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La Préfon ou le privilège oublié des fonctionnaires

un fonds de pension dirigé par les... syndicats

Qui a dit qu'en France il n'existait pas de fonds de pension ? Il en existe un mais il est réservé aux fonctionnaires. Et le comble : il est dirigé exclusivement par des syndicats.

Enquête sur un privilège caché.

On connaissait les privilèges "classiques des fonctionnaires partant à la retraite : Montant de retraite, durée de cotisation, taux de cotisation salarié, taux de cotisation employeur, indexation des retraites, taux de remplacement, base de calcul, réversion, cumul emploi/retraite, décote par année manquante, âge de départ, espérance de vie, avantage pour les mères de 3 enfants, dérogations pour départ à 50 et 55 ans, prise en compte des études faites après concours d'entrée, prise en compte d'enfants nés avant l'entrée dans la fonction publique."

On connaît moins les nouveaux privilèges de la loi Fillon de 2003 qui a néanmoins augmenté la durée de cotisation jusqu'à 40 ans mais en échange d'autres avantages pour les fonctionnaires : prise en compte des primes, temps partiel compté comme temps plein, départ en retraite progressive, possibilité avantageuse de rachat d'années d'études, déficit de leur régime après réforme pris en charge par les impôts (14 milliards d'Euros par an en 2020, alors que le déficit du régime général lui, est comblé par de nouvelles cotisations), ouverture d'une seconde carrière dans la fonction publique pour les enseignants, application d'une surcote au-delà des 40 années de cotisation.

Et on connaît encore moins le fait que ces mêmes employés de l'Etat ont droit à un fonds de pension à la française qui porte le nom de PREFON.

Il a presque 400.000 affiliés et dispose de réserves de plus de 8 Mds d'euros. Il s'agit d'un fonds de pension, la Préfon, ouvert "à tous les agents de l'Etat et des collectivités locales et assimilés, âgés de 70 ans au plus". Il concerne les personnels civils et militaires de l'Etat, des régions, des départements, des communes, des établissements publics à caractère administratif, industriel ou commercial. Peuvent également s'affilier à titre personnel : les anciens agents, les fonctionnaires hors cadre ou détachés et les conjoints des affiliés. Mais c'est interdit aux gens du privé !

Les règles précisent que les affiliés peuvent cotiser soit mensuellement à travers un organisme payeur soit une ou deux fois par an directement à la Préfon. L'âge normal de liquidation de la retraite est fixé à 60 ans et les droits ne sont liquidés que sur demande expresse de l'intéressé concerné. Et cette liquidation anticipée peut être demandée dès l'âge de 55 ans. L'affilié peut prétendre, à la suite du décès du conjoint ou d'un autre affilié, à la rente de réversion et peut demander par anticipation la liquidation de ses droits propres, à partir de 50 ans. Pour ce qui est des résultats financiers, ils sont nets d'impôts et, bien sûr, de frais financiers alors que les systèmes d'épargne financière du privé bénéficient d'une déduction d'impôts à hauteur de 50%.

"Quand je suis devenu assureur (Président de l'UAP), que j'ai découvert les différences entre capitalisation et répartition, je me suis rendu compte que, en tant qu'ancien fonctionnaire, ma femme étant en outre enseignante, j'avais droit à la PREFON. Nous avons capitalisé un million et demi de francs, fiscalement déductibles, alors que nous étions imposés à l'époque à 60% !".

Jean Peyrelevade, La république silencieuse, Plon, 2002, p. 238.

Une autre « particularité » de la PREFON provient du fait que ce fonds de pension est dirigé exclusivement par les syndicats devenus comme par magie profiteurs de la libéralisation financière. Son président est de la CGC (Confédération générale des cadres), l'un des vice-présidents est CFDT, l'autre FO tandis que la secrétaire générale est CTC. Ses administrateurs (18) sont tous des syndicalistes appartenant à FO, CGT, CFTC, CFDT ou à la CGC. Les 8 Mds d'euros semblent intéresser beaucoup les syndicats qui habituellement ne cessent de vilipender "l'ultralibéralisme" et les "dérives de l'épargne financière" en interdisant aux fonds de pension de s'occuper des retraites des Français (ceux qui ne sont pas fonctionnaires). Bizarre conception de l'égalité…