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Apprentissage : un plan qui discrimine les grandes entreprises et les plus de 20 ans

Après une excellente année 2019, le secteur de l’apprentissage entre en crise, comme le reste de l’économie française. Pour limiter la casse, le gouvernement a présenté un plan de relance afin de donner plus de temps aux apprentis pour trouver un contrat et en augmentant les aides à l’embauche pour les apprentis de moins de 20 ans et dans les entreprises de moins de 250 salariés, au dessus de ce seuil, les entreprises restent freinées par l’obligation de quotas de 5% d’apprentis dans leur masse salariale pour bénéficier des aides. Notons enfin qu’avec ce plan le gouvernement dit vouloir viser le « zéro charge » pour l’embauche d’un jeune apprenti, mais qu’il a, tout de même, opté pour le versement d’aides (5.000 et 8.000 euros, respectivement) plutôt que pour des exonérations.

491.000, c’est le nombre d’apprentis en France à fin 2019. Cette année-là, pour la première fois, leur nombre a augmenté de +17% avec 50.000 nouveaux postes d’apprentis créés. C’est beaucoup plus que les années précédentes et cela marque la 4ème année consécutive où le nombre d’apprentis augmente.

En outre, depuis septembre 2018, la création de centres de formation par les entreprises a été simplifiée (en faisant sauter l’autorisation administrative à demander aux régions) et le nombre de centres (CFA) a augmenté de 235. De bonnes perspectives qui prouvent que, dès que l’on donne plus de liberté aux professionnels et que l’on réduit le poids de l’administratif, l’apprentissage fonctionne en France.

La crise du Covid-19, le confinement et l’entrée en récession de la France frappe de plein fouet ces bons résultats : le réseau des centres de formation des Chambre de commerce et d’industrie estime que, déjà, 15 à 20% des contrats d’apprentis ont été rompus. Pour la rentrée de septembre 2020, il est attendu que le nombre d’offres reculera de 20 à 40%.

Pour limiter le ralentissement de l’apprentissage, le gouvernement a donc présenté son plan le 4 juin dernier. Les principales mesures sont les suivantes :

  • Le délai laissé à un jeune pour trouver un contrat d’apprentissage et être toujours couvert par son centre de formation est allongé de 3 à 6 mois ;
  • Une augmentation des aides à l’embauche (pour un total de 1,5 milliard d’euros) avec une aide jusqu’à 5.000 euros pour un apprenti mineur et jusqu’à 8.000 euros pour un apprenti majeur jusqu’à la validation d’une licence professionnelle (environ 20 ans). L’objectif est de viser le zéro charge pour les apprentis mineurs et de laisser un reste à charge de moins de 200 euros par mois pour l’embauche d’un apprenti de 18 à 20 ans.

Sauf que ces aides sont conditionnées pour les entreprises de plus de 250 salariés : pour en bénéficier, elles devront justifier d’un taux d’apprentis de 5% de sa masse salariale d’ici 2021. Il s’agit du taux réglementaire d’apprentis à respecter dans les entreprises de plus de 250 salariés depuis 2015. Les entreprises en dessous de ce taux verront leur taxe d’apprentissage frappée d’un malus (sous la forme du CSA, contribution supplémentaire à l’apprentissage) alors que les entreprises au-dessus du taux (jusqu’à 7%) bénéficieront d’une créance déductible « égale au pourcentage de l’effectif qui dépasse ledit seuil, retenu dans la limite de 2 points, multiplié par l’effectif moyen de l’entreprise de l’année et divisé par 100 puis multiplié par le montant de 400 euros ».

Exemple : pour une entreprise de 300 salariés dont le taux de l’alternance serait de 6,5%, le taux d’alternants retenu sera 1,5%.

La créance s’élèvera à [(1,5 x 300) / 100] x 400 €, soit (450 / 100) x 400 €, soit 4,5 x 400 = 1.800 €

Source.

Notons d’ailleurs que ce taux de « quotas » d’apprentis dans les entreprises de plus de 250 salariés ne cesse d’augmenter : initialement de 3%, il a été augmenté à 4% en 2012 avec la mise en place du bonus/malus, puis re-augmenté à 5% en 2015. En 2016, si la collecte de la taxe d’apprentissage atteignait les 2,9 milliards d’euros versés par les entreprises, la part du CSA était de 267 millions d’euros, soit environ 9% du total en « malus ».

Le fait que le gouvernement se repose, une fois de plus, sur cette contraindre, voire cette menace du malus, en venant à l’aide au secteur, met à mal ce plan de relance et fait douter de son engagement, d’autant plus que les entreprises de plus de 250 salariés, en 2015, 2017 et 2018, ne représentent que 18% des signatures de nouveaux contrats d’apprentissage : 82% des nouveaux contrats d’apprentissages sont donc signés dans des entreprises de moins de 250 salariés et même 35% dans des entreprises de moins de 5 salariés.

Un plan de relance efficace et ambitieux aurait dû voir sauter le système de bonus/malus sur les entreprises de plus de 250 salariés. D’autant plus que cette majorité a réussi, en 2018, a véritablement simplifier le système en fusionnant les aides, en libérant des carcans administratifs la création de centres de formation et en annulant le menace des prud’hommes sur les ruptures de contrats de plus de 45 jours. Une simplification qui a payé avec l’embauche de 50.000 nouveaux apprentis l’année suivante. Le système de bonus/malus et le poids de l’obligation de financement (auquel s’ajoute la complexité des aides et des exonérations) sont les derniers freins à lever pour libérer l’apprentissage en France.

À terme, les entreprises ne devraient payer que les coûts en entreprise de l'apprenti alors qu’elles finançaient environ 3,1 milliards d'euros pour plus de 417.000 apprentis en 2016 (environ 7.400 euros par apprenti). C'est ce que fait l'Allemagne où les entreprises dépensent environ 8 milliards d'euros pour former et rémunérer plus de 1,3 million d'apprentis (environ 6.100 euros par apprenti). Conséquence, si environ 7% des jeunes de 16 à 25 ans sont en apprentissage en France, ils sont 15% en Allemagne.

Evolution du nombre d’apprentis depuis 2010 et principales mesures effectant l’apprentissage :

 

Stock d’apprentis

Evolution annuelle

Mesures

2010

424 000

 

Mise en place du dispositif « zéro charge pendant un an pour les TPE » à l’embauche d’un apprenti.

2011

426 000

+2 000

 

2012

436 000

+10 000

Renforcement du bonus/malus sur le respect des quotas d’apprentis (avant 3% de la masse salariale pour les entreprises de plus de 250 salariés ou risque d’une surtaxe -CSA- de 0,1% de la masse salariale sur la taxe d’apprentissage).

  • Passage à un taux de 4% d’apprentis pour les entreprises de plus de 250 salariés.
  • Si entre 3 et 4%, surtaxe de 0,05%.
  • Si entre 1 et 3%, surtaxe reste à 0,1%.
  • Si en dessous de 1%, surtaxe à 0,2%.
  • Si entre 4 et 6%, bonus de 400 euros par apprentis.

 

Fixation d’un objectif de 800 000 jeunes en alternance d’ici 2015.

2013

438 000

+2 000

 

2014

420 000

-18 000

Mise en place de l’abrogation de l’autorisation d’apprentissage dès 14 ans.

Ponction de 550 millions sur la taxe d’apprentissage en faveur des emplois d’avenir.

2015

406 000

-14 000

Création de l’aide de 1 000 euros pour l’embauche d’un apprenti pour les entreprises de moins de 250 employés.

Fixation du quota d’apprentis pour les entreprises de plus de 250 salariés à 5% (malus -CSA- en dessous de ce taux et bonus entre 5 et 7%).

Annonce d’un effort budgétaire de 200 millions d’euros avec comme objectif le recrutement de 500 000 apprentis d’ici

2017.

2016

417 000

+11 000

Création de l’aide « TPE pour l’embauche d’un apprenti mineur »

2017

424 000

+7 000

 

2018

441 000

+17 000

Réforme du financement : les régions ne financent plus les CFA via la taxe d’apprentissage, passage à un financement selon le nombre de contrats signés (hors enveloppe de 250 millions à distribuer par les régions).

 

Ouverture de l’apprentissage jusqu’à 30 ans (et non plus 26 ans).

 

Aide de 500 euros pour les apprentis passant le permis de conduire.

 

Fusion des aides pour les TPE et les PME : 6 000 euros sur 2 ans pour embauche d’un apprenti (financé par l’Etat, distribué par les régions).

 

Suppression du passage obligatoire au prud'hommes pour rompre un contrat d'apprentissage après 45 jours.

 

Création d’une certification de maître d'apprentissage.

2019

491 000

+50 000

 

2020

 

 

Plan de relance du gouvernement :

Effort budgétaire de 1,5 milliard d’euros en augmentant l’aide à l’embauche à 5 000 euros pour un apprenti mineur et jusqu’à 8 000 euros pour un apprenti majeur (jusqu’à licence pro).

  • Pour les entreprises de plus de 250 salariés, l’aide est conditionné au quota d’apprentis (5% de la masse salariale d’ici 2021).

Du côté des CFA : allongement de la période de recherche d’un contrat pour les apprentis de 3 à 6 mois.