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Retraite SNCF « C'est pas moi qui paye ! »

Pendant les négociations sur les régimes spéciaux de retraites, les plus grands quotidiens français se sont fait prendre au piège du discours syndical : « Les assujettis aux régimes spéciaux contribueraient intégralement, via leurs cotisations à leurs retraites. » Ceci est évidemment faux, puisque le régime de la SNCF est extrêmement déficitaire et que l'argument de la compensation démographique n'explique absolument pas le déséquilibre des comptes et les subventions que verse l'Etat à une société qui se targue pourtant de faire des bénéfices.

Des cotisations qui ne couvrent pas les charges de vieillesse

Les charges de vieillesse de la SNCF sont d'environ 4,9 milliards d'euros par an. La SNCF évalue le coût spécifique des départs anticipés à 50 ans et 55 ans à environ 710 millions d'euros soit 14 % du total. Pourtant, les cotisations dites « salariales » et « patronales » (voir tableau de gauche) sont loin de couvrir l'intégralité des charges de retraites, puisque les subventions d'équilibre de l'État couvrent près de 60 % des besoins.

Le régime des retraites de la SNCF est donc bien loin d'être à l'équilibre.

Charges sociales de vieillesse à la SNCF
Part salariale 7,85 %
Part patronale (T1) 22,49 %
Part patronale supplémentaire (T2) 11,96 %
Source : PLF 2008, commission des affaires sociales du Sénat.

La compensation démographique est loin d'expliquer à elle seule le montant d'argent public que verse l'État à l'entreprise pour équilibrer ses comptes. Afin de compenser un nombre de retraités beaucoup plus important à la SNCF que dans la population française, l'entreprise publique reçoit près de 300 millions d'euros par an au seul titre de la compensation démographique. Mais il reste 2,6 milliards d'euros à trouver, que l'État prend à sa charge par l'intermédiaire d'une subvention d'équilibre.

En moyenne, chaque retraité de la SNCF coûte donc près de 9 000 euros par an au contribuable, en raison d'un système de retraite mécaniquement déséquilibré.

Le régime de la SNCF mécaniquement déficitaire

Par comparaison au régime général, les employés de la SNCF cotisent moins longtemps et bénéficient de pensions calculées sur une base surévaluée. Ainsi, comme le montre le tableau ci-dessous, les agents de la SNCF travaillent 5 ans de moins et passent 3,5 années de plus en retraite que les salariés du privé. La période de retraite est ainsi, en moyenne, égale à 81 % de la période active, contre 61 % dans le privé. Cotiser moins longtemps et passer plus de temps à la retraite coûte forcément plus cher au régime de retraite.

Comparaison des périodes d'activité et de retraite des salariés de la SNCF et du régime général
Durée moyenne de cotisation Durée moyenne de retraite Rapport
SNCF 32 ans et 10 mois 26 ans et 7 mois 81 %
Régime général 37 ans et 9 mois 23 ans et 1 mois 61 %
Source : PLF 2008 , commission des affaires sociales du Sénat.
Le problème de la décote

Partir plus tôt à la retraite, sans avoir cotisé quarante années pleines, entraîne une diminution de la pension. Ce système est appelé décote. Dans le privé, chaque année non cotisée entraîne une décote de 10 %. Elle est très dissuasive et empêche pratiquement toute demande – sauf cas particuliers – de départ anticipé. Dans les régimes spéciaux, en revanche, cette décote peut être partiellement ou totalement atténuée après de vraies négociations syndicales. Les syndicats sont très jaloux de ce système et négocient fermement des conditions très avantageuses pour leurs agents. Par exemple, le syndicat des agents de conduite, FGAAC, a réussi à limiter la décote maximum à 12,5 % contre 25 % proposés dans la réforme en jouant uniquement la carte des négociations.

Le deuxième effet tirant mécaniquement la caisse de retraite SNCF vers le gouffre des déficits est la façon de calculer la pension de retraite.

En effet, son montant maximum est fixé à 75 % du dernier salaire hors primes (soit 65 % du dernier salaire approximativement). Dans le régime général, la pension est fixée par rapport aux 25 meilleures années.

Cette différence déconnecte complètement le montant de la pension des sommes collectées par les cotisations sociales. De plus, l'évolution du montant est encore indexée sur les salaires de la branche, qui évoluent plus vite que l'indice des prix, ce qui augmente aussi le poids des charges de retraite (voir le graphique « Évolution des pensions de retraite »).

Le problème des bonifications

La distribution des bonifications est d'usage courant à la SNCF. Le principe est simple : certaines années comptent plus que d'autres. Par exemple, cinq années passées à la SNCF comptent comme six années de cotisation à la retraite. Cette pratique, pour une entreprise comme la SNCF (ils ne sont pas les seuls, il y a aussi les militaires), ne lui coûte a priori pas un centime dans l'immédiat mais reporte dans le futur la plus grosse partie de cette charge sur la collectivité. Comme le régime n'est pas en équilibre, cela revient à distribuer sous forme de pension de retraite, de l'argent non gagné sur lequel aucune cotisation n'a été perçue. Ce principe n'est pas équitable et devrait être abandonné. En effet, si le métier est réellement pénible, ce qui reste vrai pour certains agents, il devrait y avoir une sur-rémunération immédiate. Automatiquement, les cotisations seraient augmentées puisque calculées sur un salaire plus élevé, et la pension de retraite serait également augmentée.

En conclusion

Le système très spécial de retraite de la SNCF (avant la réforme engagée) est pervers car il est construit sur une relation gagnant/perdant. En effet, les gagnants sont l'entreprise d'un côté, qui utilise les mises à la retraite anticipée d'office comme outil de gestion du personnel, et la plupart des agents de l'autre (le départ anticipé est souvent souhaité).

Seuls les contribuables sont les grands perdants car ils participent au financement d'avantages dont ils ne profiteront jamais. Au final, les salaires effectifs à la SNCF sont plus bas que ce qu'ils devraient être, puisque les prélèvements y sont plus élevés et que la SNCF tient à afficher un bilan positif. Il est bien sûr impossible, vu l'historique et les contraintes de financement de la caisse de retraite, d'affecter intégralement le montant de la surcotisation mentionnée plus haut sur les 168 000 actifs. Elle représenterait pourtant une somme de 4 000 euros par an et par agent. Répétons-le, les agents de la SNCF ne sont pas des nantis. Mais il est évident qu'en travaillant plus longtemps, avec des salaires plus élevés en lieu et place des bonifications, ils amélioreraient leur pouvoir d'achat sans peser sur les comptes de l'État.

En résumé

La lecture des décrets d'application du 16 janvier 2008, suite à la réforme des régimes spéciaux de retraitesqui a conduit à aligner la période théorique de cotisation des agents SNCF sur celle de la fonction publique, ne permet pas de répondre clairement aux points suivants que le gouvernement devrait mettre en œuvre impérativement :
- supprimer le système de bonifications, avec bien sûr des aménagements pour certains cas, comme les personnes handicapées, ou les victimes d'accidents du travail ;
- aligner le système de décotes sur celui du régime général ;
- aligner l'âge de départ effectif sur celui du régime général.