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A Paris, l'eau n'aura plus de prix

A Paris, l'accès à l'eau potable ne pose aucun problème technique. La qualité de l'eau fournie aux parisiens est excellente. Et pour la quantité, c'est le trop plein. La ressource est stable et les ventes ne cessent de baisser. Malgré une légère augmentation du nombre d'habitants, la consommation a diminué de 20 % en 20 ans et la tendance se poursuit [1]. Particuliers et industriels sont plus attentifs à leur consommation, les appareils électroménagers plus économes et les fuites dans les réseaux publics et privés mieux surveillées.

Evaluer le prix de l'eau

Reste le problème du prix du m³. Il a beaucoup augmenté depuis 20 ans pour de nombreuses raisons, y compris la baisse de la consommation, les taxes et les sévères normes de qualité imposées par l'Etat. Les comparaisons avec le prix de l'eau dans d'autres grandes villes françaises ou étrangères sont malheureusement difficiles, les conditions d'accès à l'eau étant variables selon les lieux. Nappes phréatiques, sources et fleuves peuvent être plus ou moins accessibles et fournir des eaux de qualités très différentes. Le prix de l'eau à Paris est-il excessif ? Pour le savoir, il existe une méthode, et même une seule méthode : l'appel à la concurrence.

A Paris justement, le moment est favorable puisque les contrats de la ville avec les entreprises privées de distribution d'eau arrivent à échéance en 2010. Une occasion de remettre les marchés en jeu auprès de tous les opérateurs, français et étrangers. La décision de la Mairie de municipaliser ce service court-circuite cette procédure : on ne saura plus jamais quel serait le juste prix de l'eau à Paris.

Se recentrer sur son métier

Si les entreprises du secteur privé et certaines administrations ont décidé de se concentrer sur leurs métiers et renoncé à faire ce qu'elles ne savent pas faire, elles ont de bonnes raisons. La première est qu'il est impossible de bien gérer ce qu'on ne comprend pas. A la Mairie de Paris, le nouveau "Président" de l'Eau de Paris, sera un élu, de passage dans ce poste, et dont la connaissance du métier sera faible. La seconde concerne les salariés. Mutés des entreprises privées à l'Eau de Paris leurs perspectives de carrière seront brutalement réduites. Les plus entreprenants pouvaient espérer aller installer un réseau d'eau potable en Chine ou être promus dans une autre usine française du groupe. Ils quitteront la Régie municipale ou se résigneront.

Enfin, "à chacun son métier". La gestion de l'eau d'une grande ville est complexe et évolue très vite. Coupée de la structure de recherche et de formation de leur entreprise, et de l'expérience de collègues faisant le même métier, la compétence de la Régie municipale s'évaporera rapidement.

Affaiblir nos entreprises

Dans le domaine des transports, la RATP s'est rendu compte que pour atteindre une taille critique, améliorer sa compétence, vérifier sa compétitivité et attirer des salariés de talent, elle devait créer des filiales en province et à l'étranger. On ne sait pas si Eau de Paris envisage de faire la même chose. Sans doute pas, et son existence aura comme autre conséquence d'affaiblir les entreprises françaises de gestion de l'eau. Une de nos trop rares expertises à l'export.

Pourquoi cette municipalisation ?

D'après L'Expansion, la mairie admet que sa réforme ne fera pas baisser le prix de l'eau. Mais le Maire avait promis cette municipalisation à ses alliés et l'administration a du mal à résister à la tentation d'étendre son pouvoir. Pour se justifier, la Mairie invoque "l'importance particulière de l'eau pour la vie". Espérons qu'avec ce principe, elle ne va pas se lancer dans la production d'électricité ou dans l'agriculture.

Après cette réforme, le prix de l'eau sera-t-il à son optimum à Paris ? On ne le saura plus jusqu'à ce que la concession soit de nouveau ouverte à la concurrence. En général, cela arrive quand, faute d'investissement et de compétence, le réseau d'eau est très dégradé. Les Mairies ont besoin de recruter des acheteurs compétents pour faire faire de façon efficace, pas de tout faire par elles-mêmes.

[1] Source CREDOC, avril 2006