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Ecole : Refondation ou vieilles ficelles ?

Le gouvernement célèbre ces jours-ci en grandes pompes la « refondation de l’école de la République ». Il annonce à cette occasion l’augmentation, au bénéfice des professeurs des écoles, de « l’indemnité de suivi et d’accompagnement » des élèves. Cette revalorisation est de 200%, puisque la prime, créée en 2013, passe de 400 euros à 1.200 euros annuels. Cette mesure « catégorielle » concerne les 330.000 professeurs des écoles et représente pour le budget de l’Etat une dépense supplémentaire de 265 millions d’euros.

Cette décision est présentée comme la traduction de la priorité au primaire et comme une mesure de justice vis-à-vis des professeurs des écoles dont le régime indemnitaire était moins favorable que celui des professeurs du second degré.

S’agissant de la priorité au primaire, on peut estimer que l’augmentation indemnitaire sera évidemment bien reçue par les enseignants. Pour autant son montant ne devrait pas permettre d’augmenter le nombre, ni surtout la qualité des candidatures au concours de recrutement des professeurs du primaire.

 En ce qui concerne les résultats que l’on peut attendre d’une augmentation de cette nature sur les performances globales de l’école primaire de notre pays, il est permis d’être sceptique… il aurait fallu pour cela que cette augmentation soit assortie de contreparties professionnelles destinées à rendre l’enseignement plus efficace.

Comme il s’agit précisément d’une indemnité de suivi et d’accompagnement, on aurait très bien pu assortir sa revalorisation d’une amélioration du service rendu aux élèves : par des heures d’études dirigées destinées aux élèves en difficulté par exemple (au moins une heure par semaine), ou bien l’on aurait pu assortir cette prime d’une modulation en fonction de la « manière de servir », c’est-à-dire en fonction de l’engagement professionnel des enseignants. C’eut été l’occasion d’introduire la notion de mérite dans la rémunération des professeurs des écoles. Evidemment, rien de tout cela n’a été envisagé car il s’agit moins de rechercher plus d’efficacité pour notre école que d’envoyer aux enseignants du primaire un signal politique.

S’agirait-il alors de mettre fin à une injustice ?

Après tout, les professeurs des écoles et les professeurs du second degré sont aujourd’hui également recrutés à bac + 5 et leurs régimes indiciaires sont très semblables. Procéder à un alignement de leurs indemnités ne serait donc que justice et traduirait la considération que l’Etat et la société portent aux anciens instituteurs, devenus, sous Lionel Jospin, professeurs des écoles (décret du 1er août 1990).

Mais alors pourquoi s’en tenir à une simple indemnité ? Dans bien des domaines, le statut des professeurs du second degré est plus avantageux que celui des professeurs des écoles :

  • Obligations réglementaires de service : 27 heures pour les professeurs des écoles (en fait, 24 heures par semaine de face à face pédagogique + 108 heures globalisées sur l’année), 18 pour les professeurs certifié ;
  • Mais aussi : taux de promotion à  « l’accès à la hors classe », régime des heures supplémentaires, des décharges, des indemnités des professeurs principaux, etc.

Et si l’on évoque la considération de la Nation pour ses enseignants, pourquoi ne pas relever le différentiel très significatif (12% de moins que la moyenne des pays de l’OCDE) qui place la France parmi les pays de l’OCDE qui paye le moins bien ses enseignants ? Certes, l’augmentation de 800 euros par an mettra du baume au cœur des enseignants du primaire, mais une fois encore, que d’occasions manquées.

Car la seule question qui ait du sens lorsque l’on parle de l’école et qu’on prétend la « refonder », c’est celle qui consiste à agir pour « faire levier » sur ses résultats, ses performances, la capacité du système éducatif à élever réellement le niveau d’instruction des Français, d’amener 100% des élèves à la maîtrise des fondamentaux, 80% d’entre eux au baccalauréat et 50% d’entre eux au niveau de la Licence. Tout cela en garantissant l’égalité des chances et la promotion de ceux qui se distinguent par leur travail et leurs aptitudes et qui forment le vivier des futures élites de la société et de la Nation.

Or, de cela il n’est nullement question dans cette augmentation générale octroyée à 330.000 fonctionnaires !

Prenons simplement deux exemples de ce qu’une authentique refondation aurait dû réaliser pour rendre le système éducatif plus performant :

  • Les élèves doivent -durant la période d’instruction obligatoire de 6 à 16 ans- arriver à la maîtrise du socle commun des connaissances. Il eut été possible de créer une école fondamentale, une école du socle, avec des enseignants dédiés à cette tâche. Pour cela, il fallait tendre à rapprocher les statuts ou mieux encore, les conditions d’emploi des professeurs du premier et du second degré des collèges. Ceci aurait conduit à remettre à plat les obligations réglementaires de services de ces personnels ;
  • Il était aussi possible d’augmenter très significativement les professeurs des écoles dès 2013. A cela, il a été préféré d’augmenter leur nombre ! La Cour des comptes a dénoncé ce choix absurde dont les effets sur l’efficacité de l’action éducatrice de l’Etat sont nuls.

La vérité, c’est que le gouvernement ne peut pas s’offrir à la fois une augmentation du nombre d’emplois publics et une véritable revalorisation des traitements de ses enseignants. Souvenons-nous que c’est pour sortir de ce piège autobloquant que Benoît Hamon, éphémère ministre de l’Education nationale, avait envisagé en octobre 2015 de baisser les indemnités des professeurs de classes préparatoires aux grandes écoles pour revaloriser celles des professeurs des écoles.

Ainsi, la « refondation de l’école » reste à la surface des choses. Constatons, que le décorum et l’emphase de sa communication sont inversement proportionnels à l’efficacité de son action. Alors, de quoi la revalorisation de la prime des professeurs des écoles est-elle le nom ?

Pourtant, il y a des moyens d’agir efficacement sur notre système éducatif et beaucoup de ses propositions sont déjà largement diffusées au débat public :

  • Fin des rythmes scolaires du décret Peillon et reprise de l’aide individualisée obligatoire de 2 heures hebdomadaires pour les élèves en difficulté ;
  • Renforcement et valorisation professionnelle de la formation continue des enseignants (actuellement 9 heures par an pour un professeur des écoles !) ;
  • Introduction d’une part de modularité dans les traitements des professeurs. Récompense au mérite, à l’engagement professionnel et aux bons résultats, y compris en termes d’avancement et de promotion ;
  • Fin des augmentations générales et forfaitaires. Déconcentration des opérations de management relatives aux rémunérations aux niveaux académiques et local (établissement) ;
  • Augmentation du temps de présence des professeurs des collèges dans leur établissement, possibilité de services partagés école-collège. Définition d’un emploi de professeur du socle commun ;
  • Evaluation des unités éducatives, publicité de leurs résultats, prise en compte des résultats sur les primes des personnels ;
  • Création d’un véritable emploi de directeur d’école, disposant de l’autorité et des moyens de conduire des projets et de manager l’équipe des enseignants, y compris en termes de rémunération ;
  • Création, là où cela est possible, d’écoles du socle regroupant administrativement et pédagogiquement un ou plusieurs collèges et leurs écoles de secteur. Large autonomie accordée à ces structures sur la base de contrats d’objectifs et de résultats.