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Projet de réforme des retraites 2010 :<br>renforcer l'équité public privé

Le ministre du Travail, Eric Woerth, vient de présenter le projet de réforme des retraites 2010. La mesure qui retient bien sûr l'attention de tous, et qui pourrait finalement résumer ce rendez-vous 2010, c'est le relèvement de l'âge légal à 62 ans. Si cette mesure est un symbole fort, c'est qu'elle prend acte de l'évolution démographique et des conséquences financières pour notre système par répartition. Mais ce projet doit aller plus loin sur l'équité public privé.

Même s'il faudra certainement poursuivre le relèvement de l'âge légal au-delà de 2018, la transformation est engagée : le rythme fixé de 4 mois d'augmentation par an est une bonne base, d'autant qu'elle s'applique à tous, privé et public, même si les régimes spéciaux continueront à rester décalés. Cette mesure est de loin la plus importante pour équilibrer les comptes car elle devrait permettre d'économiser 19 milliards d'euros en 2018.

Sur le sujet de l'équité public/privé, la principale décision concerne l'alignement progressif de la cotisation salarié des fonctionnaires sur le privé. Au rythme de 0,25 % par an pendant dix ans, cette amorce bienvenue de convergence reste de l'ordre du symbole pour équilibrer les comptes. De surcroît, son application sera très difficile à contrôler au moment des négociations annuelles sur les salaires des fonctionnaires. Cela va dans le bon sens, mais à terme, c'est le total des cotisations salarié et employeur (69% pour les fonctionnaires d'Etat contre 25% dans le privé) qu'il faudrait ramener à la normale, ce qui représenterait une économie de plus de 20 milliards d'euros d'ici 2040.

Quel système de retraites pour la France en 2050 ?

Comme les 3 réformes précédentes, celle qui est proposée corrige quelques anomalies et améliore la situation financière des régimes de retraite, mais n'indique pas quelle est l'architecture du système de retraite que la France veut construire. Revenir à un vrai Régime Général comme prévu par le Conseil National de la Résistance au lendemain de la guerre, ou conserver des régimes spéciaux où chacun, dans sa forteresse, travaille à défendre des privilèges différents et difficiles à comparer donc à réformer.

-Aller plus loin sur la convergence public/privé
Le projet du gouvernement marque donc deux principes majeurs : l'allongement du travail et la poursuite de la convergence public/privé. Et il entend être ferme sur ces principes malgré les menaces de grèves unitaires le 24 juin prochain.

Le texte de loi définitif sera approuvé au Conseil des Ministres du 13 juillet, puis discuté en commission fin juillet et voté en séance en septembre au Parlement. Rien n'est donc joué. Les parlementaires vont se saisir de ce texte et auront l'occasion de déposer nombre d'amendements pour aller plus loin notamment sur la convergence public/privé. Ils pourront ainsi agir sur les causes du déficit du régime public et en particulier sur la règle de calcul sur les 6 derniers mois comparée à la prise en compte des 25 meilleures années pour la retraite Sécurité Sociale (et de la carrière complète - 42 ans - pour les régimes complémentaires ARRCO/AGIRC/IRCANTEC). Des amendements devraient aussi être déposés sur la question de la réversion, automatique dans les régimes spéciaux, mais sous condition de ressources pour la retraite de base du régime général. Une injustice impossible à justifier.

-Construire un Régime vraiment Général
Sur le front de l'unification de nos nombreux et très complexes systèmes de retraite, la réforme annoncée n'apporte pas d'amélioration. Ce serait pourtant une façon de réduire les coûts de gestion de ces multiples caisses et surtout de clarifier l'ensemble aux yeux des Français. Sans leur compréhension, impossible d'espérer leur confiance dans l'avenir.

-Encourager une part de capitalisation
Au-delà du sauvetage du régime par répartition, une part de capitalisation doit être encouragée avec un régime simple, attractif fiscalement et commun à tous. Le PERCO pourrait être amélioré et étendu aux indépendants et aux fonctionnaires. Car la capitalisation responsabilise mais elle est aussi un vecteur de croissance économique comme l'ont rappelé Hervé Novelli et Gérard Longuet dans une tribune récente « La vérité est qu'il y a un lien fort entre compétitivité des entreprises et retraite ; nous avons donc intérêt à miser sur une diversité de solutions, et à ne pas oublier l'épargne-retraite. »

Il faut développer l'emploi.

La mise en place de ces mesures ne doit pas faire oublier que seul le développement de l'emploi marchand dans notre pays peut durablement régler le problème des retraites. Pour y parvenir, le gouvernement veut particulièrement soutenir l'emploi des seniors. Le relèvement de l'âge légal y contribuera fortement et cette initiative est une bonne nouvelle puisqu'elle signifie la fin d'une croyance solidement établie selon laquelle le partage du travail des seniors se ferait au profit des jeunes entrant dans le marché du travail. La France a démontré à ses dépens que cela ne marche pas. Pour redresser l'emploi marchand en France et créer les 5 millions d'emplois qui nous manquent par rapport aux Anglais, il faut créer en France un environnement beaucoup plus favorable aux entrepreneurs et à l'investissement dans les entreprises.

En résumé les grands symboles de la réforme sont là mais pour une vraie réforme, le Parlement doit se mettre au travail et apporter sa pierre sur les questions du mode de calcul public/privé, sur les pensions de réversion et sur une part de capitalisation. Au-delà de cela, prendre date pour une fusion de ces régimes en un régime universel, équitable et équilibré, serait à l'honneur de nos représentants.