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Atlantico | Financement de la sécurité sociale : quelles pistes pour essayer de sauver l'Etat providence ?

Le déficit du régime général de la Sécurité sociale devrait s'établir à 13,3 milliards d'euros fin 2012. Frappée par la crise, quelle nouvelle architecture de la Sécurité sociale faut-il adopter si la France souhaite sauver son modèle d'État providence ? La Fondation iFRAP répond à cette question dans une tribune publiée sur Atlantico.

Lundi 1er octobre, le gouvernement a présenté le PLFSS 2013, le Projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce PLFSS 2013 est tout à fait dans la lignée des précédents : une multitude de mesures ponctuelles et aucune des réformes de fond indispensables. Le déficit du régime général de la Sécurité sociale fin 2012 s'élève à 13,3 milliards d'euros, un déficit en baisse de 4,4 milliards d'euros par rapport à 2011.

Le Gouvernement assure que la baisse du déficit se fera sans toucher au niveau de protection des Français, sans les faire payer davantage : "nous avons fait le choix de ne pas demander d'efforts supplémentaires aux assurés, notamment en matière de santé", a déclaré Marisol Touraine, "l'Ondam 2013 ne comprendra pas de mesures d'économie à l'encontre des assurés sociaux." Des économies seront réalisées sur les médicaments (baisses de remboursements), les tarifs d'actes médicaux (baisses tarifaires des médecins et biologistes), ou encore la rationalisation des achats hospitaliers. Le PLFSS 2013 prévoit 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires, mais seulement 2,4 milliards d'euros d'économies sur les dépenses.

Pour la Fondation iFRAP, certaines de ces mesures vont dans le bon sens. 70 millions d'économies sont notamment prévues sur les transports sanitaires. Il faut en effet limiter ces prescriptions aux cas vraiment nécessaires, en en mettant une partie à la charge des intéressés ou en régionalisant les soins. Le coût des transports sanitaires a beaucoup augmenté et atteint plus de 3 milliards d'euros par an entre les taxis, les ambulances, les véhicules sanitaires légers, les véhicules des établissements eux-mêmes et ceux des pompiers. Les hôpitaux prescrivant les trois quarts de ces transports, c'est dans ce secteur qu'il faut surtout agir, mais avec un objectif plus ambitieux de réduction de 500 millions d'euros par an en 2016.

Mais le gouvernement pourrait aller plus loin, les affections longue durée (ALD) qui donnent droit à un remboursement des soins à 100% pourraient aussi être rationalisées. Le surcoût est de 8 milliards d'euros par an pour un système où le nombre d'assurés est en constante augmentation, car même en rémission, un assuré ALD ne revient pas dans le système général. Enfin, la médecine de ville peut également être repensée et rationalisée. Le PLFSS prévoit une évaluation du service médical rendu par certaines spécialités. Il devient urgent de réduire les actes inutiles en diversifiant les modes d'exercice de ces professions : exercice en groupes, délégation de tâches, salariat, entreprenariat, liaison avec un établissement de soins, etc., et en redéfinissant le rôle des généralistes, spécialistes, biologistes, radiologues, infirmières, … entourant les malades. Les gains de ces évolutions seront majeurs dans une décennie.

Cependant, pour la Fondation iFRAP, les principaux gisements d'économies sont dans la convergence des tarifs des hôpitaux sur ceux des cliniques privées, une économie que nous estimons à 15 milliards d'euros en cinq ans. En 2005, le Gouvernement et le Parlement avaient décidé qu'à partir de 2012, l'assurance-maladie obligatoire paierait les mêmes prix aux différents fournisseurs de soins (hôpitaux publics, hôpitaux mutualistes ou fondations, cliniques privées). Cela pour des soins identiques sur des groupes de patients identiques. En 2012, l'écart est toujours de 26% au détriment des cliniques. En 2010, alors que la convergence des prix devait être effective pour la moitié des dépenses, la mise en pratique de cette règle a été repoussée à 2018 sous l'influence des élus, maires-parlementaires, soucieux de préserver l'emploi dans leurs villes. Au rythme actuel, la convergence ne serait effective que dans des décennies. Il faut revenir à une convergence totale en 2016.

En matière de retraites, le PLFSS prévoit une concertation au printemps 2013 pour une réforme systémique. Les débats qui ont eu lieu pendant les élections présidentielles ont montré un consensus sur la nécessité d'entreprendre cette réforme. Comme le souligne le gouvernement dans le PLFSS, il faut « remédier à la fois aux déficiences de nos régimes de retraite en termes d'équité mais aussi les inscrire dans un cadre financier durablement équilibré. » Le gouvernement prévoit une hausse des taux de cotisations du régime de retraite des agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière et du régime des professions libérales qui va à notre avis dans le bon sens, celui de la convergence des régimes de retraites.

Mais plutôt que de relever la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) pour financer le régime spécial de retraite des industries électriques et gazières (IEG), il aurait été plus équitable d'allonger la base de calcul des retraites des personnes partant en retraite : au lieu des 6 mois actuels, prise en compte des salaires des deux dernières années en 2013, puis deux ans de plus par an ensuite. Il faut surtout s'orienter à notre avis vers un système de retraites universel, unique pour tous, et qui mette fin au maquis de régimes spéciaux. Cette affiliation au nouveau régime général concernera tous les nouveaux embauchés civils du secteur public (les trois fonctions publiques, SNCF, RATP, EDF-GDF, Banque de France, etc.). Elle ne devrait pas poser de problème puisque les syndicats et la majorité des responsables politiques ont affirmé que ces régimes sont différents mais équivalents. L'objectif de ce changement est d'apaiser les relations entre les Français des deux secteurs, public et privé, et de préparer la réforme en profondeur de 2013-2016.

Pour finir, que dire des dépenses de l'assurance chômage ? Avec une économie en berne (l'INSEE prévoit +0,0% de croissance…), et une taxation accrue sur les entreprises, le nombre de chômeurs n'est malheureusement pas près de diminuer, et avec lui les dépenses de l'assurance chômage.

Une première mesure, simple et qui serait facilement acceptée par l'opinion publique (à l'exception des intéressés), serait de réduire le coût du régime des intermittents du spectacle. Ce régime coûte 1 milliard d'euros par an, soit le tiers du déficit de l'assurance chômage, pour seulement 3% des assurés. Trop de personnes adhèrent à ce régime trop favorable. Le véritable coût du travail des intermittents doit être pris en charge par leurs employeurs, y compris les heures de répétition ou de préparation si elles sont indispensables. Inévitablement, les producteurs adapteront leurs activités à cette situation. On pourrait commencer par n'indemniser que les artistes et pas les techniciens, qui peuvent plus facilement se reconvertir.

Autre piste, le différentiel des taux de cotisation chômage des salariés du secteur public par rapport au secteur privé. Dans le secteur privé, le taux de cotisation chômage est de 2,4% pour le salarié et 4% pour l'employeur. Dans le secteur public, seul le salarié cotise au taux de 1% sur les salaires bruts supérieurs à 1.400 euros, sous prétexte que les fonctionnaires et autres salariés du public ont un emploi garanti à vie. Une situation qui était tolérable quand le taux de chômage était de 3%, mais qui ne l'est plus quand il atteint durablement 10%.

Serait-il acceptable que les personnes en bonne santé refusent de cotiser dans la même caisse d'assurance-maladie que celles qui sont exposées à la maladie ? Ou que les entreprises les plus prospères (Total, L'Oréal…) décident de créer leur propre caisse d'assurance chômage ? Le passage progressif d'ici à 2017 du taux de cotisation des salariés du public de 1% à 2,4% sur 5 ans rapporterait 2 à 3 milliards d'euros par an à l'assurance chômage, soit l'équivalent du déficit actuel.