Actualité

Reculer l'âge de départ en retraite : un levier contre le chômage

Reculer l'âge de départ en retraite est indispensable pour rétablir l'équilibre financier des régimes de retraite. Au risque de priver les jeunes de travail ? Un senior qui continue à travailler, c'est un emploi de moins et donc un chômeur de plus ? Les expérimentations françaises en vraie grandeur et le bon sens logique ne confirment pas ces idées reçues.

Convaincus de bien faire, les responsables français ont organisé plusieurs plans de retrait des seniors du marché du travail. Notamment celui de 1982 : « La retraite à 60 ans réduira le chômage » et celui de 1990 « Les pré-retraites à 55 ans réduiront le chômage ».

L'échec de ces réformes n'a pas empêché d'affirmer avec autant de conviction : « À partir de 2003, le départ en retraite des baby boomers va libérer des postes et réduire le chômage ». Le baby-boom a en effet commencé en 1943 et, en 1945, il concernait 400.000 naissances supplémentaires. A partir de 2005, le nombre de personnes qui atteignaient 60 ans passait donc brutalement de 500.000 à 900.000. Il suffisait d'attendre cette période bénie : arithmétiquement, il semblait acquis que chaque année, le chômage diminuerait de 300.000 personnes au moins.

Chacune de ces trois évolutions (retraites à 60 ans, pré-retraites, papy-boom) ont donc porté sur des nombres considérables. Les pré-retraites des 55/57 ans ont été utilisées fortement de 1984 à 2000 pour 40.000 à 100.000 personnes par an. D'après la DARES, pendant la période 1998-2003, plus de 200.000 personnes étaient en pré-retraite. La retraite à 60 ans a été mise en place en 1983 et concernait environ 300.000 personnes par an. Après 5 années du seul fait des départs en retraite des papy-boomers, plus d'un million de salariés étaient devenus inactifs. Au total ces mesures auraient « dû » entraîner une baisse de plus d'un million de chômeurs. Mais ces trois séismes ne se voient absolument pas sur les courbes du chômage : de 1982 à 2013, le chômage a progressé de 6,9 à plus de 9,6 %.

Taux de chômage en France métropolitaine

Ces trois « méthodes » employées pour faire baisser le chômage traitaient des « seniors », mais les emplois aidés en direction des jeunes visaient le même objectif. L'INSEE en recense 17 sortes : emplois jeunes, TUC, Contrats Emplois Solidarités (CES), Contrats Initiative Emploi (CIE), Contrat d'Avenir… Leur nombre a évolué suivant les années mais se chiffre en centaines de milliers. Ils ont probablement permis de minimiser ponctuellement les chiffres du chômage, confirmant que la retraite précoce de centaines de milliers de jeunes seniors n'a eu aucun effet positif sur le taux de chômage.

Bon sens & Logique

L'idée que, sans ces retraites avancées, le taux de chômage aurait été encore plus catastrophique est défendable mais indémontrable. Reste le bon sens et la logique.

Au niveau d'une entreprise, ou dans la fonction publique, quand un salarié part en retraite, il est souvent remplacé. Directement ou après un jeu de taquin, un chômeur ou un nouvel entrant sur le marché du travail qui allait peut-être devenir chômeur reprend cet emploi. Résultat : un chômeur de moins.

Mais globalement, la collectivité se retrouve à payer un salarié en poste plus un retraité. Résultat, quand il s'agit non pas d'une seule personne mais de cent mille ou d'un million, les cotisations sociales ou les impôts augmentent pour payer cette seconde personne inactive. D'où, perte de compétitivité et augmentation du chômage.

Mieux vaut payer un retraité qu'un chômeur ? Mais le retraité coûte beaucoup plus cher qu'un chômeur, et surtout, la dynamique est du côté du chômeur qui a de fortes chances de retravailler alors que le retraité ne produit rien et ne produira plus rien cinq ans plus tôt que la normale (10 ans pour les pre-retraités). Une perte particulièrement pénalisante quand les personnes encouragées à partir en retraite appartiennent à des secteurs où existe une pénurie de main-d'œuvre.

Le bon sens (et les mathématiciens) proposent de vérifier le sérieux des hypothèses en les poussant à l'extrême : si la retraite à 60 ans était aussi bénéfique pour l'économie, pourquoi pas à 50, 40 … ? Absurde.

Conclusion

Réduire le nombre d'actifs a constamment échoué à réduire le taux de chômage. Cela ne prouve pas que l'augmenter y réussirait, mais cela vaut le coup d'essayer : 1) un pays ne peut pas s'enrichir en se privant d'une partie de ses ressources, et 2) les pays étrangers où l'âge légal de départ en retraite est plus élevé ont aussi moins de chômeurs.