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Les certificats d'économie d'énergie ou comment naissent les bureaucraties ?

L'exemple avec EDF électricité

L'insistance des fournisseurs d'énergie à venir à domicile faire un diagnostic gratuit surprend, voire inquiète tous leurs clients. Cette soudaine sollicitude trouve sa cause dans le programme pré-Grenelle d'économie d'énergie de 2005. Pour conduire les fournisseurs d'énergie, les professionnels du secteur et les clients finaux à réduire la consommation, la méthode retenue est complexe, une sorte de coup de billard à trois bandes.

La société EDF électricité est prise ici comme exemple, mais la même mécanique est appliquée au gaz et au fuel. Son application aux autres énergies (essence, charbon, bois) est en préparation.

1ère méthode : les tickets de rationnement

Définition des kilowattheures cumulés actualisés (kWh cumac)

Les kWh cumac sont des kWh économisés durant la durée de vie conventionnelle fixée d'un équipement, corrigés d'un coefficient d'actualisation annuel de 4 %. Ainsi, un congélateur de classe A +, permettant d'économiser 50 kWh par an pendant une durée de vie de dix ans, se verra attribuer 420 kWh cumac.

Pour réduire la consommation d'électricité, la méthode la plus simple aurait été d'imposer à chaque consommateur une baisse de 10 % de sa consommation sur cinq ans. Dans un premier temps, les contrevenants auraient été sanctionnés, par une amende, pour chaque kWh en excès ; dans un second temps, un compteur limitant automatiquement la consommation aurait été installé. Des quotas gratuits seraient attribués aux jeunes qui s'installent et aux familles qui s'agrandissent, mais les quotas seraient réduits dans les situations inverses. Un marché des quotas (officiel ou au noir) se serait sans doute créé. Heureusement, cette méthode autoritaire n'a pas été retenue, pour le moment.

2e méthode : les enchères

Une autre méthode directe aurait été d'imposer à EDF et ses concurrents de réduire leurs ventes de 10 % sur cinq ans. Libre à eux d'appliquer la baisse comme ils le souhaiteraient, probablement en vendant les kWh aux plus offrants. Cette méthode est difficile à appliquer dans une phase d'ouverture à la concurrence d'EDF, où les nouveaux entrants travaillent au contraire à augmenter leurs ventes. Heureusement, les Français ne la supporteraient pas.

3e méthode : la bureaucratie

La méthode choisie est une variante de la précédente. Aucune limite n'est imposée à la quantité d'énergie vendue, mais les fournisseurs doivent montrer qu'ils ont encouragé leurs clients à l'économiser. Dans de nombreux cas, il ne s'agira pas de mesurer une baisse de la consommation, mais d'évaluer une moindre hausse. Sur la période 2006-2009, c'est 54 TWh cumac (0,2 % de la consommation nationale) qui devront avoir été « théoriquement économisés ». Il n'est déjà pas facile pour un vendeur de plaider auprès de ses clients pour qu'ils réduisent leurs commandes, mais mesurer chez des dizaines de millions de clients combien chacun a réalisé d'économie virtuelle d'énergie tient du casse-tête. La solution ne pouvait être que bureaucratique.

Le principe : distribution de bons points

Les fournisseurs ne sont donc pas jugés sur les résultats mais sur les efforts qu'ils ont mis en oeuvre.
Pour remplir son contrat, chaque vendeur d'énergie doit collecter un nombre de « bons points » ou certificats d'économie d'énergie (CEE) qui lui sont attribués suivant le principe développé dans le tableau suivant.

L'attribution des certificats d'économie d'énergie
Exemple d'actions homologuéesCertificats d'économie d'énergie
Une chaudière à condensation installée 3
Un robinet thermostatique 0,5
Un grenier isolé 2
Un diagnostic gratuit chez un particulier 1
Un jour de formation isolation d'un artisan 2
Deux jours de conseil à un organisme HLM 5

La pratique : gestion des CEE

Une entreprise comme EDF risque une pénalité de 600 millions d'euros si elle ne remplit pas son objectif. La définition et le suivi des CEE par l'Administration doivent donc être faits de façon rigoureuse.

- Dans un premier temps, un décret du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie répartit les économies à faire entre les différentes énergies puis entre les différents fournisseurs [1].
- Il faut ensuite décider quelles actions donneront droit à des certificats d'économie d'énergie. Pour chaque proposition, un vendeur doit déposer un dossier au ministère de l'Équipement qui l'étudie et décide de sa recevabilité. Exemples : isolation des combles et de la toiture, éclairage basse consommation.
- Une fois la proposition acceptée, le ministère la transforme en « fiche » générique, utilisable par tous les intervenants. Ce document précise la quantité de kWh cumac attribuée, variable suivant les caractéristiques de l'action, de la région et du type d'énergie utilisée. Fin 2008, 254 dossiers avaient été déposés et 183 fiches publiées. En plus de ces opérations standardisées, les intéressés peuvent aussi proposer des opérations spécifiques.
- Les collectivités locales et les entreprises peuvent également gagner des CEE par des actions prises de leur propre initiative et les revendre aux fournisseurs d'énergie qui n'auraient pas atteint leurs objectifs. Une bourse des CEE a été créée.
- L'étape suivante est de recenser les centaines de milliers de demandes de CEE déposées par les différents acteurs (fournisseurs d'énergie et installateurs) après chacune de leurs applications sur le terrain. Un Registre national des certificats d'économies d'énergie a été créé. Moyennant finance, il est possible de se faire ouvrir un compte sur ce registre et d'y faire inscrire le montant des différents certificats obtenus.
- Dans chaque région, la Drire (Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement) est responsable de vérifier l'exactitude des déclarations faites par ceux qui réclament l'attribution de CEE : fournisseurs d'énergie, opérateurs sur le terrain, particuliers, collectivités locales et entreprises. Tous les documents, commerciaux, techniques, financiers et comptables doivent être conservés pendant neuf ans par les demandeurs de CEE.

Si on additionne l'énergie humaine et les GWh consommés dans le secteur privé à ceux dépensés par l'Administration, l'efficacité de la procédure des CEE est très faible.

La campagne actuelle des CEE aura duré trois ans et se terminera le 1er juillet 2009. Au moment où la Révision Générale des Politiques Publiques travaille à optimiser les actions des administrations, il serait illogique de laisser se développer des activités aussi parasitaires. Si le programme devait continuer, la procédure des certificats d'économie d'énergie devrait être revue de fond en comble, d'autant plus que l'objectif d'économie serait multiplié par 14 à 18.

Comment demander vos certificats d'économie d'énergie

Arrêté du 19 juin 2006 du ministre délégué à l'Industrie fixant la liste des pièces d'un dossier de demande de certificats d'économies d'énergie.

Article 1 :
La liste des pièces d'un dossier de demande de certificats d'économies d'énergie est la suivante :

- si le demandeur est une personne physique, ses nom, prénom et domicile ou si le demandeur est une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ou du lieu d'exercice de son activité et la qualité du signataire de la demande ;
- une copie datant de moins de trois mois de l'extrait d'immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (extrait K bis) ou au répertoire des métiers, ou tout document équivalent permettant de déterminer l'activité principale exercée (code NAF) ;
- un descriptif de l'action et pour les personnes autres que celles soumises à obligation ou que les collectivités publiques la démonstration que l'action n'entre pas dans le champ de leur activité principale et qu'elle n'induit pas pour le demandeur de recettes directes ;
- une présentation des documents détenus par le demandeur qui permettent de justifier de la réalisation effective de l'action et le, ou les lieux, où les documents peuvent être consultés ; ces documents sont conservés par tout moyen ;
- la date d'engagement et de fin de réalisation de l'action ;
- le montant des certificats demandés, exprimés en kWh d'énergie finale, avec :
- pour les opérations standardisées définies par l'arrêté du 19 juin 2006 susvisé, leur référence ;
- dans les autres cas, la présentation des hypothèses et des calculs effectués pour déterminer le montant de certificats demandé ;
- dans le cas d'action sur les propres biens du demandeur, le calcul démontrant que les économies réalisées ne compensent l'investissement effectué qu'après plus de trois ans ;
- dans tous les cas, un tableau récapitulatif du nombre d'opérations réalisées, par référence pour les opérations standardisées et par département ;
- Dans le cas d'une action susceptible d'être invoquée par plusieurs personnes, copie de la convention conclue entre elles fixant la répartition des certificats et, dans le cas contraire, l'attestation par le demandeur qu'il est seul à pouvoir invoquer l'action. Lorsqu'il existe une convention, chaque personne, partie à la convention, doit fournir les pièces 1 et 2 susvisées.

[1] La liste comporte 2 500 entreprises allant d'EDF et ses 30 milliards de kWh d'obligations à la SA Marcel Bailly et ses 300 kWh.