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Grève SNCF : statut et sureffectifs des cheminots toujours au cœur du blocage

Encore une fois, la SNCF connaît une journée de grève contre la réforme annoncée du fret. Selon Guillaume Pépy, un tiers des 155 000 cheminots, fret et voyageurs confondus, devraient suivre ce mouvement social à l'appel de la CGT, SUD et la Fgaac-CFDT. Pour faire bonne mesure et camoufler les éternels points d'achoppement que sont statut et sureffectifs, pas moins d'une quinzaine de motifs figurent à la liste des revendications, notamment les avantages en nature.

En réalité, c'est bien entendu la question de la productivité et du statut des agents de la branche transport de marchandises de la SNCF qui est au cœur de ce mouvement.

Pourtant il y a urgence à assouplir le rigide statut des cheminots car, malgré les plans de 2004 et de 2006 qui ont coûté 800 millions d'euros au contribuable, la situation de Fret SNCF ne s'est pas redressée et s'est même aggravée. Avec l'ouverture à la concurrence, le manque de compétitivité de la branche fret de la SNCF est devenu évident : en 3 ans, les opérateurs privés ont conquis 4,7% à 12% du marché grâce à des prix 20 à 30 % moins chers. La nouvelle réforme annoncée va-t-elle échouer, comme en 2008, sous la pression des cheminots prenant en otage les voyageurs ? Rien n'est moins sûr car un conflit qui concerne le fret et bloque les voyageurs a de plus en plus de mal à passer dans l'opinion publique.

Déjà, la réforme 2008 proposait un statut dérogatoire aux conducteurs du fret, 900 cheminots volontaires avaient bien voulu accepter de réorganiser et majorer leur temps de travail d'une heure mais les opposants avaient tout de même réussi à faire échouer la réforme. La version 2009 de la réforme du fret ne propose pas autre chose que de réorganiser le travail des cheminots dédiés au fret. Elle prévoit pour cela la création de filiales spécialisées dans le transport de marchandises, filiales qui permettraient de déroger au statut de cheminot. Ce dont les syndicats ne veulent absolument pas entendre parler. La direction a modéré ses propositions en ne prévoyant dans une première étape que des « entités distinctes » pouvant être transformées en filiales de droit privé à l'automne 2010. Quant aux effectifs dédiés à l'activité wagon isolé, la plus déficitaire dont la SNCF veut se désengager, ils seront réaffectés aux autres activités de la SNCF, les voyageurs et l'infrastructure pour 6000 d'entre eux.

L'État aussi doit prendre ses responsabilités

La direction de la SNCF voit se profiler d'autres mauvaises nouvelles : l'ouverture à la concurrence d'abord sur le trafic voyageurs à l'international dès le 1er janvier 2010, puis de façon expérimentale pour les TER, après les élections régionales. Il y a aussi l'épineuse question de l'augmentation des péages ferroviaires (voir le contrat Etat-RFF) décidée en 2008 entre l'État et RFF pour permettre à RFF de financer ses investissements et de réduire sa dette. Les péages seront désormais alignés sur le coût complet pour assurer l'équilibre financier. Une décision qui va mettre en péril la rentabilité de la branche TGV, la vache à lait de la SNCF.

Impossible dès lors pour la SNCF de présenter des comptes à l'équilibre, encore moins bénéficiaires ! Du coup, la direction de la SNCF est montée au créneau : David Azéma, directeur en charge de la stratégie affirme « C'est une vue de l'esprit de dire que le système ferroviaire peut s'autofinancer. Au contraire, plus le réseau ferroviaire sera important plus il coûtera cher. »

Autrement dit, c'est à l'État de remettre au pot ! Entre, RFF et SNCF, c'est finalement l'État, actionnaire de référence des deux établissements publics, qui devra prendre ses responsabilités et affirmer comment, dans un contexte de déficit des finances publiques, il envisage l'avenir d'un système ferroviaire qui coûte 12 milliards d'euros de subventions par an.

Le dilemme qui se pose aujourd'hui pour les cheminots est le suivant : travailler plus en étant payés à l'identique ou refuser toute évolution de leur statut et condamner Fret SNCF à voir ses parts de marché s'effondrer. Car ce n'est pas de moyens qu'il s'agit mais bel et bien du statut des cheminots. Puisque l'État vient de débloquer 7 milliards d'euros pour un ambitieux plan de développement du réseau ferroviaire dédié au fret dans le cadre du fameux « report modal » fixé par le Grenelle de l'environnement. Difficile, dans ces conditions, de réclamer encore plus d'argent pour le fret. Sur un forum Internet dédié aux cheminots, l'un d'entre eux résume bien la situation d'impasse liée au statut : « Le RH0077 (règlement du travail des cheminots du fret) donne un cadre législatif mais ce cadre doit-il être gravé dans le marbre sans aucun aménagement et devenir la pierre tombale de Fret SNCF face à une souplesse extrême de des concurrents ? » Les syndicats resteront-ils arc-boutés sur leurs revendications ? Elles semblent en tout cas de plus en plus irréalistes.