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Faire de l'anglais une priorité nationale en France

Notre dernière proposition consiste à faire de l'anglais une priorité nationale. Richard Descoings, directeur de Sciences Po, dit à juste titre : « En France, nous préférons parler mal deux langues étrangères que maîtriser bien l'anglais ». Faire aujourd'hui du business sans parler anglais pour la jeune génération est un suicide professionnel. Les Français parlent mieux anglais qu'il y a 10 ans, c'est certain. Mais nos concurrents le parlent infiniment mieux qu'ils ne le parlaient il y a 10 ans. L'Espagne par exemple. En Espagne, personne ne prononçait un mot d'anglais, il y a 20 ans. Aujourd'hui, les Espagnols ne sont pas très loin derrière nous. La pente est que l'Espagne parlera bien anglais d'ici 10 ou 15 ans. Enfin, la mention « Fluent in English » sur un CV ne revêt pas du tout la même réalité entre un candidat français et allemand par exemple. Il est effectivement courant pour l'Allemand mais moyen pour le Français.

Il faut évidemment s'attaquer au système éducatif mais nous n'allons pas le réformer du jour au lendemain. En revanche, il faut que les entreprises prennent conscience de cet enjeu en créant par exemple un système d'évaluation systématique des employés (test TOEFL par exemple). L'entreprise se chargerait ensuite de mettre en place des cours de mise à niveau. En Angleterre, nous voyons une multitude de jeunes Français qui arrivent. Quand vous leur demandez pourquoi ils viennent, trois fois sur quatre c'est pour apprendre l'anglais. Et à juste titre, c'est le meilleur investissement qu'ils puissent faire.

Contribution d'un internaute

Je précise tout d'abord que je suis un ancien dirigeant d'une entreprise internationale notamment implantée aux Etats-Unis, que j'ai toujours une activité internationale et donc connais bien les circonstances où l'anglais est indispensable.

Que toute une frange de la population doive parler un très bon anglais, c'est évident ; cette frange (par exemple les étudiants des grandes écoles de commerce, de Sciences Po ...) en est bien consciente et le fait. Que d'autres Français, issus de recrutements moins élitistes et croyant parler un bon anglais, aient de grands progrès à faire, c'est vrai aussi.

Mais ces vérités doivent être bien délimitées, car elles ont entraîné des comportements contre-productifs : l'anglais n'est pas une "baguette magique" faisant valser promotions et exportations mais un investissement lourd comme un autre, et il y a des arbitrages à faire. Je vais être un peu sommaire pour être bref, mais ne demande qu'à développer.

  1. Autant cet investissement est vital dans certaines fonctions, autant ceux qui travaillent avec des francophones, Français ou étrangers doivent d'abord se perfectionner dans leurs compétences, puis améliorer leur français, où leurs déficiences nuisent à la mise en valeur de leurs compétences et à leur perfectionnement ... voire à un apprentissage ultérieur de l'anglais ou de toute autre langue.
  2. Bien se renseigner est quand même plus simple : j'ai vu des Français se ridiculiser en anglais face à des étrangers francophones, là où un exposé en français aurait mieux valorisé leurs compétences. Mais, mauvaise information ou snobisme aidant, on demande de moins en moins souvent à un étranger "en quelle langue seront nous le plus efficace ?". Les étrangers bon francophones sont nombreux, et heureux d'être valorisés (c'est important commercialement), mais bien des Français voyant un "décor" (indications, documentation, phrases d'accueil) en anglais imaginent que leur interlocuteur est un "pur" anglophone. Et que dire des entreprises françaises ayant imposé l'anglais chez elles et demandant d'aborder les Maghrébins ou les Québécois dans cette langue ?
  3. Parler la langue locale plutôt que l'anglais (ou en plus d'un anglais "moyen") permet de doubler tout le monde, et notamment beaucoup d'Américains. Cela suppose bien sur qu'on se fixe un certain temps dans un pays, mais s'il s'agit de la Chine, du Japon, du monde hispanique et de bien d'autres, cela n'est pas une limitation bien ennuyeuse. Bien sur si on parle "aussi" un très bon anglais, c'est encore mieux, mais, quand on s'installe, il y a des priorités.
  4. Contrairement à ce que semble penser Richard Descoing, apprendre une 2è langue étrangère ne nuit pas à la première, au contraire : si l'élève réfléchit à la structure comparée des 2 langues (ce qui est passionnant), il fera des progrès rapides dans les deux. De plus la 2è s'apprend beaucoup plus vite, et la 3è encore plus.
  5. Enfin et surtout on assiste à une catastrophe de gestion des ressources humaines dans les entreprises : passant du "je parle anglais aux non francophones" à "je parle anglais à tout le monde, car cela évite complications et traductions", et en faisant descendre ce comportement de plus en plus bas dans la hiérarchie, on multiplie imprécisions et malentendus, on lance des programmes linguistiques lourds et coûteux et surtout on nommera un bon anglophone à la place d'un bon "créatif", ingénieur ou commerçant. La gestion de la pluralité linguistique et la recherche de quelques très bons "bi culturels" (et pas seulement bilingues) coûte certainement moins cher que la somme des frustrations, gâchis de compétences et formations souvent peu efficaces. Le passage : " il faut que les entreprises (...) créent un système d'évaluation systématique des employés (de tous ?) et se chargent ensuite de mettre en place des cours de mise à niveau." se traduirait à mon avis par un gâchis et une démotivation qui pourrait être évités par une réflexion sereine sur les besoins linguistiques concrets et les moyens d'y faire face (par exemple, un "correspondant anglophone" -ou "mandarinophone"- très qualifié et connaissant bien le pays cible pour X employés, plutôt que de mordre sur le temps de TOUS les employés à la formation sur l'évolution de leur poste et de leur métier).

Donc oui à une analyse concrète, non à la perte de vue des "fondamentaux" : le temps limité, le perfectionnement continu du "coeur de métier", l'attention à "l'autre", qu'il soit Français "frustre" ou Chinois !

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