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Les laboratoires de recherche insuffisants pour l'innovation

La recherche serait le Saint-Graal dont dépendrait notre avenir collectif si l'on en juge par les dithyrambes qui illustrent les discours gouvernementaux et les épigones de nos médias. La recherche serait en effet le sésame qui ouvrirait les portes de l'innovation, elle-même la source du progrès et de la prospérité. De là à conclure qu'il faut dépenser plus dans nos laboratoires, au CNRS ou autres centres de recherche publics, il n'y a qu'un pas ; et comme depuis 30 ans que l'on ressasse ces discours et que la prospérité n'est pas au rendez-vous, c'est la recherche privée qu'on a décidé d'encourager à travers des programmes d'aide massifs comme le crédit d'impôt recherche.

Un article lu dans Financial Review d'Australie du 7 mai 2009 remet ces dogmes en question en rappelant que la recherche et les découvertes de laboratoire ne sont qu'un composant d'une chaîne, incapable de conduire à elle seule à la prospérité, et que beaucoup plus importants que les fabricants de nouvelles technologies sont ceux qui innovent en appliquant des technologies existantes à de nouveaux emplois.

L'exemple type est Federal Express dont le succès a été d'appliquer les technologies de transport (avions) et télécommunication (notamment radio) existantes au transport et la délivrance rapide du courrier, et pas d'inventer le transistor.

Ce sont les innovations de marketing et de gestion, beaucoup plus que les innovations techniques proprement dites, qui contribuent au développement des entreprises et à l'emploi. Rappelons que les statistiques américaines montrent que hi-tech, ordinateurs, télécommunications, Internet, pharmaceutique, contribuent pour moins de 10% à la création d'emplois et que plus de 90% sont créés par des innovations marketing. Il n'est d'ailleurs pas étonnant de constater que les plus grandes entreprises en termes d'emploi sont des firmes de distribution comme Carrefour, Auchan ou Tesco en Grande-Bretagne.

C'est aussi ce que rappelle le journal australien en citant une étude menée par un professeur de Cambridge et directeur du « UK National Innovation Center », montrant que les secteurs ayant le plus contribué aux gains de productivité en Australie de 1980 à 2004 n'ont pas été les producteurs de hi-tech mais les utilisateurs de hi-tech. Et ceci inclut non seulement l'usage de nouvelles technologies comme Internet mais aussi de meilleures méthodes de management et… de meilleure gestion publique.

La non compréhension de cette dimension pourrait nous coûter cher en France car, en mettant tout le poids financier de nos efforts dans la recherche publique ou privée, nous oublions que cette recherche restera stérile s'il ne se trouve pas des start-up pour l'exploiter. Et pour l'instant, le manque de fonds pour le décollage de nos gazelles, imputable au manque de business angels, reste le talon d'Achille de l'économie française. Malgré quelques progrès, les incitations fiscales sont encore très loin de nous mettre à égalité avec nos concurrents anglo-saxons ; sans des mesures conduisant à décupler notre effort financier sur ce plan (qui ne coûterait d'ailleurs rien au Trésor), notre effort recherche risque de rester vain.