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Collectivités locales : Emmanuel Macron veut 13 milliards d'économies... mais ne s'en donne pas les moyens

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 6/10 sur la contractualisation Etat-collectivités territoriales pour baisser les dépenses publiques locales.

Sortir de la logique de rabot qui était celle de la baisse générale des dotations de l'État aux collectivités locales. Voilà l'antienne du gouvernement. Il faut dire que ces baisses avaient fait diminuer en priorité les investissements des collectivités plutôt que les dépenses de fonctionnement… Le gouvernement met donc en place une nouvelle méthode de contractualisation avec les collectivités (article 29 de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022). Avec ses avantages certains et ses limites qui seront vite atteintes si le dispositif n'évolue pas vers plus d'ambition.

L'objectif d'économies pour les collectivités locales est de 13 milliards d'euros à l'horizon 2022. Elles dépensent chaque année environ 250 milliards d'euros. Depuis les années 70, leurs dépenses ont augmenté de 50% et leurs recettes de 80%... Leurs dépenses de fonctionnement sont à 180 milliards d'euros par an, dont la moitié de dépenses de masse salariale. Depuis les années 80, le nombre d'agents au niveau local a augmenté de presque 1 million.

322 collectivités sont concernées (145 communes, 62 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), 98 départements, 17 régions) par cette contractualisation. Ce sont celles dont les dépenses réelles de fonctionnement (DRF) dépassent les 60 millions d'euros. 

Le schéma est simple : elles devront ne pas dépasser une croissance des dépenses de fonctionnement de 1,2%/an, inflation comprise. 

Il est dommage que les collectivités soient toutes placées à la même enseigne, quel que soit leur point de départ : celles qui ont déjà fait des efforts de bonne gestion devront en produire autant que celles qui n'en ont fait aucun.

Soit, il y aura une petite marge de négociation et le taux est en réalité souple (+/- 0,15 pt par critère) en tenant compte de la démographie, du revenu moyen par habitant (ou +25% de la population en quartiers prioritaires de la politique de la ville) et des efforts réalisés dans les années précédentes (2017 et 2016) en matière de maîtrise de dépenses : une collectivité bonne gestionnaire, modeste et démographiquement dynamique par exemple, pourra escompter devoir respecter une hausse de ses dépenses de fonctionnement de +1,65%.

Au contraire, les collectivités concernées qui refuseront de respecter les objectifs proposés se verront sanctionner d'une reprise l'année suivante (malus) sur leurs RRF (recettes réelles de fonctionnement) de l'écart constaté dans la limite de 75% en cas de contractualisation et de 100% en cas de refus de contractualiser. En cas de réussite, voire de dépassement de leurs objectifs, les collectivités bénéficieront d'un bonus sous la forme d'une bonification en matière d'investissement qui sera validée par le préfet mais c'est un peu maigre comme «carotte» (dotation de soutien à l'investissement local).

Les collectivités, via leurs associations d'élus, se plaignent de ce dispositif de contractualisation, mettant en exergue notamment l'effort précédemment consenti sous le mandat de François Hollande à la faveur du choc de la baisse de la dotation globale de fonctionnement de 11,48 milliards d'euros entre 2013 et 2017. Mais la différence est cependant d'importance: dans le premier cas, la baisse était identique quelle que soit la collectivité territoriale considérée.

Ce système de contractualisation est temporaire: il ne devrait durer que 3 ans. Il sera renouvelé et certainement amendé dès le budget 2019. Quoi qu'en disent les collectivités, ces dernières ont obtenu de limiter les effets de la contractualisation. Par exemple, elles ont obtenu que les budgets annexes de leurs comptes ne soient pas concernés par le contrat passé avec l'État. Concrètement, si la cantine de l'école est gérée par une société publique locale, c'est bien une dépense de fonctionnement qui ne sera pas contrainte dans son évolution par la règle du 1,2%... Les collectivités ont obtenu aussi que des avenants soient possibles si leur périmètre évolue, si des événements exceptionnels interviennent. Les départements, eux, ont obtenu que la variation des allocations qu'ils versent (RSA par exemple) ne soit pas prise en compte au-dessus de 2% d'augmentation…

Les régions semblent, pour leur part, rechigner à contractualiser alors même que les dernières simulations de l'association des régions de France montrent qu'elles satisferaient toutes en 2018 au critère des 1,2%...

La mesure est donc intéressante mais de court terme. Pour le moyen terme, il faudra déboucher sur une démarche beaucoup plus fine, analytique et partagée sur le modèle italien, tout en évitant les fuites (budgets annexes, règle d'endettement). On pourrait comparer ainsi le coût de chaque service public entre collectivités: les crèches, les écoles, l'eau, la voirie… Les Italiens en la matière sont bien en avance sur la France et comparent en permanence les collectivités entre elles pour les faire converger, politique publique par politique publique, vers les bons gestionnaires.

Une démarche identique à celle de l'Italie a été proposée par le Sénat mais malheureusement repoussée par l'Assemblée nationale. Le Sénat demandait aussi que tout citoyen puisse accéder aux termes du contrat passé entre l'État et chacune des 322 collectivités mais cela aussi a été rejeté. L'effort de transparence et de comparaison n'est clairement pas au rendez-vous… Difficile de croire qu'avec ce seul outil, 13 milliards d'économies sur les dépenses de fonctionnement des collectivités locales seront effectifs. D'où cette note de six sur dix.