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Réforme des retraites - Trois livres pour un rappel à l'ordre

Trois livres, parus dans le courant de l'année 2008, traitent de notre système de retraite, preuve que le problème n'a pas disparu. Leurs auteurs ne se sont pas concertés, leurs documentations sont complémentaires, mais leur diagnostic est le même : les réformes en cours sont très insuffisantes et sans changement drastique, on va à la catastrophe et à l'accroissement des injustices.

Bibliographie

- Jacques Bichot, Urgences retraites, petit traité de réanimation, Seuil.

- Jacques Garello et Georges Lane, Futur des retraites & Retraites du futur - Le futur de la répartition, IREF. Ce livre est présenté par l'association Contribuables Associés.

- José Piñera, Le taureau par les cornes, comment résoudre le problème des retraites ?, édité par l'Institut Charles Coquelin. Le lancement de ce livre a été soutenu par l'association Sauvegarde Retraites.

Le livre de José Piñera décrit un cas réel et réussi de réforme des retraites au Chili. Celui de Jacques Garello et Georges Lane fournit un état des lieux de la situation des retraites en France et décrit les différentes solutions possibles. Celui de Jacques Bichot propose, quant à lui, un système généralisé de retraite par points. L'exemple du Chili nous touche car la situation de ce pays était, en 1980, aussi chaotique et choquante qu'elle l'est actuellement en France : « Tous les ouvriers prenaient leur retraite à 65 ans. Les employés du privé pouvaient y prétendre après 35 années d'activité. Les fonctionnaires étaient encore mieux lotis : il ne leur fallait que trente ans de cotisation. Dans certaines administrations municipales et pour certaines catégories d'employés (comme les banques par exemple), la situation tournait à l'absurde, puisque 25 ans d'activité à peine ouvraient droit à la retraite. Le pire était évidemment le cas des parlementaires. Ils pouvaient prétendre à une retraite au prorata après 15 ans de travail. »

Pour la capitalisation

D'un point de vue économique, un système par répartition est en difficulté dès que la croissance démographique s'arrête et il tourne à la catastrophe en cas de retournement, comme c'est le cas avec le « papy-boom ». Au contraire, avec la capitalisation, chacun sait à tout moment quel est son véritable capital retraite et peut prendre ses décisions en conséquence. Mais, dans leur défense de la capitalisation, l'argument fondamental de Piñera, comme de Garello et Lane, est l'aspect doublement moral de ce type de retraite. Ce système responsabilise les intéressés et empêche les politiques de faire des promesses intenables, ce qui revient à spolier les uns pour favoriser les autres. Dans le système par capitalisation, chacun travaille à améliorer sa retraite, alors que dans le système par répartition, il est beaucoup plus rentable de travailler à arracher en coulisse, auprès des politiques, des avantages aux dépens des autres citoyens.

Si en France, pendant des décennies, les instituteurs, dont l'espérance de vie était supérieure à celle de toutes les autres catégories sociales, ont pu partir en retraite à 55 ans, 10 ans plus tôt que les autres Français, c'est sans doute lié à leur influence politique pendant la IIIe et la IVe République. Et malgré les réformes de 2003 et 2007, sept millions de salariés (fonctionnaires, SNCF, RATP, EDF et GDF principalement) bénéficient toujours, grâce à leur entregent politique et leur pouvoir de nuisance, de systèmes de retraites privilégiés, financés par les contribuables ou les consommateurs. José Piñera n'évite pas l'épineux problème de la transition du système par répartition à celui par capitalisation et évalue à 10 ans la durée de formation et de préparation des décideurs. Il décrit ensuite les multiples précautions qui furent prises au Chili. Obligation de consacrer au moins 10 % de son salaire à sa cotisation retraite. Mise en concurrence des entreprises de gestion des capitaux des retraites et contrôles vigilants d'une commission indépendante. Information permanente des assurés sur le niveau probable de leur retraite.

Pourquoi le sujet des retraites est-il particulièrement propice à la démagogie des gouvernements ?

« Si le démagogue promet des logements, il est probable que quelqu'un lui demande des précisions au bout d'un an. En revanche, s'il propose aux membres d'une profession choyée de bénéficier des avantages de leur retraite bien avant les autres, il n'y a en apparence que des gagnants. Le moment où les premiers privilégiés prendront leur retraite est encore éloigné. » José Piñera

Interdiction de partir en retraite avant d'avoir atteint un niveau de retraite suffisant. Retraite minimum de solidarité pour ceux qui n'ont pas pu cotiser. Depuis qu'il a quitté la politique, José Piñera conseille les responsables et les gouvernements de pays décidés à réformer leur système de retraite.

Une dizaine de pays d'Amérique du Sud et d'Europe de l'Est sont passés à un système de retraite par capitalisation proche de celui du Chili.

Pour la répartition

Après avoir décrit l'impasse où se trouve notre système de retraites (« L'art de partir sans payer ») et les profondes injustices qui se cachent derrière sa complexité (« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? »), Jacques Bichot propose de généraliser à toute la population un système par points proche de celui des retraites Agirc/Arrco/Ircantec.

Fidèle à son attachement à une politique familiale forte, Jacques Bichot estime que les enfants représentent la meilleure, voire la seule garantie des retraites futures. Il propose donc que l'investissement fait par les parents dans l'éducation de leurs enfants soit pris en compte sous forme de fortes bonifications de leurs retraites.

Le système qu'il décrit est équitable et transparent, et probablement la réforme la moins inacceptable actuellement par notre pays. 2008 aura été une année de « non-réforme » pour les retraites, le passage à 41 années de cotisation n'ayant été qu'une simple confirmation d'une décision prise en 2003. Espérons qu'un José Piñera français, en train de terminer ses études, se prépare en lisant ces 3 ouvrages à mettre en œuvre une réforme de fond en 2012. José Piñera avait l'audace de ses 30 ans quand il a agi au Chili.