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Quel bilan de la politique éducative depuis 2012 ?

Dans le cadre de l’examen du PLF 2017, le ministère de l’Education nationale a présenté devant l’Assemblée nationale, le projet de budget de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Comme ceux qui l’on précédé depuis 2013, ce projet budgétaire allie gabegie et démagogie. En augmentation nette de 3 milliards d’euros (dont 2 milliards d’euros uniquement pour l’Education nationale), il s’établit à une dépense pour l’enseignement scolaire de 68,64 milliards d’euros. Il comprend un certain nombre de priorités qui sont autant de « marqueurs politiques » du quinquennat. 

Les 60.000 créations de postes dans l’Education nationale : la promesse phare

La communication du ministère fait grand cas de la création de 60.000 emplois entre 2012 et 2017, au titre de la « priorité à la jeunesse », une promesse de campagne de François Hollande. Il s’agit, en fait pour l’enseignement scolaire de 54.000 emplois (6.000 pour le supérieur) qui se décomposent comme suit :

  • 20.262 pour les classes : 10.628 dans le primaire, 7.860 dans le secondaire, 1.774 pour l’enseignement privé sous contrat.

Remarques : il existe plus de 52.000 écoles publiques et près de 8.000 établissements secondaires en France. « L’augmentation « des effectifs d’enseignant représente donc 1/5ème de postes par école et un poste par établissement secondaire… De plus, l’augmentation démographique des effectifs d’élèves de l’enseignement scolaire à réduit à néant l’effet d’optique recherché par le gouvernement : les taux d’encadrement sont restés identiques à ceux de 2012.

  • 25.937 pour les ESPE (ex-IUFM) où sont (plus ou moins efficacement) formés les élèves-professeurs à la gestion d’une classe ;
  • 1.400 administratifs supplémentaires, illustration de la faillite de la réforme de l’organisation territoriale de l’Education nationale, qui a créé 17 nouvelles structures de pilotage appelées « régions académiques »… en prétendant simplifier le mille-feuille administratif.

L’ensemble représente en fait 47.599 emplois (le reste étant des emplois de non-titulaires). Cette politique est à la fois dispendieuse et contreproductive.

Dispendieuse, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes de 2013, car elle augmente les déficits publics sans effets mesurables sur l’efficacité du système éducatif. Le tout, pour que les résultats de nos élèves dans les évaluations internationales (et nationales) soient toujours aussi mauvaises : performances en baisse et creusement des inégalités entre élèves en fonction de leur origine sociale.

Pour rappel, une performance des élèves français à la baisse[1] :

En 2011, l’OCDE soulignait que l’absence de réforme structurelle (et le recours uniquement à des hausses et baisses de dépenses) aggravait la performance des élèves sur le long terme. Alors qu’aucune réforme de fond n’est lancée, les résultats du système éducatif français dans l’étude comparative internationale des systèmes d’éducation, PISA, montrent qu’entre 2003 et 2013, il y a eu :

  • une baisse du niveau moyen en mathématiques (où la France perd cinq places, et passe de la 13e à la 18e  place sur 34 pays) ;
  • une augmentation du nombre d’élèves en difficulté ;
  • une aggravation des déterminismes sociaux : le système éducatif français est aujourd’hui celui des pays de l’OCDE où l’origine sociale des élèves importe le plus dans leurs résultats scolaires.

Une tendance qui s’est accrue ces dix dernières années. Les dernières études du ministère sur l’évaluation des élèves (Cedre 2003-2009-2015) de juillet 2016, soulignaient également que 40% des élèves ne maîtrisaient pas les compétences attendues à la sortie du CM2 et que 15% des élèves sont en grande difficulté de compréhension du français à la sortie du collège. Des statistiques qui montrent que la tendance est à la baisse pour la performance de nos élèves. Une tendance qui ne peut pas être inversée uniquement par un changement de méthode pédagogique ou une refonte des programmes. Non, une mauvaise gestion des établissements, un mauvais management des équipes… tout cela, conduit nécessairement à une démotivation du personnel et donc à des heures d’enseignement de moins bonne qualité.

Contreproductive car la création nette d’emplois repousse toute réforme réelle de la fonction enseignante et de l’organisation des enseignements. Contreproductive aussi, car ces milliers d’emplois auraient été d’une plus grande utilité dans la magistrature, la Sécurité et la Défense.

A défaut de réforme de fond, une dépense à la hausse

En réalité cette gabegie budgétaire ne profite donc nullement à notre jeunesse, mais est dictée par le clientélisme politique presque parfaitement identifiable et par l’absence de réforme de fond. En effet, modifier les rythmes scolaires, réaménager légèrement les carrières des enseignants sont des ajustements à la marge qui ne changent pas le fonctionnement  de l’Education nationale et donc, ne cherche pas à l’améliorer.  On retiendra la revalorisation des rémunérations en fin de quinquennat et la réforme des carrières de l’enseignement qui, justement, ne sont accompagnées d’aucune contrepartie destinée à améliorer l’efficacité et l’efficience du système éducatif

Parmi les mesures directement destinées aux élèves retenons la « rénovation » de l’éducation prioritaire. Une rénovation qui n’a rien changé car 20% des établissements restent classés REP+ ou REP, ce qui est excessif et disperse les efforts. La ministre annonce que 7.600 emplois nouveaux ont été spécifiquement affectés à ces 7.834 structures, soit encore une fois moins d’un emploi par établissement. En outre, la ministre se garde bien de tenir le moindre compte du rapport désastreux de fin septembre du CNESCO qui établit que la politique de l’éducation prioritaire contribue… à creuser les inégalités scolaires et sociales.

Au final, si l’on calcule le coût de la facture finale du quinquennat, on atteint les 9,2 milliards d’euros de dépenses sans réforme et sans contrepartie pour l’Education nationale et l’Enseignement supérieur, soit le périmètre de la « priorité à la jeunesse ».

Bilan des mesures en faveur de l’éducation, entre 2012 et 2017, et leurs coûts

Mesures

Coûts 2012-2016

2017 (prévision ou promesses)

Recrutement 60 000 postes[2]

47 000 postes pour 2 milliards d’euros

13 000 postes pour 565 millions d’euros

Lutte contre le décrochage[3]

50 millions d’euros

 

Renforcement et élargissement du nombre de REP

Non évalué

Pour les enseignants en REP, prime de 1 156 euros par an et décharge supplémentaire de 1h30 de cours par semaine

100 millions d’euros

 

Réforme des rythmes scolaires

Dotation de 372,7 millions d’euros en 2014 => estimation à 900 millions d’euros depuis 2013[4]

Dotation de 318 millions d’euros pour l’année 2016/2017

Création du Conseil supérieur des programmes

Non évalué

Création en 2013 de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves pour les enseignants du 1er degré

149,8 millions d’euros versés en 2 fois (2013 et 2014)[5]

Revalorisation pour 265 millions d’euros

Revalorisation des rémunérations des enseignants

 

1 milliard d’euros

Elargissement des critères d’attribution des bourses étudiantes

530 millions d’euros

Revalorisation pour 130 millions d’euros

Construction de logements étudiants

20 millions d’euros

20 millions d’euros

Plan numérique, refonte des carrières des enseignants, PPCR dans le 1er et 2nd degré

 

2,4 milliards d’euros

Dégel du point d’indice dans les universités et PPCR dans l’enseignement supérieur et la recherche

 

850 millions d’euros

Total

9,2 milliards d’euros


[1] Government at a Glance 2011 et France PISA 2012, de l’OCDE. Publication de la DEPP : Cedre 2015 – Nouvelle évaluation en fin de collège : compétences langagières et littératie et Cedre 2003-2009- 2015 - Maîtrise de la langue en fin d’école : l’écart se creuse entre filles et garçons.

[2] Sur la base 2016, un enseignant stagiaire coûte environ 43 500 euros par an, selon le PLF 2016. D'ailleurs, l’addition totale (carrière et retraite) de ces recrutements peut être évaluée à 135 milliards d’euros). Non inclus, la réouverture des ESPE (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) qui remplacent les IUFM fermés sous Nicolas Sarkozy.

[3] A partir de 2016, les redoublements deviennent exceptionnels et seront prononcés à la demande des parents qui doivent entreprendre eux-mêmes les démarches… sinon, le rectorat estime automatiquement que l’élève passe dans la classe supérieure.

[4] Si estimation : dotation de 200 millions d’euros en 2013, 372 millions d’euros en 2014 et environ 330 millions d’euros en 2015.

[5] Sur la base de 200 euros de primes versées en 2013 et en 2014 au 374 500 enseignants du premier degré.