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Coût en 2025 de la réduction de la part d'électricité d'origine nucléaire de 75 à 50%

Notre étude La France face aux choix énergétiques, qui avait fait l'objet d'une tribune dans le journal Les Echos concluait que réduire la part du nucléaire de 75 à 50%, comme cela a été annoncé par le gouvernement, pour augmenter la part de l'énergie renouvelable, conduirait à une augmentation de la facture de 30 milliards d'euros par an pour le consommateur. Suite à plusieurs réactions, nous publions ici notre méthode de calcul :

Hypothèses 2025

  1. La part du nucléaire dans la production d'électricité sera réduite de 75 à 50%. C'est l'hypothèse du gouvernement.
  2. La production d'électricité, 550 Térawattheure en 2012, atteindra 616 Twh (+1% par an).
  3. Les nouvelles énergies renouvelables resteront prioritaires (i.e. EDF aura une obligation d'achat de toute leur production au prix fixé par l'État).
  4. Le parc de voitures électriques sera marginal. Sinon, la consommation d'électricité augmenterait encore plus.
  5. 25% d'énergie nucléaire seront remplacés par de nouvelles énergies renouvelables : éolien terrestre et marin, photovoltaïque, hydrolien, biomasse.
  6. Les centrales produisant ces énergies renouvelables, les réseaux d'interconnection nécessaires et les centrales à gaz de secours seront opérationnels. C'est peu probable. Les délais administratifs, sociétaux et techniques sont longs.

Calcul du surcoût annuel en 2025

En 2012, la production d'électricité était assurée à 75% par des centrales nucléaires et à 12% par des centrales hydrauliques (total 87%).

En 2025, après avoir ramené la proportion du nucléaire de 75 à 50%, l'objectif est : 50% nucléaire, 12% hydraulique, 28% nouvelles énergies renouvelables et 10% autres, dont fossiles.

Prix d'achat en eeuros du Megawatheure (Mwh) par EDF aux différents producteurs

FillièresÉvaluation ADEME (rapport Cour des comptes)Tarif français (site du ministère)Résultat appel d'offres
Solaire thermique 195-689 - -
Solaire photovoltaïque 114-547 117 à 425 -
Solaire thermodynamique 94-194 - -
Éolien en mer 87-116 130 220
Éolien terrestre 62-102 82 -
Méthanisation 61-241 112-136,6 -
Biomasse 50-127 121-169 -
Géothermie 50-127 200-208 -
Hydrolien - 150 143 + soulte

Note 1 : La plupart de ces tarifs sont indexés sur un indice incluant le coût du travail. Le tarif de l'éolien terrestre fixé à 82 euros en 2008, est de 90 euros en 2014.

Note 2 : Ces tarifs étant valables de 10 à 20 ans, l'impact des centrales déjà construites ou en cours de construction sera encore effectif en 2025 et au-delà. A court et moyen terme, seuls les prix les plus élevés du solaire devraient baisser de façon significative pour les nouvelles centrales. Comme la Cour des comptes l'a signalé, ces tarifs ne prennent pas en compte les diverses subventions attribuées par l'ADEME et les collectivités locales, ni les avantages fiscaux recensés par la Cour.

Note 3 : Le coût de production moyen des centrales nucléaires françaises est dans la fourchette de 40 à 50 euros. Les centrales nucléaires existantes nécessitent des travaux importants mais leur construction est de plus en plus financièrement amortie.

Méthode de calcul

A court et moyen terme (vingt ans), la quantité de biomasse et de sites hydroélectriques disponibles étant limitée, l'éolien et le photovoltaïque sont les seules énergies renouvelables (hors-nucléaire) dont la production peut être importante. D'après le rapport de la Cour des comptes de juillet 2013 [1], en 2012, pour une production de 19 Twh (3,4% de la production totale d'électricité [2]) le surcoût dû à l'éolien terrestre et au photovoltaïque a été de 2,03 milliards d'euros.

En 2025, les énergies renouvelables devraient en plus remplacer les 25% d'énergie nucléaire qui auront disparu, soit un total de 28,4% de la production totale des 616 Twh, c'est-à-dire 175 Twh.

  • En extrapolant la donnée actuelle, le surcoût de base sera, en 2025, de : 2,03 Milliards d'euros x (175/19) = 18,7 milliards d'euros.
  • L'introduction de sources dispersées d'énergie aléatoire dans un réseau nécessite des modifications profondes de sa structure et de sa gestion, et le maintien en état de fonctionnement de centrales de secours (généralement au gaz). Le Postdam Institute for Climate Impact (PIC, organisme reconnu) a étudié ce sujet et publié des tables [3] indiquant le surcoût par Mwh, en fonction du pourcentage d'éolien injecté dans le réseau. Jusqu'à 5%, il est très faible mais croît ensuite rapidement. Pour 28,4% le surcoût est d'environ 45 euros par Mwh d'éolien produit, soit 7,9 milliards d'euros par an (175 Twh x 45 €/Mwh).

Au total, le surcoût sera donc de 18,7 + 7,9 milliards, soit 26,6 milliards, arrondi à 30 milliards d'euros par an.

Commentaires

  • L'étude du PIC ne traite que du cas où une seule énergie aléatoire est introduite dans le réseau (éolien). On peut estimer qu'une variété de types d'énergie est favorable à la production (quand il n'y a pas de vent, il y a peut-être du soleil). Il est par contre probable que la gestion du réseau sera rendue plus complexe.
  • Le mix français des énergies renouvelables à venir est inconnu. Les consommateurs vont continuer à payer pour les excès du photovoltaïque, et cette technologie n'est pas abandonnée. L'éolien terrestre est parmi les moins coûteux mais rencontre de sérieuses difficultés avec les populations et est très dispersé donc pénalise le réseau. L'éolien marin est mieux accepté et très encouragé par les gouvernements pour des raisons industrielles, mais sa production est très coûteuse (220 euros par Mwh contre 45 pour le nucléaire).
  • L'extrapolation ci-dessus est basée sur des chiffres récents, 2012, et portant sur des productions d'environ 11% de celle prévue en 2025 : 1% d'énergie aléatoire coûterait 1 milliard d'euros aux consommateurs. Un peu moins tant que cela ne pose pas de problème de gestion au réseau.
  • Le coût actuel de la transition en Allemagne, 24 milliards d'euros par an, conforte l'évaluation ci-dessus. La production d'électricité d'origine renouvelable y est d'environ 25% (hydroélectricité comprise), et la production de 7 réacteurs nucléaires sur 17 a été remplacée par des énergies renouvelables coûteuses (éolien et photovoltaïque) mais aussi par des énergies fossiles peu coûteuses (charbon, lignite, gaz).
  • Cette méthode de calcul par extrapolation des surcoûts actuels fournit une première évaluation. L'iFRAP travaille sur une approche directe des coûts qui permettrait de mieux comprendre les enjeux et d'affiner les chiffres dès que le mix énergétique des renouvelables décidé par l'État sera connu.

[1] Rapport Cour des comptes, page 90

[2] Rapport Commission de régulation de l'énergie, (CRE), annexe 1, page 6/21

[3] Données disponibles dans le rapport "Eye on the market" de JP Morgan du 28/11/2013