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Les Régions contre le financement des retraites SNCF

Un avertissement avant la crise des retraites de leurs fonctionnaires

Il est rare que le problème du coût des régimes spéciaux de retraite apparaisse au grand jour. En refusant de payer les dizaines de millions d'euros supplémentaires réclamés par la SNCF pour payer les retraites des cheminots, les Régions fournissent une opportunité exceptionnelle de le traiter. Une remise à plat d'autant plus nécessaire que ce problème en annonce un autre beaucoup plus explosif si rien n'est fait : celui des retraites des fonctionnaires des Collectivités Locales et des Hôpitaux.

Depuis 2009, une partie du surcoût des retraites EDF/GDF par rapport à celles du privé apparaît sur nos factures. Soigneusement dissimulée sous un intitulé incompréhensible, mais c'est déjà un progrès. La SNCF devrait logiquement suivre cet exemple et indiquer sur les billets de train la part prélevée pour financer les avantages retraites des cheminots. Ce n'est pas encore le cas.

Chaque contribuable et chaque client de la SNCF finance ces avantages retraites, mais au niveau individuel, il est difficile de s'en rendre compte. C'est plus facile pour les Régions, sortes de clients « de gros » de la SNCF. Responsables des Trains Express Régionaux, elles subventionnent la SNCF à hauteur de 2,5 milliards d'euros par an pour combler leurs déficits. Cette somme est négociée tous les 10 ans environ à la signature du contrat, mais en 2010, les Régions ont la mauvaise surprise de se voir réclamer par la SNCF un supplément pour combler le déficit plus élevé que prévu du régime de retraite des cheminots. Alain Rousset, président PS de la Région Aquitaine et président de l'Association des régions de France s'insurge contre cette charge. La Bourgogne et la Franche-Comté ont déposé un recours devant le Tribunal Administratif.

La solution : la concurrence

Cette éventualité était semble-t-il prévue dans une des clauses du contrat signé par les Régions et la SNCF. Mais pour les élus et les habitants des régions, financer de nouveaux avantages pour les retraites SNCF en pleine réforme de celles du secteur privé et en pleine crise économique est légitimement choquant. En réalité, avant même cette crise, la situation était déjà tendue entre la SNCF et certaines Régions (notamment Centre, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Pays de la Loire, Haute-Normandie, Languedoc-Roussillon, Picardie) déçues par la mauvaise qualité du service fourni par cette entreprise. Dans cette ambiance, ce qui est incompréhensible c'est que ces Régions acceptent de continuer à choisir la SNCF les yeux fermés, sans faire appel à la concurrence française et étrangère, alors que cela devrait être possible depuis fin 2009. Et comment expliquer qu'au lieu de signer avec la SNCF des contrats de courte durée qui leur laisserait la possibilité de le remettre en jeu rapidement, la plupart des Régions aient signé avec la SNCF des contrats encore plus longs que les précédents ?

Inévitablement, après des protestations de principe et une baisse symbolique des pénalités, il est probable que les Régions finiront par payer. Faute d'un autre choix face au monopole ?

La véritable menace sur les Collectivités Locales et les Hôpitaux

D'après les prévisions, ce conflit porte sur des sommes allant de 2 à 5 millions d'euros par an et par Région. Des sommes supportables. Mais le coût des régimes spéciaux de retraite des fonctionnaires fait peser une menace beaucoup plus grave sur les finances des régions, des départements, des communes et des hôpitaux.

En 2009, pour 1000 euros de salaires, les entreprises du secteur privé cotisent 150 € aux Caisses de Retraite de leurs salariés. Pour ses fonctionnaires, l'Etat cotise 600 €. Et les Collectivités locales et les Hôpitaux publics cotisent 273 €. Ce taux très inférieur à celui de la Fonction publique d'Etat ne s'explique que par les embauches massives récentes et la jeunesse de ces populations. Cela ne va pas durer. En 2001, leur Caisse de Retraite (CNRACL) comptait 2,84 actifs pour chaque retraité. En 2008, ce nombre est de 2,39. Il sera de moins de 1 actif par retraité en 2050. Peu à peu, le financement de ces retraites nécessitera des taux similaires à celui de la Fonction Publique, soit un doublement des taux de cotisation. Les cotisations employeurs des Collectivités locales et des Hôpitaux publics se montent actuellement à 10 Mds €. A terme, les Collectivités locales et hôpitaux devront financer environ 10 Mds d'euros supplémentaires par an.

Depuis 25 ans, le taux de cotisation des Hôpitaux et des Collectivités locales à la CNRACL a déjà régulièrement augmenté, et cette évolution va s'accélérer. Avant la crise actuelle, le rapport 2007 du COR prévoyait que le régime serait en déficit dès 2017. En 2050, le déficit annuel serait de 12 milliards d'euros par an, un chiffre qui confirme le besoin de financement évalué ci-dessus.

Source Caisse des Dépôts et Consignation

La réforme des régimes spéciaux (Fonctionnaires, SNCF, RATP, EDF/GDF, …) est impérative et urgente. Sinon, les Collectivités locales qui ont déjà de gros problèmes à équilibrer leurs budgets devront trouver des milliards d'euros pour payer ces retraites. Et les hôpitaux, dont les coûts sont déjà de 30 % supérieurs à ceux des cliniques privées seront 60 % plus chers que leurs concurrents. Des situations intenables.