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EDF face à la concurrence

Fera-t-elle aussi bien que France Télécom ?

Une fois exposée à la concurrence, France Télécom a réussi à servir deux marchés entièrement nouveaux (Internet et téléphonie mobile) et 2 fois plus de clients, avec 30% de personnel en moins. Où en est EDF ? Premier producteur européen d'électricité, EDF, à la fois constructeur et opérateur de centrales nucléaires, disposant de centrales hydrauliques, au charbon, au fuel et au gaz, semble tenir une situation inexpugnable.

EDF à l'abri d'un triple rempart

Malgré tous ces atouts, EDF a réussi, avec la complicité des responsables politiques, à s'abriter de la concurrence derrière 3 lignes de défense. D'abord, en retardant aussi longtemps que possible l'ouverture du marché français de l'électricité. Débutée en 1999, elle a été très progressive et n'est applicable aux particuliers que depuis le 1er juillet 2007. D'après la Commission de régulation de l'énergie, environ 400 000 sites de clients industriels et professionnels et environ 300 000 consommateurs individuels sont alimentés par des fournisseurs alternatifs. En termes de nombre de sites, les fournisseurs alternatifs en servent 6%. En termes de consommation, ils en fournissent 13%.

Second rempart, le contrôle des prix de l'électricité par l'État en fonction de critères politiques protège efficacement l'opérateur historique. Ces « tarifs électriques réglementés » par l'État, auxquels le client ne pourra plus revenir s'il les quitte, perturbent le marché. Les clients et les nouveaux fournisseurs sont amenés à prendre des décisions dans le flou : comment prédire à quel niveau l'État fixera les prix administrés ?

Enfin, troisième obstacle au développement de la concurrence : l'obligation imposée aux nouveaux entrants d'embaucher leur personnel sous le même statut qu'EDF (le régime industrie électrique et gazière), notamment pour le système de retraite beaucoup plus avantageux que le régime général et pour le fameux Comité d'entreprise, financé par 1% des revenus des entreprises. Dix ans après l'ouverture à la concurrence, France Télécom ne possède plus que 50% du marché des télécommunications. Bien à l'abri, EDF en contrôle encore la quasi-totalité.

Le drame d'EDF : la consommation stagne

Si le marché des télécommunications progresse très rapidement, à l'opposé, la production et la consommation d'électricité en France n'augmentent plus que de 1% par an en moyenne, contre 10% par an pendant les « Trente Glorieuses ». Les prévisions du gestionnaire du Réseau de transport d'électricité tablent même sur une croissance entre 0,3 à 0,6% dès 2015 en fonction des diverses politiques d'économies d'énergie. Malgré les exportations vers d'autres pays européens d'environ 10% de l'électricité produite en France, le chiffre d'affaires en France n'a augmenté que de 15%, soit moins que l'inflation (18%) sur la période 1997- 2007. En euros constants, les ventes ont en réalité baissé.

Pour une entreprise de la taille d'EDF, une baisse durable de chiffre d'affaires est dramatique, de nombreux coûts augmentant automatiquement d'année en année. Dans cette situation, les salariés d'EDF ne peuvent attendre l'augmentation habituelle de leur pouvoir d'achat que d'une amélioration de la productivité et d'une réduction régulière des effectifs. Cette réduction de 1 à 2% par an réalisée par EDF en France constitue un minimum très inférieur à ce que font d'autres entreprises dans une situation comparable.

Redresser la rentabilité

Pendant des décennies, le bénéfice d'EDF a été minime en regard des capitaux engagés et du dynamisme de son domaine d'activité. Cette situation était choquante. EDF ne contribuait pas comme elle l'aurait dû au budget de l'État par son impôt sur les sociétés et ses dividendes. La gestion était d'abord faite au profit des salariés et des retraités d'EDF. Depuis 2003 et le plan stratégique « Performance » mis en place par François Roussely pour s'adapter à l'ouverture à la concurrence, la situation s'est améliorée.

EDF : l'élève moyen du trio France Télécom, EDF, SNCF

En quasi-faillite en 2002 après des acquisitions ruineuses, confrontée à une concurrence frontale, menacée de disparaître, France Télécom s'est restructurée de fond en comble en six ans, a baissé ses effectifs d'un tiers et a largement changé de métier. EDF très protégée de la concurrence, se réforme doucement. Sa diversification dans le gaz est récente : 200 000 nouveaux clients dans ce domaine, encore très loin des dizaines de millions de clients de France Télécom dans le mobile et Internet. Face à un marché stagnant et une part de marché qui ne peut que baisser, la réduction des effectifs devra se poursuivre en attendant de nouveaux débouchés : l'avènement éventuel de la voiture électrique et la fin du pétrole et du gaz.

Comme France Télécom, EDF s'est aussi internationalisée. Ses récentes acquisitions confirment que son avenir est à l'étranger, en Europe continentale, au Royaume-Uni et aux États-Unis. En 2008 la SNCF, ne survit toujours que grâce aux 12 milliards d'euros de subventions par an fournis par l'État. Les grèves à répétition montrent que, faute d'ouverture claire du marché à la concurrence, cette entreprise n'a pas encore entrepris sa révolution culturelle.

France Télécom, EDF, SNCF trois cas très différents, mais des entreprises publiques où l'arrivée de concurrents a mis en évidence des sureffectifs considérables et une sous-productivité importante. Les consommateurs, les contribuables et à terme, les salariés de ces entreprises, peuvent remercier la Commission de Bruxelles d'avoir contraint nos responsables politiques à ouvrir ces secteurs à la concurrence ; il lui reste encore beaucoup à faire !

Prévisions de consommation en énergie annuelle [1] et taux de croissance
20002010201520202000-20102010-20152015-2020
Scénario R1 (TWh) 451 520 544 561 1,4 % 0,9 % 0,6 %
Scénario R2 (TWh) 451 513 536 550 1,3 % 0,9 % 0,5 %
Scénario R3 (TWh) 451 503 519 527 1,1 % 0,6 % 0,3 %
19971998199920002001200220032004200520062007
Consommation électricité en Twh 410 423 430 440 448 449 467 478 481 476 480
Chiffre d'affaires EDF France en Mds € 28 28,2 28,2 28,3 28,7 28,9 28,6 29,5 30,8 31,9 32,3
En millions d'euros199920002001200220032004200520062007
Résultat après impôts, participation des salariés et dotations aux amortissements et provisions 694 327 881 -1075 469 902 3522 6055 4934
Nombre de salariés d'EDF SA
AnnéeEffectif moyen
2000 114 144
2001 113 827
2002 110 806
2003 107 761
2004 106 718
2005 102 916
2006 101 026
2007 99 904
Objectif 2010 95 000
Ouverture à la concurrenceÉligibilité
1999 Sites > 100 GWh
2000 Sites > 16 GWh
2003 Sites > 7 GWh
2004 Toutes entreprises et collectivités locales
2007 Tous les consommateurs
Nombre de consommateursPart dans la consommation totale
Gros usages industriels 600 24 %
Autres usages industriels 400 000 37 %
Usages professionnels 4 000 000 7 %
Usages domestiques 32 000 000 32 %

[1] Consommation totale, pertes réseau incluses.