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SNCF / RFF : trop proches pour être rigoureux et transparents

Il arrive au bricoleur de devoir retourner au magasin parce que l'objet, tuyau ou planche qu‘il a acheté, est trop court ou trop long. Mais une commande géante faite par la SNCF de 341 nouveaux trains express régionaux pour 14 milliards d'euros, ça se prépare pendant des années et devrait se conclure par des milliers de pages de spécifications minutieuses. Sans doute pas quand cela se passe entre vieux complices…

D'après ce qu'on sait, les deux fournisseurs de ces TER ont rempli leurs contrats : les trains Alstom et Bombardier sont conformes à ce qui avait été convenu. Si la modification des quais n'a pas été prévue, le problème vient donc de l'acheteur, la SNCF.

Une contrainte de routine

La SNCF possède une très longue expérience et connaît bien ce problème potentiel. En Île–de- France l'introduction des nouveaux trains Franciliens Z 50000 à partir de 2009 avait nécessité l'adaptation des quais de nombreuses gares, en hauteur et en largeur. On en a peu parlé, soit parce que cela avait été correctement anticipé, soit parce que le Canard enchainé n'avait pas été alerté.

Qui est responsable ?

En tant qu'acheteur, la SNCF est de toute manière responsable de ce dysfonctionnement, il aurait dû vérifier. Mais il serait intéressant de connaître les précautions qu'elle avait prises avant de passer commande. A-t-elle posé la question à son fournisseur d'infrastructure, RFF (Réseau Ferré de France), ou à ses clients, les Régions ? Cela a-t-il été fait de façon formelle ? ou autour de la machine à café ? Ou bien la SNCF s'est-elle seulement fiée à son sentiment ? Vu la proximité actuelle entre la SNCF et RFF, il est probable qu'on ne connaitra jamais qui est responsable de cette bavure, d'autant plus que cette connivence menace de se transformer en dépendance dans les prochains mois. Le président actuel de RFF se trouvera bientôt sous les ordres du président actuel de la SNCF.

Des réactions étonnantes

  • Pas d'augmentation du prix des billets Jacques Rapoport, président de RFF, reconnaît que les travaux sur les quais n'avaient pas été anticipés, mais assure qu' "il n'y aura aucun impact sur le prix du billet, et je m'en porte garant". Une affirmation étrange de sa part puisque c'est la SNCF qui fixe le prix des billets, et choquante de la part du président de structures dont la dette augmente de plus d'un milliard d'euros par an, après avoir perçu douze milliards de subventions et d'aides diverses : si les clients ne sont pas mis à contribution, les contribuables le seront.

Alain Rousset, président de la région Aquitaine, et de l'association des Régions de France, a aussi demandé « Qui va payer ? » et affirmé que "les collectivités régionales refuseront de verser un seul centime sur cette réparation". Une attitude de principe qui traduit la mauvaise humeur générale des régions vis-à-vis de la SNCF, mais sans conséquence : les Français vont tous payer.

  • Fusionner RFF et SNCF Sans chercher comment ce problème a pu se produire, le secrétaire d'État aux Transports, Frédéric Cuvillier, a cherché à tirer parti de "ce dysfonctionnement, de cette situation "rocambolesque et comiquement dramatique" pour tenter de justifier le regroupement de RFF et SNCF en un grand groupe public. Une réforme prévue depuis des années qui pourrait aboutir cet été. Un changement qui ne pourra qu'aggraver l'opacité du système : il sera encore plus difficile de savoir ce qui se passe dans ce nouveau mammouth quand RFF et SNCF seront réunis. Il est étrange que les responsables politiques semblent oublier pourquoi ils les ont séparés : réseau laissé en déshérence par cinquante années de gestion SNCF, coût d'entretien excessif, nécessité, en vue de l'ouverture du ferroviaire à la concurrence, d'un service équitable entre la SNCF et les nouveaux entrants.

Un rêve pour la SNCF, un cauchemar pour les Français

Fusionner SNCF et RFF, c'est comme confier à Air France les aéroports français plus le contrôle aérien.

  • Qui est responsable Heureusement, le premier secrétaire du Parti Socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, s'est écrié : "C'est proprement hallucinant. Je pense que la responsabilité des dirigeants est engagée". Une question sans réponse.

Conclusion

Dans tous les domaines, les clients et les fournisseurs signent des contrats précis qui permettent de connaître exactement ce que chacun attend de l'autre. Les réacteurs des A-380 ne sont pas produits par Airbus, mais par la Rolls Royce, et les alternateurs qui équipent les centrales nucléaires ne sont pas fabriqués par EDF mais par Alstom. Grâce à cela, ces composants très délicats s'emboîtent parfaitement, parce que les spécifications ont été minutieusement écrites, analysées et approuvées. Et quand un problème se produit, on peut savoir d'où il vient.

L'idée que la situation du système ferroviaire sera plus simple quand ses différents composants seront intégrés est illusoire : il sera plus facile pour les responsables de SNCF-RFF de se laisser tenter par des « raccourcis » dans les procédures, et de dissimuler les problèmes vis-à-vis de l'extérieur. Mais les dérives de coûts, de délais et de problèmes techniques seront encore plus sévères quand elles se révèleront.