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Les redoutables syndicats de Bercy

LE DEVENIR DE LA PRIME DE FUSION

On savait déjà que les fonctionnaires de Bercy cumulaient de très nombreuses primes. On sait désormais depuis le 11 février 2008 qu'ils en toucheront une nouvelle dite « de fusion » de 44 millions d'€/an prévue initialement sur deux ans, puis rendue annuelle et définitive à l'issue des négociations présidant à la fusion DGI-DGCP. Ce que l'on sait moins en revanche c'est que cette dernière sera utilisée à l'issue des négociations syndicales d'avril 2008 pour empêcher le plafonnement d'une autre prime : l'indemnité mensuelle de technicité (IMT), elle au contraire très ancienne et issue d'une grève particulièrement dure de 1989.

L'IMT est un véritable complément de traitement qui ouvre droit contrairement aux autres primes et indemnités des fonctionnaires de Bercy, à pension. Sa justification résiderait dans la reconnaissance accordée aux fonctionnaires du ministère du caractère très technique de leur activité. Seule incohérence, d'autres primes de technicité existent également, sous la forme de l'IAT (indemnité d'administration et de technicité) et de l'IFTS (indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires).

En clair, les syndicats de Bercy parviennent ainsi à endiguer la politique de réduction budgétaire engagée par les différents ministres dans le cadre de la réforme de la fonction publique. Or les tentatives pour limiter l'importance de cette prime n'ont pas manqué depuis 2005. Ainsi du gel de la progression mécanique de la prime pour 2006, puis janvier 2007 et enfin janvier 2008. Mais rien n'y fait, le chantage syndical parvient toujours à faire relancer les revalorisations à la hausse. Avec la prime acquise en janvier 2008, de 350 € pour l'ensemble des fonctionnaires de la DGCP et de la DGI toutes catégories confondues, puis son intégration à l'IMT, celle-ci parvient à progresser de quelques 45% en 2009 !

Pour mieux comprendre les enjeux financiers en présence, il faut s'intéresser à la structure de l'IMT. Celle-ci a été allouée à tous les fonctionnaires du Ministère des Finances de façon identique, quels que soient par ailleurs leur grade et leur ancienneté. Il avait été prévu que 1% soit précompté pour financer un complément de retraite, fixé à 1% en 1990 et augmentant d'1% par an afin d'atteindre 20% en 2009 (la loi n°89-935 du 29 décembre 1989 article 126). Mais, pour ne rien mettre à la charge des agents, il était convenu que le montant de la prime soit revalorisé spontanément de telle sorte que le précompte reste à la charge de l'administration. Ainsi l'IMT chaque année augmente d'un point de plus que les primes du régime général.

Evolution du montant mensuel de la prime IMT (brut et net)
IMT Brut/mois Retenue % Net/mois
1 janvier 2003 56,93 € 14% 48,96 €
1 janvier 2004 57,60 € 15% 48,96 €
1 janvier 2005 57,91 € 16% 48,64 €
1 janvier 2006 57,91 € 17% 48,07 €
1 juillet 2006 58,20 € 17% 48,31 €
1 janvier 2007 58,20 € 18% 47,72 €
1 février 2007 58,67 € 18% 48,11 €
1 janvier 2008 58,67 € 19% 47,52 €
1 janvier 2009 85,65 € 20% 68,52 €
en gras : re-négociations syndicales des montants de la prime
Source syndicales (SNUI/CGT-impôt, CFTC-Trésor, CFDT-Finances, FO-Centrale)

Reconnaissons aux différents gouvernements de droite de n'avoir eu de cesse que de limiter ces revalorisations. Par trois fois la prime fut limitée à son montant de l'année précédente, impliquant de fait une tentative de cantonnement des dépenses publiques. Par trois fois, juillet 2006, février 2007 et janvier 2008, le ministre recula à la suite de grèves. Celles-ci sont donc très productives… pour les intéressés ! Les deux premières négociations syndicales se traduisirent par la revalorisation de la prime en cours d'année (juillet 2006 et février 2007), la troisième déboucha sur la fameuse prime de fusion de 350 € pour un coût de 44 millions €. Cette dernière revalorisation adjointe à son intégration au sein de l'IMT fait de cette surprime l'une des plus fortes augmentations de l'indemnité mensuelle de technicité (45%) qui culmine avec un total de 136 millions €.

Coût total de l'IMT (en M€)
* le calcul est effectué à partir des ETPT (équivalents temps pleins travaillés, inférieur au nombre de personnes réelles d'environ 8%) à partir de 2006 et non plus en nombre de personnes physiques. Ce jeu comptable explique en grande partie la baisse du coût observée.
** estimations prenant en compte l'intégration de la prime de fusion.

Ainsi les syndicats parviennent à réussir le tour de force de faire revaloriser l'IMT, une des primes les plus onéreuses de la fonction publique avec un accroissement du coût total considérable (+45%), alors même que le nombre des fonctionnaires du ministère n'a jamais été aussi bas ! Là encore le Ministre du budget a eu le couteau sous la gorge, les syndicats du SNUI et de SUD Trésor exigeaient le doublement de l'IMT, soit 117,34 € bruts par mois, ce qui aurait porté la facture à 186,9 millions € ! Le ministre aura réussi à sauver 50,5 millions € dans l'opération. Un moindre mal en quelque sorte.

Ainsi, alors même que l'ensemble des primes de la DGI et de la DGCP représente 1,417 milliard € (30% des 4,725 milliards des rémunérations des fonctionnaires de Bercy), cette revalorisation inédite pour 2009, aboutit en conséquence à une hausse de salaire de 1,3% du salaire total.

Malheureusement, il est toutefois fort probable que cette prime ne sera jamais dénoncée. En effet, son bénéfice a été étendu par la loi de finance rectificative n°2005-1719 du 30 décembre 2005 article 126, aux juridictions financières auxquelles appartient la Cour des comptes. Il existe donc maintenant un conflit d'intérêt flagrant entre l'auditeur et l'audité, alors même que la Cour, ironie du sort, avait publié dans son rapport annuel pour l'année 2000, un compte rendu accablant sur les primes et les indemnités des fonctionnaires de Bercy ! En percevant l'IMT, les magistrats ne risquent-ils pas de voir leur indépendance mise en cause ?