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Les scandales de l'épargne retraite

« Le plus grand scandale de l'épargne en France », c'est ainsi que l'on peut décrire le combat que mène Guillaume Prache depuis quinze ans contre l'opacité et les abus des différents systèmes d'épargne retraite des fonctionnaires, à savoir Préfon, le Cref-Corem et le complément retraite des agents hospitaliers.

Ces régimes de retraite ont souvent été évoqués dans Société Civile pour leurs avantages exceptionnels, longtemps refusés au secteur privé. Officiellement constitués pour compenser la faiblesse des retraites des fonctionnaires, puisqu'elles ne tenaient pas compte des primes versées, ces régimes ont, dès leur origine, bénéficié d'un cadre fiscal très attractif. Préfon par exemple : c'est le sens des publicités régulièrement diffusées à la radio avec ce slogan : « Fonctionnaires, bénéficiez d'un régime souple et avantageux à la fois, d'une fiscalité exceptionnelle… » Imaginez : des versements déductibles du revenu imposable. Et pourtant… Guillaume Prache nous décrit l'envers du décor : une gestion opaque qui dissimule des frais incontrôlés et un rendement indigne d'une épargne correctement gérée ; à prix coûtant dit-on, un concept dont on sait qu'il ne veut rien dire.

Pourtant, lorsque Guillaume Prache constitue une association pour réclamer plus de transparence, Préfon n'hésite pas à utiliser les recours en justice pour contrer toute tentative de mettre le nez dans ses affaires. Et ce, avec l'appui de l'État qui dénie toute tutelle et pourtant s'affiche volontiers auprès des administrateurs, soutient les responsables syndicaux en charge du régime face aux attaques des médias, assure même le prélèvement sur le traitement des fonctionnaires et protège le monopole de Préfon. Idem pour le Cref, le complément de retraite des enseignants.

Cette fois ce sont de nombreuses plaintes d'épargnants regroupés en association qui vont déclencher le rapport parlementaire de Philippe Marini, puis une enquête explosive de l'Igas qui mettra à jour un système profondément vicié, qui repose en majorité sur de la répartition facultative et dont les prestations ne sont pas garanties.

De surcroît, de nombreux abus et détournements, notamment au profit d'amis politiques, proches du parti socialiste, sont constatés. Résultat, des milliers d'épargnants bernés qui se retrouvent avec une grande partie de leurs économies envolée. Et une justice d'une lenteur coupable à poursuivre les responsables.

Une résonance particulière en ces temps de crise financière

Au-delà de la simple description de ces scandales, ce récit donne un éclairage inquiétant sur les défauts de contrôle des autorités en charge de la protection des épargnants. Il est particulièrement étonnant de constater que seule la ténacité d'une association d'épargnants ait permis d'alerter sur les dérives de ces régimes qui drainent pourtant l'épargne de milliers de Français, malgré la commission de contrôle des assurances et des mutuelles ou l'AMF.

Et non seulement il y a défaut de l'État, mais celui-ci fait preuve d'une singulière bienveillance, quel que soit le bord politique, à l'égard des régimes de retraite gérés par des syndicats (CFDT, FO, CGC, CFTC) bien discrets sur ces scandales et qui se sont par ailleurs toujours opposés au développement de la capitalisation en France. Lorsque des parlementaires courageux demandent qu'au minimum Préfon soit soumis aux mêmes réglementations que tous les autres produits d'épargne retraite, le Gouvernement renâcle et botte en touche au prétexte de la préservation des « équilibres internes qui président au fonctionnement de ce régime ». Une passivité qui laisse planer le doute d'une entente avec les syndicats sur le dos des épargnants.

L'autre élément fort qui ressort de ce récit est l'influence que la société civile peut obtenir en se mobilisant pour faire reconnaître l'intérêt des épargnants. Le livre de Guillaume Prache a une résonance toute particulière au moment où de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer plus de régulation dans la sphère financière après la crise qui a secoué les marchés ces derniers mois. Il montre qu'en la matière, notre pays a aussi des efforts sérieux à faire pour moderniser la gouvernance et le contrôle de toutes les structures faisant appel à l'épargne, sans exception.