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Quel est le vrai chiffre de la création d'emplois par la création d'entreprise ?

394.000 (INSEE) ou 105.000 (iFRAP) ?

En décembre 2010, nous avons publié un dossier de l'iFRAP intitulé « La France a décroché » où nous révélions que les entreprises créées chaque année en France ne créent que 105.000 emplois contre 300.000 en Allemagne et plus de 400.000 en Grande-Bretagne. Pourtant l'INSEE publie des chiffres, notamment repris par Eurostat, sensiblement différents : 394.000 emplois créés [1] en France pour l'année 2002. La situation serait-elle bien meilleure que la Fondation iFRAP ne le dit ? Cet article fait une mise au point sur ces statistiques dont les conséquences sont inquiétantes pour la situation de l'emploi en France.

Le tableau ci-dessous explique d'où viennent les différences :

  • l'INSEE a compté d'abord comme emplois créés les créateurs d'entreprise et les non-salariés même lorsque l'entreprise est une enveloppe vide ; suivant l'exemple américain qui est dans les cartons d'Eurostat pour les années qui viennent, nous n'avons compté que les emplois créés dans des entreprises naissant avec au moins 1 salarié ;
  • Ensuite, dans le chiffre INSEE et à notre grande surprise, les emplois dans des entreprises existantes qui ont été reprises et / ou réactivées ont été comptés comme créations.
En 2002 Emplois totaux[1] Emplois non salariés[1] Emplois salariés[1] Emplois dans les entreprises réactivées [2] Emplois dans les entreprises créées ex-nihilo[2]
Nombre d'employés à la création 394 000 214 000 180 000 83 500 96 500

Ces chiffres publiés par l'INSEE pour 2002 sont cohérents avec les 104.500 moyens sur la période plus récente 2004- 2008 publiés par l'APCE et par l'iFRAP.

Les différences entre créations d'emplois totales et créations d'emplois de nouvelles entreprises avaient déjà été mises en avant par l'OCDE en 2006 : « La proportion des start-ups qui ne sont pas des créations pures varie selon les sources, [..]. En Europe cette proportion se trouve généralement autour de 20%, alors que les données nationales françaises suggèrent une proportion entre 30 et 40%. » [3].

Il est certain que le chiffre de l'iFRAP sous-estime le nombre d'emplois réels créés car, pour ne pas embaucher, ou parce que les charges sociales payées par un indépendant sont moins élevées que pour un salarié, beaucoup d'entreprises, comptées avec zéro salarié, cachent en fait des emplois, et ne sont pas « vides ». Mais, même si le nombre réel d'emplois créés est un peu plus élevé que les 105.000 publiés , et qu'une partie des emplois se dissimule dans les entreprises naissant avec zéro salarié, la conclusion à laquelle nous invitions nos lecteurs n'a pas changé : dès que l'on considère les entreprises de 2 salariés ou plus, nous fabriquons deux à trois fois moins d'emplois que les Allemands et les Anglais. Et pour fabriquer des Google, des Intel ou des Federal Express, il est peu vraisemblable que ces entreprises sortent d'entreprises naissant sans salarié : l'évidence qu'il s'agit d'un vrai projet est généralement démontrée par le fait que le créateur est capable d'embaucher du monde de façon à donner à son innovation la plus grande ampleur possible, rapidement, avant les concurrents. Sur la base des entreprises de 2 à 10 salariés, les courbes ci-après ne sont guère enthousiasmantes :

Ce graphique représente la distribution (de Pareto) des nouveaux emplois créés en France et en Allemagne, à populations comparables. Il donne pour une taille en emplois donnés le nombre de sociétés créées avec au moins cette taille. Par exemple, l'écart entre les deux courbes au niveau du point « + de 10 employés », montre que, à populations totales comparables, le nombre d'entreprises de plus de 10 employés est plus important de 50% en Allemagne.

En conclusion, le fait pour l'INSEE de publier des chiffres de créations d'emplois par les entreprises nouvelles en y incorporant les entreprises naissant sans salarié est peut-être statistiquement non critiquable. Mais il contribue à masquer l'une des maladies les plus graves de notre société. Le rôle de l'INSEE est-il seulement de fournir des chiffres ou d'alerter notre pays sur les dangers économiques qui menacent sa survie ?

[1] INSEE PREMIERE N° 1148.juillet 2007

[2] Calculs réalisés à partir de la base de données SINE, INSEE. 46,4% des emplois créés en 2002 proviennent d'entreprises réactivées.

[3] Steven Vale, OECD Statistics working paper, “The international comparability of business start-up rates”, p. 32