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Sommet social et retraites : l'année 2013 verra-t-elle une grande réforme ?

Le Premier ministre l'a annoncé à l'issue du sommet social qui s'est tenu cette semaine : l'année 2013 verra de nouvelles mesures concernant les retraites. La feuille de route qui a été définie comporte trois étapes : la remise d'un rapport fin 2012 sur les perspectives financières des régimes par le Conseil d'orientation des retraites, suivie en début 2013 d'une commission composée d'experts qui formulera des pistes de réforme et devra selon ses mots "s'interroger sur les solidarités à mettre en œuvre" (simplification du système actuel, polypensionnés, pénibilité) ; enfin une concertation au printemps avec les partenaires sociaux pour définir de nouvelles mesures.

Ce retour sur le devant de la scène politique du dossier brûlant des retraites n'est pas vraiment une surprise : d'une part la crise rend toujours plus difficile l'objectif de retour à l'équilibre financier. Malgré la réforme de 2010, le régime général est toujours en déficit de 6 milliards pour près de 100 milliards d'euros de prestations versées en 2012. D'autre part, la réforme de 2010 avait mis sur les rails un "rendez-vous 2013" de réflexion sur une réforme systémique des retraites que tout le monde avait un peu oublié. Le gouvernement Ayrault aura-t-il le courage de relancer le sujet ? Il le faudrait bien pourtant.

Ainsi, on peut parier que le Conseil d'orientation des retraites annoncera à nouveau des perspectives financières dégradées. Le précédent rapport d'avril 2010 avait annoncé des besoins de financement colossaux de 72 à 115 milliards d'euros d'ici 2050, selon des hypothèses (chômage, natalité, immigration, productivité) qui sont largement à revoir. Des voix s'étaient élevées notamment dans l'opposition pour reprocher au COR de noircir le tableau pour faire adopter un allongement de la durée de cotisation (relèvement de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et relèvement de 65 à 67 ans de l'âge de la retraite à taux plein). Il reste que la réforme même si elle doit améliorer en partie les recettes du régime général ne résout pas le déficit. Et pour cause. Comme le rappelle Jean-Michel Charpin, "père" du COR puisqu'il avait été à l'origine d'un des rapports emblématiques sur les déséquilibres de notre système de retraites (1998), déclarait récemment : "Ce n'est qu'à l'horizon de 2035 que doit se produire la combinaison d'une mortalité portant sur les générations nombreuses et de l'alimentation de la population des retraités par les générations post baby boom. Le flux démographique se renverse et viendra largement compenser la poursuite probable de l'augmentation de l'espérance de vie. Cependant, jusqu'en 2035, une dégradation des ratios démographiques est à prévoir chaque année."

De plus, la volonté du gouvernement de revoir les mécanismes de solidarité à l'intérieur des régimes impose de mettre un terme à l'illisibilité du système actuel. Ce point est essentiel : aujourd'hui les mécanismes de solidarité sont mal connus et très difficiles à chiffrer. En témoigne le mic-mac du retour partiel à la retraite à 60 ans : dans cette nouvelle version du dispositif carrière longue étendu par le gouvernement socialiste, on est d'abord parti sur des chiffres de 130 à 150.000 personnes concernées pendant la campagne justifiant la mise en place d'une cotisation de 0,1% sur la part patronale et la part salariale. Cette nouvelle cotisation a été établie pour rapporter 5 milliards avant que l'on ne décide que le dispositif ne toucherait finalement qu'un nombre plus limité de personnes et donc ne coûterait pas si cher (3 milliards), mais la cotisation a été maintenue.

Autre exemple, les retraites complémentaires et les compensations. L'Agirc vient d'annoncer un déficit de 2,8 milliards d'euros en 2011 pour 23 milliards d'euros de prestations versées. Arrco et Agirc sont en situation déficitaire et sont obligés de puiser dans leurs réserves pour verser les retraites des assurés. Mais le déficit de l'Agirc se creusant plus vite que celui de l'Arrco, ce dernier transfère au titre de la compensation entre régimes des flux financiers chaque année plus importants (1,24 milliard en 2011) à l'Agirc. Ce mécanisme de compensation n'est pas le seul qui existe entre les 36 régimes de retraites qui cohabitent en France. Difficile de savoir qui finance quoi et pourtant, cette question est essentielle car plus que jamais l'enjeu du financement de la protection sociale dans la compétitivité de nos entreprises se pose.

Au total, notre système est devenu incompréhensible et l'on ne sait plus exactement combien il coûte et ce qui relève de la cotisation/assurance-vieillesse et ce qui relève de la solidarité. Impossible également de définir le rendement de nos différents systèmes de retraite (combien de retraite pour 1 euro cotisé ?). D'ailleurs cette question est largement taboue et les études très peu publiées.

Sans compter les surcoûts de gestion qu'une telle organisation produit. Dans une enquête en 2009 sur les retraites complémentaires, la Fondation iFRAP avait calculé qu'un alignement des frais de gestion des 34 caisses Arrco et 23 caisses Agirc sur les frais de gestion de la CNAV, permettrait d'économiser 1 milliard d'euros.

Tous ces éléments appellent la mise en place d'une réforme systémique des retraites. Le COR a d'ailleurs bien précisé que cette réforme était techniquement faisable. La CFDT plaide pour une telle réforme qui permettra de tout mettre à plat, mais reste pour l'instant isolée. Il faut dire que dans ce cas, le gouvernement devrait s'attaquer à la retraite des fonctionnaires et des régimes spéciaux. Autant dire que les syndicats majoritairement issus du secteur public n'ont pas intérêt à se lancer dans cette bataille. Pourtant, au nom de la "justice sociale" chère au gouvernement Ayrault, l'enjeu est de taille. Comment admettre que des prélèvements nouveaux soient mis en place et que des efforts supplémentaires soient demandés aux retraités si rien n'est revu dans le fonctionnement des retraites publiques ?