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Travail des seniors

un instant de démagogie 40 ans de problèmes

Irresponsabilité des entreprises, paresse ou sagesse de nos concitoyens, tout a été invoqué pour expliquer le faible taux d'activité des seniors français. Pourtant, la cause semble évidente et connue depuis longtemps.

Depuis 1993, depuis que cette situation a cessé d'être considérée comme une chance mais est vue comme un handicap, experts et commissions se sont penchés sur ce problème. Sans résultat. En un seul diagramme, Yves Guégano, secrétaire général du Conseil d'orientation des retraites, démontre que la cause de notre problème est connue et depuis longtemps. [1]

Comparée aux pays les plus sociodémocrates (ex. : Suède) ou les plus libéraux (ex. : Royaume-Uni), la France est dans une situation très particulière, avec un taux d'activité des seniors très faible, mais cette évolution est récente.

Les courbes ci-dessous montrent que c'est bien le passage de l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans en 1981-1982 qui est la cause majeure de l'effondrement du taux de l'emploi des 55-64 ans.

Tous les autres remèdes appliqués en France, campagnes publicitaires en faveur de l'emploi des seniors, formations spéciales, primes ou pénalités pour les entreprises, sont peu efficaces, voire contre-productives comme la défunte contribution Delalande. En 1981, la situation démographique (allongement de la vie, baisse de la natalité, départ en retraite des baby-boomers) était connue et irréversible. Face à la crise des années 70-80, les autres pays ont mis en place des politiques d'ajustement temporaires.

Pourquoi les 55-59 ans aussi ?

C'est regrettable mais fréquent : quelques années avant le départ en retraite d'un salarié, son employeur est moins enclin à investir en lui, et le salarié moins motivé. À partir de 1982, au lieu de se manifester cinq ans avant 65 ans, ce relâchement du lien entreprise-salarié s'est naturellement produit cinq ans avant 60 ans, à partir de 55 ans.

La France seule a pris une mesure définitive : la retraite à 60 ans pour tous. Pour réparer cette faute sans paraître remettre en cause cette réforme, les durées de cotisation sont régulièrement allongées. En 2021, on sera à peu près revenu au point de départ. Quarante ans de dégâts sur l'emploi des seniors, la croissance et les déficits publics, c'est coûteux pour une décision démagogique prise à la légère.

Taux d'activité (en %) des seniors en 2005
Pays 55-59 ans 60-64 ans
Suède 79.4 56.8
Danemark 78.8 36.7
Royaume-Uni 68.6 42
Allemagne 63.2 27.8
Pays-Bas 61.9 25
Espagne 52.7 31.8
Italie 42.5 18.1
France 54.5 13.1
Source : Eurostat

[1] Présentation faite au colloque du COR « Augmenter le taux d'emploi des seniors, les enseignements des expériences étrangères », 29/11/2007.