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Retraites à 60 ans : les partenaires sociaux face à leurs responsabilités

"Les salariés qui ont commencé à travailler à 18 ans et qui ont cotisé suffisamment de trimestres (164 pour le moment) pourront prendre leur retraite à 60 ans. "

C'est une des premières décisions promises par François Hollande.

Mais que décideront les partenaires sociaux responsables des retraites complémentaires : ARRCO, AGIRC, IRCANTEC, MSA,… déjà en déficit ?

Pour ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans, c'est déjà acquis depuis 2010. Bernard Thibault, patron de la CGT, l'a dit cette mesure sera une grande première en Europe "pour la première fois un gouvernement reviendra en arrière sur ce cycle infernal du recul de l'âge de départ". Une déclaration qui fait peser un poids énorme sur la décision de François Hollande. Car comme celle de François Mitterrand en 1982, la France devra-t-elle supporter pendant des années les conséquences financières d'un engagement de campagne ?

Financement de la retraite à 60 ans

François Hollande a déjà annoncé une augmentation de 0,1% par an des cotisations salariés et employeurs pour financer cette réforme (1% au total sur 5 ans) de la retraite de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse qui va concerner 150 000 personnes par an et coûter 5 milliards d'euros d'ici 2017.

La situation est d'autant plus inquiétante que des syndicats, surtout ceux implantés dans le secteur public (FO, CGT, UNSA, FSU…) cherchent à faire étendre la mesure "salariés ayant commencé à travailler à 18 ans" à toutes les personnes ayant acquis assez de trimestres à 60 ans par des trimestres validés (et non plus seulement cotisés). Cela prend en compte par exemple les périodes de chômage ou les trimestres accordés aux mères de famille pour chaque enfant. La surenchère est donc lancée d'autant plus que comme le déclare Eric Aubin de la CGT : "pour nous ce décret n'est qu'une première étape vers le rétablissement du droit au départ à 60 ans pour tous".

Et ce débat en cache un autre : les retraites complémentaires du privé étant encore gérées paritairement par les partenaires sociaux, quelle sera leur décision ? En 1983, pour imposer le passage de l'âge de la retraite de 65 ans à 60 ans aux retraites complémentaires, le gouvernement avait créé une usine à gaz, l'Association pour la structure financière (ASF) alimentée par deux points de cotisation chômage et par une subvention de l'État pour financer le surcoût des pensions à 60 ans sans abattement dans les régimes complémentaires. Financement qui a été régulièrement remis en cause par l'État, conduisant les caisses de retraites complémentaires à réduire la progression du niveau des retraites et au déficit.

En 2012, qui va financer les retraites complémentaires ?

De façon générale, la gestion paritaire des caisses complémentaires privées a été plus responsable que celle des retraites gérées par l'État : qu'il s'agisse de celles de ses propres salariés ou de la gestion de la Sécurité Sociale. En 2012, on voit mal, vu la situation de ses finances, l'État subventionnant les caisses de retraite complémentaires. Mais on voit encore plus mal les caisses de retraites complémentaires accepter d'aggraver leurs déficits. Et ce serait un comble que seuls les retraités des régimes spéciaux (Fonctionnaires, SNCF, RATP, EDF/GDF,…) puissent partir à 60 ans aux frais des contribuables et des consommateurs. Les partenaires sociaux ont accepté, juste avant les élections, et sans doute à cause des élections, une évolution des retraites complémentaires incompatible avec un équilibre de leurs finances à moyen terme. Pour la financer, ils ont accepté de prélever dans leurs réserves, 10 milliards d'euros d'ici fin 2013. Une solution intenable à court terme qui réduit leurs provisions de 20%.

Conclusion

Le rapport que le Conseil d'Orientation des Retraites prépare pour fin 2012 fera naturellement apparaître des comptes plus dégradés que prévu, comme l'indique Jean-Louis Malys, responsable du domaine des retraites à la CFDT "Le travail d'actualisation aboutira à des chiffrages dégradés" et devrait soutenir la centrale syndicale dans son choix d'introduire une réforme systémique des retraites. D'ici là, il est indispensable que les partenaires sociaux fassent preuve de responsabilité et refusent le retour de l'âge de départ à 60 ans des retraites de base comme des complémentaires ARRCO, AGIRC, IRCANTEC, MSA et autres, pour les personnes ayant commencé à travailler à 18 ans ; c'est malheureusement impossible pour le moment.