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A quoi sert l'IRCANTEC ?

Avec 1,77 million de retraites versées, le régime de retraite complémentaire IRCANTEC est considéré comme un régime important même s'il est loin des 13 millions de l'ARRCO/AGIRC. Mais en découvrant que la moitié des retraites IRCANTEC sont inférieures à 30 euros par mois, on constate que ce régime est une machinerie à créer de la complexité et à entretenir ses gestionnaires. Avec la perte de pans entiers de ses meilleurs adhérents, son existence est de moins en moins justifiée et de plus en plus risquée. A quoi sert donc l'IRCANTEC aujourd'hui ?

Pour pouvoir distribuer des sommes aussi minimes pendant 20 à 30 ans à des centaines de milliers de retraités, l'IRCANTEC (Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques) aura d'abord dû les suivre pendant la quarantaine d'années de leur vie active. Une procédure coûteuse, mais il y a pire. L'IRCANTEC gère aussi les comptes de 450.000 actifs qui, une fois arrivés à la retraite, toucheront moins de 11 euros par mois. Pour éviter ce ridicule, l'IRCANTEC leur verse un « capital » pour solde de tout compte, évidemment faible (quelques centaines d'euros).

Un régime complémentaire très proche du régime du privé

Contrairement au régime de retraite des fonctionnaires qui n'a rien de commun avec celui des autres salariés, celui des « salariés non-titulaires » du secteur public est très proche du régime général. Comme les salariés du privé, ils adhèrent à la Caisse de Retraite de la Sécurité Sociale pour leur retraite de base, mais cotisent à une caisse complémentaire particulière, l'IRCANTEC, et non pas à l'ARRCO/AGIRC. L'IRCANTEC fonctionne par points selon des modalités très voisines de celles de l'ARRCO/AGIRC.

Un régime complémentaire fourre-tout

L'IRCANTEC s'adresse principalement aux salariés non titulaires (contractuels de droit public) des trois fonctions publiques, de la Banque de France, d'EDF/GDF et des EPIC. Mais aussi aux élus locaux et aux agents titulaires à temps non complet qui ne relèvent pas de la CNRACL, aux médecins des hôpitaux et aux agents titulaires sans droit à pension.

L'IRCANTEC s'en targue, mais c'est un problème

IRCANTEC : Le régime de retraite complémentaire d'un actif sur trois

Une machine à fabriquer des « poly-pensionnés »

Les « poly-pensionnés » ont cotisé au cours de leur carrière à des régimes de retraite différents. Ils sont considérés comme des victimes parce que leurs retraites sont souvent inférieures à celles des personnes qui dépendent d'une seule Caisse. En tout cas cette situation est source de complexité et de coût pour les intéressés et pour les Caisses qui les gèrent. La plupart des adhérents à l'IRCANTEC ne font qu'y passer avant de rejoindre le régime du privé ou celui de la fonction publique. Le cas typique est celui d'un jeune employé quelques mois par une mairie. C'est vrai aussi pour les élus : 30 à 40 % des élus locaux sont renouvelés à chaque élection. En moyenne, la durée de cotisation à l'IRCANTEC n'est que de 8,8 ans. L'IRCANTEC est donc une source de poly-pensionnés importante. Cette retraite – troisième ou quatrième avec celle de la CNAV, de l'ARRCO et de l'AGIRC - contribue à rendre le système français des retraites peu compréhensible.

Une baisse d'effectifs à venir

L'IRCANTEC gère 1,77 million de retraites et 2,75 millions d'actifs. Avec le changement de statut de La Poste, l'IRCANTEC a perdu une partie de ses nouveaux cotisants les plus stables. La division par deux du nombre de conseillers généraux et régionaux va amplifier ce mouvement. Avec la privatisation de GDF et l'ouverture du capital d'EDF, aucun de leurs nouveaux salariés ne sera plus affilié à l'IRCANTEC. De même pour ceux de Pôle Emploi. Dans les hôpitaux, il sera possible de recruter des médecins et d'autres personnels sous contrat privé. L'Etat et les collectivités locales vont diminuer leurs recrutements et embaucher de plus en plus de salariés sous contrat de droit privé.

Jean-Paul Thivolie, Président du Conseil d'Administration de l'IRCANTEC

La transformation de La Poste en société anonyme présente de sérieux impacts pour l'IRCANTEC. La Poste est, en effet, l'un des employeurs les plus importants du régime.

Un coût élevé

Cette complexité et la gestion de très nombreuses personnes pour de petites sommes rendent la gestion de l'IRCANTEC inutilement coûteuse. Pour réduire leurs dépenses, les Caisses ARRCO/AGIRC mettent en place un système informatique commun (« l'Usine Retraite ») qui sera utilisé pour 25 millions d'actifs et 10 millions de retraités. Elles partagent aussi leurs services sociaux à destination des retraités. L'IRCANTEC fait face à des investissements similaires mais pour 10 fois moins d'adhérents. Le rapport d'activité de l'IRCANTEC est très discret sur les détails de son budget. Pour 2010, la CGT évalue les charges de fonctionnement du régime à 86,5 millions d'euros dont 52,5 millions seraient consacrés aux frais de personnel et 11,7 millions à l'informatique. La gestion de l'IRCANTEC coûte donc 4,3 % du montant des retraites versées. Un taux 3 fois supérieur à celui du régime de retraite géré par la Sécurité Sociale, et 30% plus élevé que celui des caisses ARRCO/AGIRC combinées.

Mode de versement des retraites IRCANTEC en fonction de leurs montants
Droits acquis au moment de la retraiteMode de versement de la retraite% des retraites concernées
Moins de 11 euros par mois Capital versé au moment du départ en retraite 17 %
Moins de 37 euros par mois Retraite versée une fois par an 30 %
Moins de 112 euros par mois Retraite versée une fois par trimestre 33 %
Plus de 112 euros par mois Retraite versée une fois par mois 20 %

Qui a intérêt à conserver l'IRCANTEC ?

Les employeurs et les salariés du secteur public sont attachés à ce régime complémentaire d'abord parce qu'il est « spécial », même si c'est aux dépens de la solidarité avec les autres salariés. Ensuite parce que les taux de cotisation salarié et employeur à l'IRCANTEC sont inférieurs à ceux de l'ARRCO/AGIRC, tandis que les niveaux de retraite sont plus élevés. Une situation quasi miraculeuse mais qui n'est évidemment pas durable. Le gestionnaire de l'IRCANTEC, la Caisse des Dépôts, est également très favorable au maintien de cette activité qui complète sa branche retraites et de gestion de fonds (4 Mds € en 2009). Pour les syndicats et les employeurs du secteur public, les 34 postes d'administrateurs et 34 de suppléants constituent également une source de postes et de financement attractive.

Une situation financière en voie de dégradation

La normalisation de la démographie de ce régime a commencé et les taux de cotisation ont dû être augmentés une nouvelle fois en 2009. Les taux sont désormais voisins de ceux de l'ARRCO/AGIRC et, d'après les prévisions officielles, vont les rejoindre en 2016-2018, au fur et à mesure du vieillissement de cette population et de l'arrêt de la croissance des effectifs actifs.

Taux de cotisation IRCANTEC 2010
Tranche A - Inférieure au plafond SSTranche B - Supérieure au plafond SS
Salarié 2,25 % 5,95 %
Employeur 3,38 % 11,55 %
Total 2010 5,63 % 17,50 %
Total 1973 2,10 % 7,50 %
Taux de cotisation ARRCO/AGIRC 2010
Tranche A - Inférieure au plafond SSTranche B - Supérieure au plafond SS
Salarié 3 % 8 %
Employeur 4,5 % 12 %
Total 2010 7,5 % 20 %

Une duplication des services de l'ARRCO/AGIRC

Les fonctions de base réalisées par l'IRCANTEC sont très voisines de celles de l'ARRCO/AGIRC : collecte des cotisations, suivi des adhérents actifs et retraités, calcul et versement des retraites, gestion des fonds de roulement. Devant le coût de développement des outils informatiques, les différentes caisses ARRCO/AGIRC développent un outil unique « l'Usine Retraite » dont une très grande partie serait utilisable par l'IRCANTEC. Les centres de renseignement téléphonique, d'accueil et d'action sociale dupliquent également ceux des autres caisses et auraient tout intérêt à être fusionnés (économie d'échelle, cohérence, simplification pour les retraités).

Proposition

L'IRCANTEC complète le régime de l'Assurance Vieillesse (ex CNAV) comme le font l'ARRCO/AGIRC. Les calculs et l'expérience montrent la fragilité des régimes de retraite par répartition basés sur des populations particulières (ex : agriculteurs, SNCF, mineurs). Sur la durée, seul un Régime Général peu sensible aux transferts des populations entre les métiers résiste aux évolutions imprévues. Pour des raisons d'efficacité, de prudence et de transparence, il est nécessaire que les nouveaux embauchés des catégories qui adhéraient jusqu'à présent à l'IRCANTEC adhèrent désormais à l'ARRCO/AGIRC. Ce rapprochement contribuera à rétablir l'équité entre Français, à éviter les procès d'intention et constituera, après la réforme faite par les banques en 1993, une nouvelle étape vers la construction d'un seul régime de retraite obligatoire par répartition.