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Le faux choix de la rigueur ou de la croissance

Face aux déficits colossaux de la France, certains ne voient plus pour l'avenir qu'augmentations d'impôts et de prélèvements sociaux. Mais cette « rigueur » ne nous conduit nulle part et oublie qu'il existe une autre voie, celle de la création d'entreprises et d'emplois par des mesures encore jamais prises.

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Tribune publiée dans Le Figaro du 23 Octobre

Plus de prélèvements, c'est plus de chômage et une aggravation des déficits budgétaires, pas une amélioration. C'est que la partie productive de notre économie, les entreprises, ont atteint en matière de charges le point de rupture. Sait-on que l'autofinancement de nos entreprises, ce qui leur permet de financer leur croissance, atteint 120 milliards, la moitié de l'autofinancement des entreprises britanniques (ou allemandes) ? Dont il n'est alors plus surprenant de constater que le taux moyen de croissance est double de celui des entreprises françaises ce qui leur permet d'employer environ 5 millions de salariés de plus alors que nos populations totales sont comparables.

Cet écart de l'autofinancement du simple au double résulte d'un taux de prélèvements obligatoires de près de 7 points supérieur en France. Et ce ne sont pas les quelques centaines de millions ou même milliards saupoudrés par l'Etat pour aider nos entreprises qui vont changer la donne, si même il était prouvé que ces fonds, au final prélevés sur l'économie, sont plus efficaces entre les mains des décideurs de l'Etat qu'entre les mains des dirigeants d'entreprises. _Dans son rapport 2009, l'OCDE a parfaitement décrit la réalité française : « une priorité demeure l'augmentation du taux d'emploi qui reste un des plus faibles parmi les pays de l'OCDE. Ceci permettrait à la fois d'augmenter (temporairement) la croissance potentielle et de réduire considérablement les pressions sur les finances publiques. » Ce taux d'emploi, autour de 63% contre près de 75% pour nos voisins du nord, qui n'est atteint que parce que nous avons aussi le plus fort taux d'emploi de fonctionnaires, explique que l'emploi dans le secteur marchand se situe à 19 millions alors qu'il devrait être autour de 24 à 25 millions. Cet écart de 5 millions représente environ 300 milliards de PIB en moins, 140 milliards de prélèvements libératoires manquant. Si nous les avions, il n'y aurait plus de déficit et nous pourrions même nous donner le luxe de ne plus diminuer, ou faiblement, la dépense et l'emploi public.

Alors, ceux qui défendent un accroissement des prélèvements se retournent vers nous et s'exclament, les bras au ciel, comme un ancien Président de la République : mais nous avons tout tenté pour créer des emplois marchands et rien n'a marché !
Nous avons tout tenté sauf ce qui a permis à nos concurrents de réussir : créer massivement des entreprises en incitant ceux qui ont de l'argent à y investir. Nous créons massivement des entreprises depuis 5 ans mais des entreprises créées avec zéro salarié, qui, à terme, sont peu créatrices d'emplois. Celles qui le sont, ce sont les entreprises créées autour d'un projet, avec des fonds, ce qui leur permet dès le départ d'embaucher. Or nous en créons désespérément peu : nous nous maintenons depuis 10 ans autour de 40.000 par an là où les Anglais et les Allemands sont autour de 200.000 et les Américains à 600.000.
Et si nous nous interrogeons sur le pourquoi, il est clair que l'investissement du privé dans la création d'entreprises est encouragé, alors que chez nous il est découragé.

Un exemple : en 1958, les Américains inventent la Subchapter S, formule maintenant utilisée par plus de 95% des créations ; limitant la responsabilité de l'actionnaire à son apport en capital mais soumettant les résultats au régime des sociétés de personnes, elle transfère sur les actionnaires leur cote part des bénéfices mais aussi des pertes. Ce qui permet à l'investisseur de déduire sa cote part des pertes de son revenu pour le calcul de son impôt et fait ainsi supporter par l'Etat en gros la moitié de la perte, donc du risque. Disons tout de suite que cette incitation fiscale est extrêmement rentable pour le Trésor car les profits des SubS sont trois fois supérieurs aux pertes et qu'une enquête sur la France laisse espérer le même ratio. Cette mesure est en très grande partie à l'origine de l'explosion des Business Angels, des 60 à 100 milliards de $ qu'ils déversent sur les créations d'entreprises chaque année et de l'extraordinaire dynamisme de l'économie US associée au renouvellement de son tissu.

En 2008, avec 50 ans de retard, nous copions enfin les Américains dans l'article 30 de la Loi de Modernisation de l'Economie et créons en France l'équivalent de la SubS. A un détail près, c'est qu'un article de notre code ne permet de déduire les pertes éventuelles que de revenus de même nature. Les pertes étant généralement de type BIC alors que les revenus de nos investisseurs potentiels sont le plus souvent salariaux ou mobiliers, cela supprime tout intérêt pour 90% des investisseurs qui pourraient s'y intéresser.

Même la brèche faite par l'ISF-TEPA, permettant de déduire 75% de son investissement dans une PME de son ISF, est restée bien modeste. Alors que toutes les statistiques montrent que l'essentiel des investissements dans les créations d'entreprises est fait par des investisseurs investissant plus de 100.000 euros par investissement, nous nous obstinons à plafonner nos mesures d'incitations en-dessous de 100.000 euros, 66.666 avec l'ISF. Le seul investissement non plafonné est celui fait dans des collections ou des tableaux de maîtres.
Le manque d'incitations fiscales hardies, dont pourtant toutes les enquêtes montrent qu'elles seraient recouvrées par le Trésor en rentrées d'impôts supplémentaires dans l'année, nous a fermé depuis 40 ans la seule voie pour sortir du chômage.

Oui, il existe une autre voie pour retrouver l'équilibre budgétaire que la rigueur et l'augmentation des prélèvements, et elle n'a jamais été testée en France, c'est celle qui pousse les investisseurs dans les créations d'entreprises – avec salariés - à y investir plus de 100.000 euros - même si ce n'est pas 800.000 £ comme en Grande-Bretagne. Ne continuons pas de garder close la seule porte de sortie de la spirale mortelle dans laquelle s'enferre l'économie française : ce n'est pas plus d'impôts, mais plus d'incitations pour ceux qui ont encore de l'argent à investir dans notre futur.