des opérateurs).

L'objectif doit maintenant être le suivant : réorganiser la France pour conserver la qualité des services publics à un coût inférieur.