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La réforme des valeurs locatives dans les collectivités territoriales

Les contribuables pris en otages ?

En lançant un projet de réforme des bases locatives cadastrales sur lesquelles sont assises la taxe d'habitation et les taxes foncières, le gouvernement veut prolonger son action de nettoyage de la fiscalité locale entamée avec le remplacement de la taxe professionnelle, en s'attaquant cette fois-ci aux assiettes fiscales locales. En effet, les valeurs locatives cadastrales rentrent dans la définition de l'assiette de l'ensemble des impôts locaux directs (les deux impôts fonciers, la taxe d'habitation et la taxe professionnelle à des hauteurs oscillant entre 80% et 16% suivant les impôts). Résultat, cette réforme va concerner tout le monde, les entreprises comme les simples particuliers et sera tout sauf neutre pour le portefeuille des contribuables… puisque les bases actuelles d'évaluation datent dans le meilleur des cas de 1970.

Mais attention, cette réforme est à haut risque car concrètement, l'alignement des valeurs cadastrales sur les valeurs locatives du parc immobilier privé nécessiterait en matière de taxe d'habitation, un rattrapage de près de 123,5% ! A droit constant si les impôts locaux ne sont pas modifiés, cela représenterait un effort fiscal sans précédent… mais pas pour tout le monde car il aboutirait, compte-tenu des systèmes de plafonnement des impôts locaux et des mécanismes péréquateurs, à consolider plutôt les situations acquises. Comment est-on arrivé à une situation aussi déséquilibrée ? D'une part en raison des errements de l'administration fiscale elle-même, d'autre part avec la complicité tacite des élus locaux… explications :

La révision des bases locatives cadastrales, des transferts importants pour des effets limités… sauf pour le contribuable

En arrêtant en 1970 (avec actualisation partielle 1980) la valeur des bases locatives cadastrales et en fixant une indexation par revalorisation annuelle limitée, le législateur a provoqué une distorsion dans l'évaluation fiscale des biens immobiliers par rapport à leur standing :

- une distorsion tout d'abord en faveur de l'immobilier ancien : c'est le cas des centres-villes vétustes en 1970 et qui ont depuis retrouvé leur lustre d'antan grâce au dispositif Malraux sans être fiscalisés localement à due concurrence. Qu'il s'agisse des commodités ou de la distribution des pièces, les grilles d'évaluation de 1970 leur sont toujours favorables.
- une distorsion en sens inverse au détriment des villes nouvelles et de leurs logements sociaux, qui à l'époque disposaient de tout le confort moderne. Ces bases locatives ont eu tendance à être plutôt sur-évaluées.

En clair, actuellement certains locataires logés à La Courneuve, paient une taxe d'habitation comparable à celle d'autres locataires situés dans le centre de Paris.

L'injustice est-elle pour autant flagrante ? Rien n'est moins sûr car en vérité, les taxes locales sont plafonnées pour les contribuables les plus modestes. Ainsi la taxe d'habitation est-elle limitée pour ces foyers fiscaux à 3,44% de leurs revenus [1]. Il s'en suit que la différence (suivant des volumes eux-mêmes normés) est compensée par la péréquation horizontale des communes les plus riches en direction des plus pauvres et surtout par l'Etat qui garantit la plupart des exonérations et dégrèvements ainsi accordés. Une réforme sèche conduirait donc à des effets de transferts intra et intercommunaux massifs allant de pair avec un effondrement des taux d'imposition (et inévitablement des différentiels de taux négatifs) afin de limiter l'explosion de la pression fiscale. Cela conduirait alors à conforter les communes les plus défavorisées dans une posture d'assistanat aux crochets des municipalités voisines les mieux loties, tout en mettant à mal le tissu des petits commerçants urbains dont les activités sont actuellement relativement peu imposées mais disposant également de faibles marges, ainsi que les retraités modestes présents généralement dans les locaux anciens en centre-ville.

La mesure impacterait également indirectement la construction de logements, d'abord sur le segment de la rénovation du logement ancien qui ne bénéficierait plus de « coup de pouce fiscal » né de la sous-évaluation de l'assiette foncière ; ensuite et principalement sur le segment du logement neuf qui serait touché par contre-coup par l'envolée des bases locatives et au plus mauvais moment puisque nous sommes entrés depuis peu dans une période baissière du marché de l'immobilier. Or jusqu'à présent ce sont les constructions neuves qui à elles seules ont tiré la fiscalité locale vers le haut en en accroissant les assiettes fiscales indépendamment de la hausse des valeurs locatives et de la hausse des taux des impôts locaux.

En réalité, tous ces dysfonctionnements auraient pu être évités si l'administration du cadastre et les services de la DGFiP avaient fait consciencieusement leur travail, car la loi du 18 juillet 1974 prévoyait déjà une révision générale des bases locatives tous les six ans, doublée d'une actualisation triennale afin de tenir compte du prix des loyers (ultime et dernière mise à jour en 1980) assortie d'une revalorisation annuelle (mesure qui fut appliquée) mais sur des bases régulièrement révisées (ce qui ne fut jamais le cas). Une revalorisation régulière aurait eu pour effet de freiner drastiquement l'envolée des taux d'impositions votés par les collectivités locales et contribué à modérer la pression fiscale. Une défaillance qu'il faut donc attribuer d'abord aux carences de l'administration fiscale et ensuite au manque de volontarisme des élus locaux.

Une administration fiscale peu regardante quant à l'évolution des bases cadastrales

En matière de fiscalité locale c'est l'administration fiscale qui gère l'établissement de l'assiette et la collecte des impôts locaux en lieu et place des collectivités territoriales en vertu du principe de l'unité de trésorerie [2]. C'est donc à elle qu'incombe en premier lieu le recensement et la mise à jour de l'ensemble des valeurs locatives cadastrales.

Or curieusement, les évaluations manquent sur l'action de ces fonctionnaires spécialisés comme sur leurs effectifs. Ils représentaient suivant les dernières évaluations connues datant de 2005 environ 50% des fonctionnaires du cadastre (soit 3 020 agents sur 6 058), auxquels doivent être ajoutés 30 fonctionnaires de l'administration centrale et des inspecteurs et géomètres non recensés. Dans les faits, ce sont des fonctionnaires de catégorie C chapeautés par un fonctionnaire de catégorie B qui réalisent les opérations de classement sans qu'aucun véritable contrôle ne soit réellement réalisé. La Cour des comptes relève ainsi dans un récent rapport « [Qu]'aucun agent rencontré durant l'instruction de la Cour, n'a vu son travail de classement vérifié par un contrôleur extérieur (…) au cours de sa carrière ». Pris dans la routine administrative de l'enregistrement, ces fonctionnaires ne se rendent que rarement sur place pour constater (article 1517-I-1 CGI) annuellement les changements des caractéristiques physiques des bâtiments dont ils doivent assurer le contrôle et l'évaluation [3]. Un manque de dynamisme auquel s'ajoute l'appréciation subjective du fonctionnaire du fisc quant au classement des propriétés recensées (8 catégories en fonction de leur standing) à partir de procès-verbaux et de critères de confort datant de 1970 ! On se doute dans ces conditions qu'il existe d'innombrables divergences entre les différents services fiscaux sur l'appréciation des caractères architecturaux, la qualité des constructions, la distribution et les équipements intérieurs des biens recensés ce qui joue in fine sur le classement des biens et sur l'égalité devant l'impôt des contribuables.

A cela s'ajoute une curiosité dérivée de la révision avortée des bases cadastrales tentée en 1990. En effet juridiquement cette loi est entrée en vigueur : « la loi du 30 juillet 1990 avait prévu une révision cadastrale. Celle-ci est réalisée depuis plusieurs années mais son intégration dans les rôles d'imposition n'est à ce jour pas programmée [4] » il en résulte que :

- d'une part sur le plan du financement de l'opération, celle-ci s'est traduite par une augmentation des frais d'assiette et de recouvrement de 0,4% au profit de l'Etat, passant ainsi de 4% à 4,4%, augmentation théoriquement provisoire (afin d'amortir le coût de réalisation de la réforme) et en réalité définitive jusqu'à aujourd'hui.
- d'autre part, sur le plan du recensement, il existe une application informatique retraçant tout bien pour sa valeur 1970 réévaluée, mais aussi (puisque la loi de juillet 1990 est effective) le même bien pour sa valeur 1990 alors que cette dernière ne sert à rien. Il existe donc un double travail de saisie et d'actualisation en pure perte.

Mais si l'administration fiscale ne montre pas l'efficacité désirée en matière de suivi des bases locatives cadastrales, les élus locaux ont également leur part de responsabilité.

Des élus locaux peu enclins à dynamiser leurs bases locatives cadastrales

Si les bases locatives cadastrales sont restées figées à leur dernière révision de 1970, partiellement actualisées en 1980 et simplement réévaluées annuellement par l'intermédiaire de la loi de finances, si la réforme de 1990 qui proposait une révision générale est restée lettre morte, au prétexte qu'elle aurait provoqué un transfert trop important entre contribuables et collectivités, c'est également le fait des élus locaux eux-mêmes. Ces derniers portent donc une lourde responsabilité dans le décrochage des bases locatives cadastrales, par rapport aux prix du marché.

Il était en effet politiquement moins douloureux de procéder à un ajustement par les taux des impôts locaux plutôt que d'agir sur les assiettes fiscales elles-mêmes, alors que le dynamisme (cf supra) de ces dernières est par ailleurs beaucoup plus puissant. Une bonne illustration de cette erreur fiscale est mise en lumière par le rôle totalement effacé des Commissions communales des impôts directs (CCID) dans nombre de communes.

Il faut dire néanmoins que tout à été fait pour que ces commissions n'aient pas véritablement de poids vis-à-vis de leurs interlocuteurs fiscaux. Elues dans les deux mois qui suivent les élections municipales, les membres sont désignés par le maire ou son adjoint qui les président [5] ; elles ne sont tenues de se réunir qu'une fois par an afin de donner leur avis sur les valeurs locatives et les évaluations cadastrales. Quinze jours avant la date prévue de réunion le centre des impôts fonciers adresse au maire la liste des changements pris en compte depuis la dernière réunion. Cependant, il n'existe aucune formation particulière destinée aux membres des CCID, ils doivent donc procéder eux-mêmes aux calculs idoines et se former sur le tas afin de choisir d'entériner ou de moduler les revalorisations des bases locatives proposées par les services fiscaux.

D'ailleurs, l'Etat a volontairement limité les capacités d'action des municipalités sur leurs assiettes fiscales : bien souvent les services fiscaux conservent une attitude de rétention d'informations. Une commune doit par exemple payer à ses frais un prestataire privé afin de connaître le nombre d'entreprises implantées sur son territoire et leur nombre d'employés alors que les services fiscaux pourraient lui communiquer les déclarations annuelles de données sociales (DADS). En outre, la CNIL (Commission nationale informatique et liberté) impose un délai de conservation maximum des données cadastrales nominatives d'une durée de 2 ans, ce qui empêche de facto tout suivi précis des évolutions à moyen terme.

En un mot, l'Etat a volontairement rendu myopes les municipalités qui de leur côté n'ont rien fait pour s'intéresser de près à la revalorisation des bases cadastrales et ainsi maîtriser drastiquement l'envolée de leurs taux d'imposition. Au contraire, les collectivités locales ont dans leur ensemble adopté la stratégie rigoureusement inverse : faire perdurer une sous-valorisation de leurs assiettes fiscales, pour décider en toute indépendance de taux d'impositions globalement forts.

La revalorisation des valeurs locatives cadastrales arrive donc à point nommé afin de remettre sur pied une réforme en profondeur de la fiscalité locale. Quelle que soit l'ampleur de la réforme, les pouvoirs publics ne pourront pas faire l'économie d'une refonte importante des services fiscaux dédiés au suivi des valeurs locatives afin d'accroître sensiblement leur efficacité. En outre, la réforme nécessitera une appréciation différentiée en fonction des assiettes concernant : soit les particuliers, soit les entreprises :

- Concernant la réforme des valeurs locatives des logements d'habitation, les 40 millions de logements visés verront, suivant l'actuel projet de loi, leurs réévaluation fiscale se développer en deux temps : soit immédiatement au gré des mutations, soit avec un effet couperet dans dix ans si les biens ne changent pas de propriétaire. Un choix de réforme qui à court terme accroîtra encore un peu plus le différentiel fiscal entre les contribuables au détriment des nouveaux propriétaires. Deux options s'offrent alors au gouvernement : soit imposer un écrasement drastique des taux d'impositions (puisque si les collectivités locales décident des taux, l'Etat décide lui de l'encadrement de ces derniers), soit proposer une refonte en profondeur des impôts locaux visés dans le sens d'une plus grande simplification dans la détermination de l'assiette fiscale. Il n'est pas pour le moment exclu d'ailleurs que la réforme finale comporte les deux. Dans ce cadre, c'est l'évolution spontanée des valeurs locatives du marché qui induira l'évolution des bases cadastrales et donc in fine les impôts locaux, bien plus que les taux votés jusqu'à aujourd'hui …

- En ce qui concerne les valeurs locatives des 3 millions de locaux industriels et commerciaux, la tentation des commissions communales des impôts directs a toujours été de vouloir s'appuyer sur ces assiettes pour développer le dynamisme des recettes fiscales. Les marges de manœuvre des pouvoirs publics seront cependant très étroites car les profils des entreprises sont fortement différentiés. En la matière l'alternative est simple : soit les entreprises sont déjà fortement fiscalisées ; il s'agit essentiellement des activités industrielles mais elles sont par ailleurs délocalisables ; soit il s'agit de commerces et de services peu fiscalisés mais avec des profils de marges très différentiés (faibles marges pour les commerçants et fortes marges dans les services) et par ailleurs essentiels pour l'animation du tissu urbain. En la matière une logique de branche doit donc prévaloir, même si elle pourrait aboutir à complexifier un système qui devra néanmoins être opérationnel dès 2010.

Les fonctionnaires seront-ils logés à la même enseigne ?

Si la hausse des valeurs locatives cadastrales est drastique et convergente à terme avec les valeurs du privé, les fonctionnaires d'Etat comme territoriaux devraient être également impactés par la réforme. C'est en substance ce qui apparaît à la lecture de la très importante réponse ministérielle de Christine Lagarde (Question n°37843, JO 16/12/2008 p.10822, Réponse n°05/05/2009, p.4303) qui rappelle qu'en vertu des articles 1407 et 1408 du Code général des impôts, « la taxe d'habitation est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance de locaux meublés affectés à l'habitation. Tel est le cas des titulaires d'un logement de fonction, même occupé par nécessité absolue de service. »

Cependant, une telle égalité de traitement concernant les logements de fonction ne doit pas faire illusion. Si l'alignement prévaut en matière de taxe d'habitation, il n'en est pas de même concernant les autres impôts. Le projet d'amendement annoncé par le gouvernement, concernant les logements de fonction attribués pour utilité de service et pour lesquels actuellement une redevance est perçue par l'employeur (collectivités locales (art.21 de la loi n°90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes, modifié par l'article 67 de la loi du 19 février 2007) ; pour la fonction publique d'Etat, selon la loi du 1er septembre 1948), n'a pas encore été déposé par le gouvernement au sein de la loi de finances pour 2010. Il devait prévoir une sensible augmentation de ces « loyers » afin de les faire converger à terme vers ceux du privé. Selon le dernier recensement effectué par l'IGF en 2003, la valeur des redevances perçues par l'Etat était évaluée à 30 millions d'€ alors que ces logements représentaient une valeur locative de 1,4 milliard ! Et encore, ces chiffres ne concernaient que la fonction publique d'Etat représentant entre 94 000 et 137 000 fonctionnaires. De toute façon, ces derniers même en cas de réforme devraient encore y gagner notamment par l'intermédiaire des abattements offerts sur leurs loyers pour utilité de service (abattement de 5% sur la valeur locative du bien pour obligation de se loger dans les locaux concernés, 15% pour précarité de l'occupation, de 0 à 18% pour charges anormales supportées en raison de la situation personnelle).

Rien de semble prévu pour le moment concernant la fonction publique territoriale ni les 20 000 instituteurs logés gratuitement pour « nécessité absolue de service » par les communes. Par contre ces derniers doivent déclarer l'avantage en nature que constitue la mise à disposition de leur logement à titre gratuit comme un complément de rémunération. Depuis le 1er janvier 2008 chaque collectivité en tant qu'employeur a dû opter entre une évaluation sur base forfaitaire ou une évaluation en fonction de la valeur cadastrale. Nul doute donc que les bénéficiaires de l'évaluation forfaitaire sur leur IR seront avantagés par rapports aux autres… affaire à suivre.

Quel est l'intérêt de la réforme des bases locatives pour le contribuable ?

Au-delà de l'importance économique et administrative que doit représenter une remise à plat des valeurs locatives cadastrales, la réforme envisagée bénéficiera-t-elle au contribuable local ? A l'heure actuelle, il est difficile de se prononcer. On peut toutefois dégager plusieurs scénarios alternatifs :

- La vision la plus optimiste consisterait à affirmer que la réforme des valeurs locatives cadastrales devrait s'accompagner d'une simplification dans le calcul de l'impôt [6] qui permettrait au contribuable désormais d'en vérifier et d'en contester beaucoup plus facilement le montant. L'augmentation importante des valeurs cadastrales aboutirait du même coup à imposer aux collectivités locales le vote de taux d'impositions très faibles, pour amortir le « choc fiscal », et ainsi réduire leur autonomie financière [7].

- Une vision beaucoup plus sombre existe aussi, celle de la réforme en demi-teinte. Conscients des transferts très importants d'impositions induits par la réforme, les communes pourraient négocier une réévaluation partielle, contre le maintien de taux forts. Dans cette hypothèse, ce sont les contribuables solvables qui en payeraient chèrement le prix. Si des augmentations de 120% ne sont probablement pas envisageables, le report de l'effort fiscal pourrait tout de même provoquer des augmentations ponctuelles de près de 90%. Les bénéficiaires des plafonnements, exonérations et dégrèvements ne seraient bien évidemment pas touchés, faisant du même coup porter toute la charge sur les autres assujettis, et significativement les plus fragiles : couples jeunes entrant en location, personnes âgées avec des biens immobiliers valorisés mais de faibles revenus et rattrapés par le couperet de 10 ans ; les plus protégés ne seront donc pas forcément ceux que l'on croit [8] ! Dans cette hypothèse, l'assoupissement de l'administration fiscale aurait eu au moins l'avantage jusqu'à présent de permettre l'instauration d'un statu quo avec les exécutifs locaux que la réforme mettrait à mal.

- En ce qui concerne les entreprises enfin, l'effet ne sera sans doute pas plus positif. Avec la nouvelle CET, si la part des valeurs locatives s'accroît (passant à 32,4% contre 16% avec l'ancienne TP), l'effet recette éventuellement recherché par les municipalités ne sera pas nécessairement au rendez-vous puisque la CET sera, quoi qu'il arrive, plafonnée à 3% de la valeur ajoutée de l'entreprise imposée. C'est justement pour cette raison que les parlementaires ont réclamé 20% de la cotisation complémentaire aux communes et EPCI en sus de l'intégralité de la composante CLA (cotisation locale d'activité) qui leur est destinée (5,5 milliards d'€) [9].

[1] Le revenu de référence pris pour application des exonérations de taxe d'habitation est le suivant pour la première part de quotient familial : 22 481 € (métropole), 29 774 € (Guyane), 27 170 € (autres DOM), des majorations spécifiques existant pour les demi-parts additionnelles.

[2] En pratique, il est appliqué une lecture stricte du principe d'autonomie fiscale des collectivités territoriales, celles-ci se bornent à voter souverainement les taux des impôts locaux. Ces derniers étant par ailleurs très fortement encadrés par la loi, à la hausse comme à la baisse afin de conserver des effets péréquateurs importants.

[3] Dans le cas où la modification engendrerait une hausse de la valeur locative de plus de 10%.

[4] Voir Mémento-Guide financier 2008-2009, ressources des collectivités locales, Dexia Editions, p.71

[5] Ou à défaut, ce qui en dit long sur son importance, nommés d'office par le directeur des services fiscaux un mois après la mise en demeure du conseil municipal, donc à la fin du 2ème mois suivant l'élection du conseil municipal.

[6] Qui actuellement nécessite pas moins de 13 étapes distinctes, ce qui explique la faiblesse du contentieux des impôts locaux puisque rares sont les personnes qui en comprennent les arcanes.

[7] Puisque l'augmentation de la fiscalité proviendrait bien plus de l'augmentation des valeurs locatives indexées sur celles du marché (formant l'assiette) que de la détermination des taux d'imposition. La réduction de leur autonomie financière ne serait que la conséquence de leur actuelle irresponsabilité relative. A notre avis une forte autonomie financière nécessite une forte responsabilité financière à due concurrence, induisant de fait une péréquation plus faible.

[8] En effet les titulaires de logements HLM ne seront vraissemblablement pas ou peu impactés par la mesure, or nombre de détenteurs de ces logements sont clairement au-dessus des normes exigibles pour en bénéficier et devraient donc quitter les lieux. D'ailleurs parmi ces résidents on trouve beaucoup de fonctionnaires, toutes fonctions publiques confondues. D'où là encore une certaine rupture d'égalité devant les charges locales à raison des véritables capacités contributives.

[9] C'est en outre pour contourner cet écueil qu'un amendement Laffineur a été adopté le 21 octobre 2009 en commission des finances à l'Assemblée nationale mais a été heureusement repoussé en séance par le gouvernement : il proposait d'abaisser le seuil de déclenchement de la cotisation complémentaire (CC) composante de la CET à 152 000 € au lieu des 500 000 € prévus. L'argument des parlementaires étant qu'avec un seuil fixé à 500 000 €, seulement 10% des entreprises paieraient la CC.