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Aides au logement : Les calculs douteux de l'Insee

L'enquête de l'Insee « budget des familles 2006 » affirme que les 20 % de ménages disposant des plus bas revenus consacrent en moyenne 24,8 % de leur revenu à leur logement. Cela semble clair : si un ménage gagne 2000 euros par mois, il dépense 496 euros pour son logement. C'est faux.

Dans cette tranche de revenus, une majorité de locataires perçoivent une APL (aide personnalisée au logement), une ALF (allocation logement familiale) ou une ALS (allocation logement sociale). D'après l'Insee, l'APL couvre les deux tiers des loyers des locataires HLM percevant cette allocation. Pour calculer la proportion de leur revenu que des personnes consacrent à leur logement, il semble naturel de déduire ces aides de leur loyer. L'Insee ne l'a pas fait.

L'Insee n'a pas complètement négligé ces aides mais les a ajoutées au revenu des intéressés au lieu de les retrancher du montant du loyer. Les résultats sont très différents, comme le montre le cas ci-dessus. Si on suit le raisonnement de l'Insee, un ménage logé gratuitement, son loyer étant payé par son employeur ou par un autre organisme, pourrait éventuellement avoir son revenu « lourdement obéré par le montant de son loyer ». [1]

Un document de la Caisse d'assurance familiale d'Auvergne (voir tableau ci-dessus) confirme que le taux d'effort des locataires de ce premier quintile est réduit de 2 à 4 fois grâce aux aides au logement.

La méthodologie Insee

L'enquête Insee est faite par des entretiens face-à-face, de façon déclarative. Aucun recoupement n'est fait entre les déclarations des interviewés et les fichiers concernant les montants des loyers et des revenus. Compte tenu de la nature sensible des données, on peut imaginer un biais tendant à minorer les revenus et majorer les charges.

L'Insee admet d'ailleurs que cette enquête est difficile : « L'enquête budget est difficile à faire accepter, malgré son caractère obligatoire. (…) Le thème est certes très concret pour les ménages, mais les interviews sont longues, et remplir les carnets de compte demande un effort important. Globalement, environ 60 % des ménages contactés arrivent à la fin des trois questionnaires avec leurs carnets remplis. » Le problème est bien réel, mais il est regrettable que l'Insee ne donne pas une estimation du degré de fiabilité de ses chiffres et sème le trouble sur son objectivité en publiant un ratio loyer/revenu truqué.

Le mode de calcul de l'Insee lui a permis de produire des chiffres sensationnels, bien alarmistes pour se conformer au pessimisme français. Ils ont d'ailleurs été repris tels quels par tous les médias et par certaines associations caritatives pourtant au courant de ce que ces chiffres dissimulaient.

Les problèmes des mal logés sont très sérieux, mais rien ne justifie une désinformation qui globalise le problème et détourne du traitement des cas vraiment critiques.

Deux manières de voir les choses

L'Insee : « Alors qu'en 1979, le poids du logement était pratiquement identique pour toutes les catégories sociales, représentant environ 12 % du budget des Français, il est resté stable pour les ménages les plus aisés mais a fortement augmenté depuis pour les autres. »
L'iFRAP : Jusqu'en 1979, les aides publiques allaient à la pierre, pour diminuer le niveau des loyers des logements sociaux. Depuis 1979, ces aides vont directement aux personnes pour les aider à payer des loyers plus proches du prix du marché. Il est donc logique de déduire directement ces aides des loyers, y compris pour pouvoir comparer les deux séries de chiffres.

Contrairement aux données Insee, ces chiffres ne prennent pas en compte les charges et, depuis 1999, les loyers considérés ont augmenté un peu plus vite que les aides, mais l'impact de ces allocations reste considérable sur la part de revenu consacrée au logement.

[1] Interrogé, le responsable Insee de cette enquête a confirmé par écrit leur mode de calcul.