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Compétitivité : le gouvernement crée un climat de défiance

Cette tribune a été publiée le 12 novembre 2012 sur le site du journal Le Monde.

La question de la compétitivité ne se résume pas à l'équilibre de la balance commerciale et au ciblage des seules entreprises en situation de concurrence internationale : le tissu entrepreneurial est un tout. L'opposition entre compétitivité coût et compétitivité hors-coût est artificielle, car le mal dont souffrent essentiellement les entreprises françaises est l'effondrement de leur taux de marge pendant la dernière décennie.

Or, sans taux de marge, pas d'investissement, pas de dépenses de recherche ni d'innovation, pas de prise de risque ni de dynamisme à l'exportation. L'effondrement du taux de marge a bien pour origine les coûts que doivent supporter les entreprises. Incriminer la répartition capital-travail comme on l'entend parfois n'a pas de sens, d'abord parce que les PME, vers qui convergent les sollicitudes présentes, ne distribuent quasiment pas de dividendes, ensuite parce que dans la période récente l'appel aux fonds propres a remplacé en grande partie l'intermédiation bancaire (les prêts), et le rapport dividendes-fonds propres a en fait baissé dans le temps.

C'est donc la question des coûts qui domine le sujet. Le coût du travail est un problème complexe, car il ne se pose pas de la même façon suivant les secteurs concernés ou la taille des entreprises. La productivité de l'industrie française souffrant aussi d'un manque de robotisation, une autre question se pose. Basculer, comme le propose le rapport Gallois, 20 milliards de cotisations patronales sur TVA et CSG sans augmenter les salaires, est une tâche bien difficile pour un gouvernement. Le rapport Gallois donne d'ailleurs la solution : la contrepartie ne peut venir que d'une baisse drastique des dépenses publiques. Quant au gouvernement, il a choisi de baisser l'IS pour ne pas impacter le pouvoir d'achat, mais au prix de créer un nouveau trou dans les finances publiques.

Dans une étude que la Fondation iFRAP vient de publier en partenariat avec l'ASMEP-ETI intitulée "Compétitivité des entreprises et si on commençait par la fiscalité ?", nous montrons que, bien au-delà du seul impôt sur les sociétés, une véritable "cascade fiscale" pèse sur nos entreprises et vient lourdement grever leur compétitivité. La France compte 153 taxes et prélèvements pesant directement ou indirectement sur l'entreprise lorsque l'Allemagne n'en compte que 55. Hors IS, ce sont 72,7 milliards d'euros de taxes diverses qui frappent la production, dont 25,5 milliards d'euros de "petites taxes". Ce lourd handicap fiscal s'ajoute à celui que la France connaît en matière de coût du travail.

La Fondation iFRAP plaide donc pour un "choc de confiance" au profit des créateurs d'entreprises et investisseurs. Pour cela, nous proposons d'éclaircir le débat en élaborant "un indice de fiscalité réelle" des entreprises, de favoriser les investissements en revenant notamment sur les dispositions pénalisantes du PLF 2013 en matière de taxation des plus-values et des dividendes, d'étendre le régime des biens professionnels en matière d'ISF, de faciliter la transmission des entreprises, de supprimer une centaine de dispositifs fiscaux à rendement très faible ou négatif, de basculer l'assiette de la CET au niveau du résultat plutôt qu'au niveau de la production, ou encore libérer les coûts salariaux par l'instauration d'un taux unique de TVA "compétitivité-emploi".

Alors que les augmentations d'impôts sur les entreprises sont déjà votées (12 milliards d'euros de plus en 2013 par rapport à 2012, rien que pour l'IS), les propositions du gouvernement suite au rapport Gallois sont à échéance trop lointaine (notamment le crédit d'impôt) et donnent l'impression – par la multitude des contreparties imposées – de mise sous surveillance des entreprises. Et créant un climat de défiance.

Au-delà du débat qui fait rage actuellement, et pour permettre à nos entreprises de redevenir réellement compétitivites, il n'y aura pas d'autre moyen que de baisser les dépenses de l'État et des collectivités et de revoir les dépenses sociales. Les études de la Fondation iFRAP montrent que la marge est réelle, de l'ordre de 130 milliards d'euros de baisse de dépenses en 4 ans sans faire baisser la qualité de nos services publics. Enfin, le débat sur la compétitivité ne se résume pas au coût du travail, et repose aussi de façon très importante sur l'issue des négociations entre partenaires sociaux, notamment sur le volet compétitivité-emploi. La flexibilité du marché du travail et du temps de travail sont aussi des facteurs de compétitivité à ne pas négliger. Autant que le gouvernement, les partenaires sociaux sont historiquement au pied du mur pour faire redémarrer l'entreprise France.