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Réforme des hôpitaux : la convergence des tarifs public-privé doit rester un objectif ferme

... au-delà de la réforme Bachelot

Derrière la polémique affichée sur le thème « les directeurs d'hôpitaux auront-ils trop de pouvoir ou pas assez de pouvoir ? » intéressante en réalité seulement sous l'angle « seront-ils de vrais managers et gestionnaires ou non ? », se cache un enjeu bien plus important. Celui de l'efficience de nos hôpitaux et de l'entrée en vigueur de nouvelles règles du jeu qui ne permettront plus à certains hôpitaux d'échapper à la tarification à l'activité et à l'évaluation de leur efficience en dépit du report regrettable de 2012 à 2018 de la convergence des tarifs entre hôpitaux et cliniques.

Selon un récent rapport de l'IGAS cité par le Professeur Guy Vallancien, seulement 5% des cas de malades les plus lourds sont soignés en CHU avec une moyenne d'âge de 63 ans contre 72 ans dans les hôpitaux généraux et 71 ans dans les cliniques. On ne peut donc conclure que CHU d'abord et hôpitaux généraux ensuite aient l'apanage de toute la population la plus âgée et la plus difficile à soigner de France tandis que les cliniques ne traiteraient que les malades simples et « programmables ». Pourtant, cette image d'Épinal a encore de beaux jours devant elle puisque l'on continue à entendre en ce moment des envolées lyriques sur la « marchandisation de la santé », la transformation de l'hôpital public en entreprise, la logique comptable et autres balivernes.

La Fédération Hospitalière de France (FHF) reconnaît toutefois aujourd'hui bien volontiers -cela n'a pas toujours été le cas- que les hôpitaux publics sont 27% plus chers que les cliniques sur les mêmes actes. Ils seraient, selon les études que nous avons menées, en réalité au moins 50% plus chers que les cliniques avec pourtant des lourdeurs qui incitent les patients à s'adresser en priorité aux cliniques. Résultats : nos hôpitaux, malgré leur cherté (plus de 50 milliards en 2008 contre 10 milliards pour les cliniques) qui devrait leur conférer une qualité des soins exceptionnelle, continuent à perdre tous les ans des parts de marché sur la chirurgie en particulier, dont plus de 60% se fait aujourd'hui en cliniques.

Fort de ce constat et pour y voir plus clair dans les surcoûts, une tarification à l'activité et un objectif de convergence entre les tarifs des hôpitaux et des cliniques à horizon 2008 puis 2012 avait été décidée par le ministre de la Santé Jean-François Mattei. Les cliniques avaient fait office de « cobayes » plus ou moins consentants en se pliant à la convergence entre cliniques dès 2006. La tarification à l'activité est aujourd'hui appliquée à 100% dans les cliniques comme dans les hôpitaux hors missions d'intérêt général des hôpitaux financées à part dans une enveloppe appelée « MIGAC ». Cela dit, à ce jour, la convergence des tarifs entre hôpitaux publics n'est toujours pas finalisée. Quant à la convergence des tarifs entre hôpitaux et cliniques, elle est maintenant repoussée à 2018 !

Les pressions pour renoncer à cet objectif de convergence des tarifs entre public et privé qui ne fait nullement partie de la loi Bachelot puisque son principe a été adopté par le Parlement en 2004, ont été très fortes de la part de la FHF mais aussi -et surtout- de la part de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). L'AP-HP sait qu'elle a du souci à se faire. En effet, si elle relève, de façon totalement dérogatoire, encore pour quelques mois de la tutelle directe du ministère de la Santé, il n'en sera plus de même une fois que la loi Bachelot sera adoptée puisque, dans son article 8 bis (amendement 868), le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale prévoit que l'AP-HP ne dépendra plus du ministère en direct mais de la nouvelle agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France. Bref, la fin d'un privilège unique puisque de leur côté, ses homologues, l'Assistance Publique de Marseille et les Hospices civils de Lyon, étaient déjà sous l'autorité de leurs Agences Régionales d'Hospitalisation (ARH) respectives. Autant dire que ce simple article (voir encadré en bas de page) risque d'amener plus de transparence sur les coûts des hôpitaux parisiens qui sont dans le giron de l'AP-HP, que bien d'autres mesures.

L'AP-HP a d'ailleurs déjà annoncé pour 2009 un déficit record de 104 millions d'euros, contre environ 20 millions en 2008. L'AP-HP, plus gros groupement hospitalier du monde, fait 8 à 11 fois la taille moyenne d'un CHU. 37 établissements hospitaliers avec, en 2007, 15 400 médecins mais surtout 71 800 employés dont seulement 17 000 infirmiers. Une masse salariale de plus de 3 773 millions d'euros pour 227 853 actes de chirurgie ou d'obstétrique et 906 453 actes de médecine réalisés en 2007 (chiffres AP-HP) pour un budget total de 5 839 millions. La tarification à l'activité peut ici faire œuvre de transparence et agir, hôpital par hôpital, comme une loupe pour mettre en évidence les hôpitaux les plus dépensiers et les moins bien gérés.

D'où une souche plus parisienne qu'hexagonale de la fronde contre la loi Bachelot confirmée par le Professeur Guy Vallancien : « certains services parisiens ont jusqu'à cinq professeurs de médecine dont la production scientifique et d'enseignement est parfois subliminale, alors que leur activité privée déborde ». Nul doute qu'une petite plongée de l'ARS dans les budgets de l'AP-HP risque de déranger certaines habitudes bien ancrées. Car ce ne seront pas les quelque 700 postes non médicaux que l'AP-HP a récemment annoncé supprimer en 2009 qui suffiront à redresser la barre. Pour les hôpitaux publics, au-delà des compétences de managers et de gestionnaires de directeurs d'hôpitaux aux nouvelles prérogatives et aux nouveaux profils, seules la concurrence, la tarification à l'activité et la convergence des tarifs entre public et privé seront des aiguillons assez puissants pour contrer les gaspillages.

L'article 8 bis introduit par amendement à l'Assemblée nationale dans la loi Hôpital, patients santé et territoires supprime les deux derniers alinéas ci-dessous de l'article L6147-1 du Code de Santé public :

« Les compétences du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation en matière d'approbation des délibérations portant sur les éléments mentionnés aux 1° et 3° de l'article L. 6143-1 et ses compétences énumérées aux articles L. 6143-3, L. 6143-3-1 et L. 6145-1 à L. 6145-4 ainsi que les compétences de l'agence régionale prévues au 3° de l'article L. 6115-4 sont, en ce qui concerne l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, exercées par un conseil de tutelle composé des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale ainsi que du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation ou de leurs représentants. Le conseil de tutelle est également compétent pour prendre les décisions mentionnées aux articles L. 162-22-12, L. 162-22-14 et L. 174-1 du code de la sécurité sociale.
Le ministre chargé de la santé est chargé de l'exécution des décisions du conseil de tutelle. Les modalités de fonctionnement de ce conseil sont déterminées par voie réglementaire.
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 6114-1, le contrat d'objectifs et de moyens de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris est conclu entre l'établissement et le ministre de la santé ainsi que, en ce qui concerne les objectifs quantifiés mentionnés à l'article L. 6114-2, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation après avis de la commission exécutive de l'agence. »