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Ouverture des commerces le dimanche : quelques données pour se faire une idée

Remise à l'ordre du jour par le Président de la République qui devrait appuyer une proposition de loi déposée par le député UMP des Bouches-du-Rhône, Richard MALLIE, la question de l'ouverture dominicale des commerces continue de faire débat. En témoignent ainsi deux tribunes s'opposant à cette décision, publiées la semaine dernière par des députés - y compris de la majorité - dans le Figaro et dans Le Monde. Cette question est un des vieux débats sur la législation du travail que connaît la France depuis une trentaine d'années, particulièrement avec le développement des centres commerciaux.

Ainsi, les sites de Plan de Campagne, des magasins Usine Center ou encore de Louis Vuitton sur les Champs-Élysées font régulièrement la une des médias où des salariés comme des employeurs viennent exprimer leur colère de ne pouvoir travailler régulièrement le dimanche dans un cadre légal.

La situation en France

Les différentes propositions de loi qui ont jusqu'à présent été déposées sans succès par des parlementaires rappellent toutes que le dimanche est devenu un moment fort de consommation particulièrement dans les zones urbaines où les temps de transports en semaine empêchent de faire certains achats.

Ce que dit la Loi

Un salarié ne peut travailler plus de 6 jours consécutifs : au moins un jour de repos (24 heures auxquelles s'ajoute un repos quotidien minimum de 11 heures) doit lui être accordé chaque semaine et, en principe, le dimanche. Toutefois, deux types de dérogation existent : les dérogations permanentes. Les entreprises concernées peuvent ainsi avoir une activité le dimanche, tout au long de l'année, les dérogations temporaires, autorisées ponctuellement par le préfet ou le maire. Dans certains cas, des compensations doivent être accordées aux salariés.

Des conventions ou des accords collectifs prévoient souvent des compensations au travail du dimanche, quel que soit le secteur concerné.

Certaines entreprises sont autorisées, de plein droit, à donner le repos hebdomadaire par roulement, ce qui les autorise ainsi à faire travailler certains de leurs salariés le dimanche. Sont concernés les établissements appartenant aux catégories suivantes : fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ; hôtels, restaurants et débits de boissons ; magasins de fleurs naturelles ; hôpitaux, entreprises de spectacles ; entreprises de transport par terre autres que les chemins de fer ; établissements de commerce de détail d'ameublement.

Par ailleurs, dans les établissements dont l'activité exclusive ou principale est la vente de denrées alimentaires au détail, le travail est autorisé le dimanche jusqu'à 12 heures. D'autres entreprises peuvent, sous certaines conditions, employer des salariés le dimanche :
- dans certaines communes touristiques et thermales ainsi que dans les zones touristiques à forte affluence, les établissements fournissant des biens et des services destinés à faciliter l'accueil ou les activités de détente et de loisirs du public peuvent, pendant les saisons touristiques et après autorisation du préfet, ouvrir le dimanche ;
- les établissements dans lesquels le repos simultané du personnel le dimanche peut être préjudiciable au public (impossibilité de s'approvisionner un autre jour de la semaine) ou au bon fonctionnement de l'établissement, après autorisation du préfet ;
- les entreprises industrielles fonctionnant avec des équipes de suppléance, couvertes par une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement prévoyant le travail du dimanche. A défaut d'une telle convention ou d'un tel accord, l'autorisation de l'inspecteur du travail est nécessaire. Les commerces de détail non-alimentaires habituellement fermés le dimanche, peuvent travailler jusqu'à 5 dimanches par an, sur autorisation du maire (ou du préfet à Paris).

Aujourd'hui 52% des Français sont favorables à l'ouverture le dimanche mais ce pourcentage dépasse 70% chez les jeunes et les personnes vivant en ville. Il s'agit surtout d'encourager le commerce dans les secteurs des loisirs, de l'équipement, etc. où il y aurait création de consommation supplémentaire plus que transfert de consommation de semaine.

Comme le rappelait Geoffroy Roux de Bézieux lors d'un colloque organisé par l'iFRAP : « Aujourd'hui, fermer les commerces le dimanche est une absurdité ; Internet, qui pèse pour 7 à 10 % des ventes de commerce, est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. » D'autres pays en Europe et dans le monde ont libéralisé le travail le dimanche. A l'aune de ce qui a été fait dans ces pays, on estime qu'il serait ainsi possible de créer 150 000 emplois dans le secteur du commerce même si peu d'études approfondies existent.

A l'étranger, une influence positive sur l'emploi

Une étude de juin 2007 sur la réglementation du temps de travail, le revenu et l'emploi signée P. Artus, P. Cahuc et A. Zylberberg s'attarde particulièrement sur trois pays qui ont fait l'objet d'analyses économiques : le Canada, les Etats-Unis et les Pays-Bas.

Dans le cas canadien, les auteurs indiquent « on constate que sur cette période l'emploi dans le commerce de détail a augmenté plus vite que l'emploi total et même plus vite que l'emploi dans tout le secteur de la distribution (gros + détail). Il y a là une présomption favorable en termes d'emplois à l'extension de l'ouverture des commerces le dimanche qui doit être étayée par une analyse économétrique plus précise. (…) L'extension des horaires d'ouverture débouche plutôt sur des embauches supplémentaires en particulier par le canal des emplois à temps partiel ».

Sur ce dernier point, l'ouverture le dimanche pourrait bénéficier aux étudiants dont on sait qu'en France ils travaillent moins que dans d'autres pays européens et leur apporter ainsi un appoint financier appréciable.

L'exemple des Etats-Unis repose sur une comparaison des législations en cours selon les états et leurs effets respectifs sur l'emploi. Citant ces enquêtes, les auteurs indiquent que « l'existence d'une régulation à l'ouverture des commerces de détail le dimanche a des effets négatifs significatifs forts sur l'emploi. Elle coûterait entre 2 et 6% d'emplois dans ce secteur ».

Une des objections au travail le dimanche serait son impact sur la pratique religieuse. Mais dans la plupart des grands Etats américains, les magasins sont ouverts le dimanche et la fréquentation aux offices dépasse les 50% de la population alors qu'en France où les ouvertures sont restreintes, elle atteint à peine 15%.

Le dernier exemple, celui des Pays-Bas, montre en revanche « pas de différence entre l'évolution de l'emploi dans le commerce de détail et l'emploi total » après la mise en place de la nouvelle législation. Les statistiques européennes Eurostat indiquent cependant pour 2007 que 17,7% des Néerlandais travaillent le dimanche contre 13,6% des Français. Et de conclure : « En résumé, le petit nombre d'études portant sur les effets de l'ouverture des commerces le dimanche incite à la prudence, mais force est de constater que toutes ces études mettent en évidence un effet positif et significatif de l'extension des horaires d'ouverture des commerces sur l'emploi, compris entre 3 et 5% de l'emploi du secteur. » Sachant que ce secteur emploie 1,8 million de salariés…