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Témoignage d'un Conseiller Prud'homal du collège employeur

Autodidacte, ancien président d'un syndicat régional de la CFECGC, ancien DRH d'un établissement de 2000 salariés après être passé par toute la hiérarchie de production dans plusieurs entreprises, d'ouvrier à chef de fabrication, retraité depuis 6 ans, un de nos lecteurs, actuellement président de la section industrie de son Conseil de Prud'hommes, témoigne de son expérience. Bertrand Nouel, chargé d'études à l'iFRAP, lui répond ensuite sous la forme d'une réaction.

Témoignage :

Vous avez sans doute raison sur le peu de compétences juridiques des Conseillers Prud'hommes, mais j'insisterai particulièrement sur celles des Conseillers Employeurs, car les Conseillers Ouvriers sont beaucoup mieux formés que ceux-ci. Finalement, ceux qui « tiennent le mieux la route » sont les DRH (anciens ou en activité), car le droit du travail fait partie de leurs compétences mises en œuvre dans les entreprises.

Je sais bien que les employeurs ne les aiment pas car ils les perçoivent du côté ouvrier pour avoir été salariés… (Souvent les Conseillers Ouvriers me disent que je suis plus patron que les patrons). Mais puis-je vous rappeler que de nombreux "employeurs" sont aussi des salariés ?

Le problème vient surtout de la compétence juridique des Employeurs (et parfois de leurs Conseils) qui, sur des dossiers contentieux où le « fond » est en leur faveur, perdent leurs procès à cause de nombreuses erreurs de procédures (licenciements pour faute avec preuves inexistantes, pas d'avertissements écrits avant le licenciement etc... Bref ils confondent leur « bon droit » avec le DROIT.

À cet effet allez dans la rubrique droit du travail et relations sociales de mon site Internet (Il n'est pas à jour du nouveau Code du Travail).

Pour préciser mes allégations :

  1. Nous gagnons environ 6 dossiers sur 10, mais la plupart de ces dossiers vont en « appel » et sont requalifiés à plus de 50% par une Cour d'appel « très sociale ». C'est désespérant... Personnellement, je suis allé devant le juge départiteur 7 fois, et obtenu raison sur 5 dossiers… Il faut dire que le principe de l'appel est assez inique dans la mesure où le dossier présenté peut être différent dans la forme, de celui qui a été défendu devant les Prud'hommes, et apporter de nouveau éléments au fond, ce qui se traduit dans les faits par un nouveau procès et non pas un appel du jugement Prud'homal, tel qu'il a été délibéré.
  2. Nous avons également un très gros souci avec certains avocats patronaux qui feraient mieux de changer de métier, ou du moins devraient être mieux choisis par les Employeurs (les relations ne sont pas forcément les plus compétentes en droit du travail). De plus, les jugements sont trop souvent « renvoyés » plusieurs fois, beaucoup plus à la demande des avocats qu'à celle des délégués syndicaux « Conseillers des salariés » (les pauvres, leurs dossiers ne sont pas « en l'état »…). Et pendant ce temps le compteur (financier) tourne. Vous en tirerez les conclusions que vous voulez…
  3. Je ne peux m'empêcher de remarquer que lorsque nous "gagnons" un dossier, l'Employeur pense un peu trop souvent que c'est forcément parce que son dossier « était bon » (ce qui est sans doute vrai), mais que lorsque nous perdons, il est persuadé (au nom de son bon droit) que son dossier « était bon » mais que les Conseillers Employeurs n'ont pas fait correctement leur travail (ça peut aussi arriver…).

Je ne reconduis pas ma candidature aux prochaines élections : Pourquoi ?

- Parce que nous avons des dossiers de plus en plus « pourris » sur le fond, aussi bien par la faute des employeurs (qui ne prennent conseil que lorsqu'ils sont devant les Prud'hommes), que celle des salariés (qui pensent que les Prud'hommes ça ne coûte pas cher et que ça peut rapporter gros !).
- Parce que les employeurs ne sont pas motivés :
- Pour les prochaines élections, la chambre patronale a routé 500 invitations aux employeurs pour une rencontre avec les conseillers en activité afin de susciter des candidatures. 4 personnes seulement ont répondu à cette invitation, la rencontre a été annulée.

- 1 mois après la chambre patronale a lancé une seconde invitation : 3 réponses et annulation de cette seconde rencontre… Alors vous comprendrez que ça ne m'intéresse plus. On ne peut protéger les gens contre eux-mêmes et les défendre de force.

Je pars un peu désabusé mais sans rancœur, avec le sentiment d'avoir rempli correctement ma mission, mais persuadé que les Prud'hommes arrivent au terme de leur longue existence.

Dommage, c'est le seul tribunal où les juges détiennent leur légitimité du peuple et dans lequel le paritarisme fonctionne, somme toute, assez bien.

Mais la meilleure solution consiste encore à faire correctement le travail en amont afin de ne pas aller devant les Prud'hommes. (Ce n'est pas - bien sûr - toujours possible, mais beaucoup de procès pourraient être évités en prenant un peu de recul et davantage de précautions procédurales).