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ANPE : 40 ans d'inefficacité

Mais que peut-on dire de l'ANPE 40 ans depuis sa naissance ? Pourquoi tous les sondages montrent qu'elle est considérée comme le service public le plus inefficace ? Etat des lieux d'une administration remplaçable.

Le 13 Juillet 1967, Jacques Chirac, alors secrétaire d'Etat à l'Emploi dans le gouvernement Pompidou, confie la gestion du "monopole public du placement des travailleurs", institué par l'ordonnance du 24 mai 1945, à une nouvelle structure administrative : l'ANPE. Le chômage officiel concernait alors 436 000 personnes. 40 ans plus tard, l'ANPE est dépassée et ne remplit plus sa mission alors que le chômage touche désormais 2 281 000 personnes. Mais cette administration a-t-elle jamais été efficace ?

Les chiffres et les commentaires des nombreux rapports publics qui ont jalonné l'histoire de l'Agence le prouvent, la gestion bureaucratique du chômage n'a jamais été à même de résoudre le problème. Pire, au fur et à mesure que l'ANPE se réformait, que ses moyens augmentaient et que ses agents voyaient de nouveaux privilèges s'ajouter (6 semaines de congés payés, sorties anticipées les veilles de fête, primes au mérite…), les performances de l'ANPE se détérioraient. Alors que l'Agence effectuait 784 000 placements en 1975, dont 50 % en CDI, elle ne plaçait plus que 300 000 chômeurs pour l'année 2005, dont à peine 33 % en CDI. Le marché n'a évidemment pas attendu l'ANPE pour permettre aux personnes de trouver un emploi et le développement des nouvelles technologies de l'information et la communication a rendu la situation de monopole légal de moins en moins effective dans les faits. Sur la même période, les dépenses par chômeur retrouvant un emploi grâce aux services de l'Agence sont passées de 265 € il y a 30 ans à 6 367 € en 2005, soit une multiplication du coût de placement par 24, ce que l'on peut difficilement qualifier d'amélioration de la productivité !

40 années de monopole et de mauvaise gestion

Il faudra attendre 2005 et la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale dite "Loi Borloo" pour permettre désormais à des sociétés de placement privées d'opérer sur le marché de l'emploi. Les dernières expérimentations menées par l'Unedic ont d'ailleurs montré que le privé était près de trois fois moins cher que les services de l'ANPE (voir le Société civile n°65, janvier 2007) pour un taux de placement en CDI supérieur (41 % en moyenne pour le privé contre 33 % pour l'ANPE).

Année Budget (en millions d'euros constants de 2005) Effectifs Placements Nombre de chômeurs (en milliers)
1975 208 7200 784000 995
1985 550 11100 521000 2477
1994 1304 15300 200000 2950
2005 1910 22800 300000 2622
Evolution des principaux indicateurs de l'ANPE depuis 1975 (sources : Insee, ANPE et calculs iFRAP)
40 ans de rapports officiels critiques

"L'agence nationale pour l'emploi ne peut demeurer en l'état, celui d'un organisme englué dans les tâches bureaucratiques, submergé par le flux hétérogène des demandeurs d'emploi, ne disposant que de peu de prise sur le marché du travail […] réduit à imaginer des subterfuges qui suscitent de la part des exécutants plus de scepticisme désabusé que d'application diligente". Rapport au gouvernement de Jean Farge, 1978.

"Qu'il s'agisse du dispositif qu'elle doit concevoir et faire fonctionner ou des moyens à mettre en oeuvre pour accomplir sa mission, l'Agence n'a pas fait preuve de la continuité de vue ni de la rigueur d'exécution qui lui eussent été nécessaire". Rapport de la Cour des Comptes, 1983.

"L'action de l'Agence est essentiellement orientée vers la mobilisation des aides publiques et la fourniture d'emplois à durée limitée". Lettre du Centre d'Etudes de l'Emploi, juin 1995.

"Même quand les prestations et services de l'agence sont correctement présentés, le conseiller d'Agence locale pour l'emploi ne procède pas toujours à une recherche d'emploi". IGAS rapport public, 1999.

"Faute d'indicateurs pertinents, il est malaisé d'évaluer objectivement l'efficacité de l'ANPE, en particulier dans l'exercice de sa mission essentielle de placier". Rapport de la Cour des Comptes, janvier 2001.

"La fin du monopole de l'ANPE devrait permettre une mobilisation plus complète, plus rapide et sans doute moins coûteuse de tous les acteurs susceptibles d'avoir une action positive en matière de retour à l'emploi". Rapport public de la Cour des Comptes, mars 2006.

Néanmoins, les chômeurs ne sont pas libres de faire appel à eux dans le cadre de l'assurance chômage, ce sont encore l'ANPE et l'UNEDIC qui décident à la place des individus concernés. La concurrence ne sera véritablement effective que lorsque chaque personne désirant retrouver un emploi pourra choisir le guichet de son choix, qu'il soit privé ou public. La solution au problème est pourtant connue de tous, malgré l'opposition farouche des syndicats de l'ANPE : permettre à chacun de choisir librement son agence de placement.