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"Les employeurs ont très bien négocié"

Cette tribune a été publiée par le journal Le Monde le 16 janvier 2013.

Dans le cadre contraint et limité par le gouvernement – et dont l'issue était en grande part dictée par ce dernier – les employeurs ont très bien négocié. En résumé, trois dispositions de l'accord, surtout, vont contribuer à la flexibilité recherchée : celles relatives au maintien dans l'emploi, celles concernant les licenciements économiques, et celles favorisant la mobilité interne.

Les premières vont permettre que des accords majoritaires modifient l'équilibre temps de travail-salaire-emploi et constituent un motif valable de licenciement pour les salariés qui ne l'accepteraient pas. Pour les licenciements économiques, la procédure reste complexe mais devrait être au final allégée et surtout plus rapide et sécurisée. Pour la mobilité au sein des entreprises, les employeurs lançant une réorganisation de l'entreprise sans licenciement n'auront plus l'obligation d'engager un plan social.

Ce sont des avancées importantes qui, si elles ne sont pas suffisantes – notamment, le problème général de la définition de la cause réelle et sérieuse ainsi que celui de son application aux licenciements pour motif personnel ne sont pas réglés –, vont dans le bon sens.

Les salariés ont essentiellement gagné au plan des intérêts financiers, surtout au travers de la complémentaire santé, très importante, et les droits rechargeables aux allocations de chômage. La complémentaire santé va coûter très cher aux TPE et PME– environ 3 milliards d'euros – et le bon sens voudrait que tous les salariés aient le droit de refuser la mutuelle.

En ce qui concerne la taxation des contrats courts, on ne peut guère prétendre que cela aboutisse à un avantage quelconque pour les uns ou les autres, car il y a très peu à espérer de cette mesure, que ce soit en faveur de l'emploi ou d'un plus grand usage des CDI. Mais c'était un passage obligé...

Quant à savoir si cet accord a été ou non équilibré entre employeurs et salariés, la réponse n'est pas binaire. La flexibilité en termes de modification du temps de travail et de salaires doit permettre de conserver l'emploi, et, par delà les entreprises, ce sont employeurs et salariés qui seront tous deux gagnants.

Rappelons aussi que le terme de sécurité n'est pas à opposer de façon littérale à la flexibilité car, ici, sécurité ne saurait signifier sécurité de l'emploi, mais sécurité de la personne, censée apporter formation continue, avantages financiers et suivi du parcours professionnel. Les partenaires ont fait ce qu'ils ont pu dans l'optique à la fois de flexibilisation pour l'employeur et de sécurisation pour le salarié.

Vouloir déterminer s'il y a un vainqueur signifierait tomber dans le piège de ceux qui récusent l'entreprise comme centre d'intérêt et sont en fin de compte prêts à sacrifier l'intérêt de tous. La question essentielle est de savoir si cet accord inaugure une nouvelle ère dans les relations de travail, faite de plus de dialogue social constructif. Au-delà de cet accord, ce sont d'autres accords constructifs comme celui-ci qui devront suivre afin de vraiment conjurer cette "peur de l'embauche" dont François Hollande a parlé dans ses vœux aux Français.