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Mieux border les niches fiscales et relever leur plafonnement

On sait que les niches fiscales, exécrées par ceux qui ne savent que taxer car elles constituent autant d'échappatoires à l'impôt, sont très utilisées dans des pays comme le Canada ou les USA où l'efficacité des niches fiscales a été largement démontrée. Lorsque l'Etat veut en effet influer sur le comportement des citoyens, la niche fiscale et la réduction d'impôt qu'elle permet sont des moyens d'incitation beaucoup plus efficaces que d'autres voies comme la subvention, générateurs de beaucoup de « pertes en ligne ».

Toutefois, l'une des conditions pour que les niches fiscales soient efficaces est de bien « border » chaque niche, c'est-à-dire d'exclure les solutions qui permettraient aux contribuables des défiscalisations faciles mais ne rentrant pas dans l'objectif du législateur. Bien border devient une exigence majeure de toute politique fiscale d'autant que les niches, notamment écologiques, ne cessent de se multiplier. Les exemples récents montrent que nous ne sommes pas très performants à limiter le périmètre de nos exemptions fiscales.

Depuis quelques décennies, comme beaucoup d'autres pays, nous multiplions les encouragements pour inciter ceux qui ont une fortune ou des revenus à investir dans la création d'entreprises ou leur développement.
La déduction fiscale qu'elle soit de 25% avec l'Avantage Madelin ou de 75% avec l'ISF-TEPA est la contrepartie du risque supplémentaire pris par l'investisseur par rapport à un investissement plus conventionnel comme des actions de sociétés cotées. Encore faut-il que ce risque existe réellement.

On a vu récemment comment il était facile de contourner la loi lorsque des financiers astucieux ont utilisé les holding sous la loi TEPA pour déduire 75% de sommes investies dans la création de sociétés de constructions de parcs d'éoliennes dont le revenu est par ailleurs garanti par l'Etat. Ou pour reprendre des maisons de retraite dont le revenu est pratiquement assuré.

Il est donc intéressant de jeter un coup d'œil sur la façon dont les autres pays tentent de border leurs avantages fiscaux.
C'est ainsi que les Britanniques, depuis 1994, utilisent un dispositif fiscal EIS voisin de notre Madelin ; il encourage l'investissement dans les créations d'entreprises en accordant une déduction de l'Impôt sur le Revenu, de 20% du montant investi, taux voisin du 25% de notre Madelin. Mais ils ont pris soin d'exclure du dispositif toute une série de domaines d'investissement qui font les beaux jours de ceux qui en France visent seulement à défiscaliser sans risque :
- Location ou leasing
- Extraction de pétrole
- Entreprises avec revenus passifs tels que royalties
- Fourniture de services légaux ou comptables
- Activités agricoles ou de jardinage
- Tout domaine lié à la forêt
- La gestion de propriétés hôtelières
- La gestion de maisons de retraite

On peut alors se demander si l'extraordinaire timidité de la Direction de la Législation Fiscale, la DLF, qui depuis des années freine les plafonds des niches fiscales en les cantonnant à des montants souvent ridiculement bas (et finalement très coûteux pour les finances publiques car il ya défiscalisation sans que la mesure fasse ses effets) ou la cabale qui s'est montée il y a 18 mois pour plafonner les niches fiscales ne trouve pas sa source dans l'incapacité des services de l'Etat à bien focaliser les exceptions fiscales, le plafonnement étant alors un réflexe de précaution pour limiter la casse ? Cette question est confortée par le manque d'études d'impact qui est reproché de toutes parts aux niches fiscales.

Est-ce la conséquence d'un univers politique qui crée des textes plus vite qu'aucun service ne peut les disséquer ? Ou un ministère des finances sous équipé – ou sous-performant - pour ses études économétriques ? A suivre.