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La mafia des syndicats

Syndicats, grands discours et petites combines

On se souvient tous du célèbre livre de Jean Montaldo, La Mafia des syndicats (Albin Michel, 1981). Le journaliste Erwan Seznec revient sur cette face cachée des syndicats se comportant comme des mafieux dans un livre-enquête : Syndicats, grands discours et petites combines, Hachette Littérature, 2006.

Nouvelle grève dans les transports publics, nouveaux blocages et encore des "tractations pour renouer le dialogue social". Le scénario était connu d'avance et, quelle que soit l'issue de ces "négociations", force est de reconnaître que les syndicats ont encore gagné une bataille : celle de montrer qu'ils ont le pouvoir de paralyser un pays et de faire parler d'eux. Or, c'est un grand paradoxe. Avec seulement 7% de syndiqués (3% dans le privé), les syndicats tirent seulement entre 20 et 30% de leur budget des cotisations de leurs membres. Contrairement à leurs homologues européens, ce sont les seules personnes morales non tenues par la loi à tenir une comptabilité alors que tout organisme qui reçoit des subventions publiques doit publier ses comptes. Malgré cette opacité, ils reconnaissent perdre des affiliés tout en évitant d'expliquer les raisons de l'amélioration de leur train de vie. On sait qu'ils dépendent de l'argent public, qu'ils sont financés directement grâce aux subventions publiques ou indirectement en se servant dans les caisses des retraites, des mutuelles ou des organismes de formation ou bien en profitant des "gentillesses" des élus locaux leur accordant des locaux et des bureaux, voire des immeubles, à titre gracieux.

Les syndicats sont les seules peronnes morales non tenues par la loi de tenir une comptabilité

Ces financements "obligatoires" sont complétés par d'autres obtenus par des voies encore moins légales : détournement de fonds, emplois fictifs, corruption. Les exemples donnés par Seznec sont nombreux et percutants : le syndicat des dockers de Marseille se comportant en DRH car il gère les embauches, organise le travail des intermittents, la distribution des cartes G (carte de docker qui est aussi héréditaire), les jours de repos (environ 150 par an) ainsi que les fameux "bakchichs" (primes de "rendement") de 1 000 euros par mois pour qu'ils travaillent.

La FNSAC-CGT (Fédération nationale des syndicats du spectacle, de l'audiovisuel et de l'action culturelle) revendique 10 000 adhérents et contrôle le Fonds de soutien au théâtre privé, celui du Centre national de la chanson et celui du Centre national des arts du cirque de Châlons. Elle cogère aussi la caisse de retraire complémentaire Audiens, elle est ultra-majoritaire au conseil d'administration de l'Adami (société de gestion des droits d'auteur) et contrôle le Fonds national des activités sociales du spectacle vivant subventionné (Fnas). Rien que des sources intarissables de financement occulte. Toutefois, c'est du côté de la formation professionnelle des gens du spectacle que l'argent se ramasse à la pelle. La CGT dirige l'Afdas, l'organisme qui collecte les sommes nécessaires pour la formation des intermittents. Il s'agit d'environ 120 millions d'euros redistribués de manière "équitable" entre les centres conventionnés pour faire de la formation dont les plus importants ont été fondés et sont contrôlés par la CGT.

Elle se trouve non seulement aux deux bouts de la chaîne mais elle a le monopole sur le plus gros client de l'Afdas, le CFPTS (Centre de formation professionnelle aux techniques du spectacle) qui emploie 1 500 formateurs, tous adhérents de la CGT ! Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les milliers de fonctionnaires qui sont "mis à disposition", tout cela dans une absence quasi totale de transparence. Ainsi, les syndicats français peuvent très bien prospérer avec un tout petit stock d'adhérents, le plus souvent des militants "professionnalisés" qui exercent leur activité à plein temps et sont financés par le contribuable ou l'assuré social. Pour les réformer, ne faudrait-il pas couper toutes ces aides publiques ou privées, revoir cette institutionnalisation et professionnalisation du syndicalisme, encourager les syndicats à conquérir des adhérents de base et donc à adapter leur offre à la demande de ces derniers ? Là serait sans doute la véritable révolution à faire. Le salarié serait replacé "au cœur" de l'activité syndicale et les "acteurs" reprendraient le contrôle du système.