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Entretien avec Philippe Soubirous, président de la Préfon

Suite à la publication de l'article sur l'épargne-retraite des fonctionnaires, M. Philippe Soubirous, Président de la Préfon, a souhaité nous exposer son point de vue sur le fonctionnement et l'efficacité de la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique, plus connue sous le nom de Préfon.

Propos recueillis par Sandrine GORRERI

La Préfon trouve son origine en 1964, avec la demande des fonctionnaires de bénéficier d'une retraite complémentaire, à l'image de celle qui venait d'être créée pour le secteur privé (Arrco). L'État, ayant refusé de créer un régime complémentaire obligatoire, accepta en contrepartie une retraite facultative. La répartition étant par nature incompatible avec une formule facultative, une formule par capitalisation fut choisie.

Il faut remettre la Préfon dans son contexte. Les primes dans la fonction publique représentent en moyenne 20 à 25% du traitement brut, 30% si on enlève du calcul les enseignants, et même plus au Minefi. Même dans la fonction publique locale ou hospitalière, le taux de primes est très élevé. Or ces primes ne rentraient pas – jusqu'à une date récente – dans le calcul de la retraite des fonctionnaires. Par conséquent, le taux de remplacement (rapport entre la pension et le dernier salaire) n'est pas de 75% du dernier traitement, mais plus proche de 50%, c'est-à-dire bien loin des taux servis par l'Arrco et l'Agirc.

Aujourd'hui, le régime additionnel de retraite de la fonction publique (RAFP) a permis une intégration des primes dans le calcul des retraites, mais plafonnées à 20% du traitement indiciaire, ce qui n'est pas encore suffisant. La revendication est toujours à l'intégration des primes dans la retraite car la réforme de 2003 n'a pas résolu ce point. Dans le cas d'un engagement dans ce sens des pouvoirs publics, on pourrait se poser la question de l'opportunité de la poursuite de la Préfon. Mais pour l'instant, la Préfon est là pour pallier la défaillance de l'employeur public.

L'originalité du système repose sur la distinction entre la gestion administrative et la gestion financière. À l'image des complémentaires, ce sont les syndicats qui dirigent le régime [1], mais ce n'est pas non plus un système paritaire qui prévaut puisqu'il n'y a pas en l'occurrence de participation de l'État-employeur. C'est une œuvre sociale. Les avantages accordés par l'État sont le précompte (le prélèvement assuré par l'employeur public directement sur le traitement : 50% des souscripteurs ont choisi cette formule) et la défiscalisation. Ces avantages ne sont pas des privilèges si on les compare, par exemple, à l'abondement de l'employeur consenti dans le cadre du Perco. S'agissant de la défiscalisation, cet avantage s'est banalisé avec la mise en place du Perp. Les avantages sont loin d'être exorbitants.

- S'agissant de la gestion financière, il a été décidé dès l'origine de la confier à des assureurs, publics à l'époque, devenus privés depuis. Aujourd'hui, ils sont au nombre de quatre travaillant en coassurance. À l'inverse du conseil d'administration du RAFP, qui a un fort pouvoir de gestion, l'association Préfon n'intervient pas dans la gestion financière. Cependant, la convention qui lie Préfon aux assureurs est réexaminée régulièrement avec les partenaires en assemblée générale, et d'ailleurs, les frais ont fait l'objet d'ajustements.

- S'agissant du rendement et des frais, Préfon Retraite est un produit d'assurance-retraite soumis au contrôle de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles : à ce titre, l'association a une obligation de couverture de 100% de ses engagements, conformément au Code des assurances. Le régime n'est pas assimilable à de l'assurance-vie. Les droits sont non rachetables, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de sortie en capital. Il ne peut être soumis à une répartition d'actifs type Fonds de réserve des retraites [2] et suit un pilotage de père de famille. Cette situation s'avère appréciable avec l'actuel retournement des marchés financiers. Le pilotage du rendement de Préfon est d'autant plus contraint que, dès l'origine, le système a été caractérisé par des prestations et des cotisations définies. Cette obligation est valable y compris pour les nouveaux entrants, ce qui explique les contraintes sur le rendement, contraintes qui risquent de s'aggraver avec les nouvelles normes Solvency II. Aujourd'hui, Préfon se bat pour une réglementation prudentielle plus conforme à la nature de son régime, notamment concernant la durée de ses engagements.

- S'agissant de la gouvernance, il y a une ambiguïté avec le fonctionnement des Perp [3]. Si l'on fait une analogie avec la réglementation qui les concerne, c'est l'association Préfon qui est le Gerp. Or, cette association gère aussi d'autres domaines, prévoyance, assurance-décès. C'est pour cela que le législateur a défendu une situation différente pour Préfon. Mais Préfon va plus loin que ce qu'a demandé la loi puisqu'elle autorise les adhérents à poser des questions sur l'ordre du jour de l'AG, alors que la loi prévoit seulement de faire connaître l'objet et la date de l'AG et d'en diffuser le relevé de décisions. Faire participer les adhérents à l'assemblée générale soulèverait la question du coût d'une telle réunion. Mais l'association assume une démarche de transparence et n'a pas hésité à communiquer lorsque ses gestionnaires financiers ont été confrontés à des difficultés suite aux affaires Madoff ou Lehman Brothers. Malgré les effets de la crise, la performance et la sécurité du produit Préfon sont maintenues.

Le commentaire de l'iFRAP

S'agissant de l'analyse de M. Soubirous sur la situation des retraites des fonctionnaires, nous souhaitons apporter quelques commentaires.

- Pour financer les retraites des fonctionnaires, leurs employeurs (État, collectivités locales, hôpitaux) doivent cotiser à des taux trois à quatre fois supérieurs à ceux des employeurs privés, dans une période où la démographie du régime des fonctionnaires leur est pourtant favorable, grâce aux très nombreuses embauches des trois dernières décennies. Ces surcoûts considérables sont à la charge des contribuables et font regarder les demandes de « rattrapage » des fonctionnaires par rapport au privé avec étonnement, voire indignation. Dès 1945, le régime retraite des fonctionnaires était beaucoup plus avantageux et plus complet : 75% de la moyenne des salaires (hors primes) des six derniers mois – et non pas comme dans le privé, 50% de la partie inférieure au plafond Sécurité sociale calculée sur la moyenne des 10 meilleures années –, réversion sans condition, indexation automatique sur les salaires des actifs [4]... Pour le privé, la création des régimes complémentaires Arrco et Agirc était donc urgente.

- Concernant les primes des fonctionnaires dont il est surtout question ici, si elles n'entraient pas dans le calcul des retraites, elles ne subissaient pas non plus de cotisation retraite, contrairement aux primes du privé. La proposition d'intégrer les primes des fonctionnaires dans le calcul de leur retraite est incompatible avec le mode de fixation actuel : sur quelles primes se baser ? Prendre celles des six derniers mois reviendrait à une forme de loterie favorable aux uns et catastrophique pour les autres. Au contraire, le système actuel qui calcule la retraite en fonction du dernier salaire mais fait supporter les cotisations sur le salaire moyen de la carrière (dont on sait qu'elle progresse très régulièrement dans la fonction publique) conduit à accorder une retraite dont une partie n'est pas financée. Tous ces points renforcent la proposition de l'iFRAP qui est d'aligner les régimes spéciaux de retraite (y compris celui des fonctionnaires) sur celui du privé. 2010 représente une opportunité unique pour transformer tous les régimes obligatoires de retraite en un système par points à la suédoise, avec une partie minoritaire (20%) en capitalisation sur le modèle du RAFP des fonctionnaires.

- S'agissant du fonctionnement de Préfon, il n'a rien d'un régime paritaire et la comparaison avec le PEE et le Perco ne semble pas valable non plus puisqu'il s'agit dans ces cas de formules d'intéressement. Quant aux Perp, ils ne bénéficient pas de possibilités de rachat avec déductibilité fiscale. La situation de Préfon est donc tout à fait exceptionnelle par rapport aux autres produits d'épargne.

- S'agissant de la gestion financière, rien ne justifie que les mêmes gestionnaires soient aux commandes depuis sa création. Une mise en concurrence régulière est aussi un gage de bonne gestion dans l'intérêt des épargnants.

- Enfin, s'agissant de la gouvernance, les explications sur la non-participation des adhérents aux assemblées générales ne nous paraissent pas suffisantes car le système ne peut se contenter de questions posées par courrier avec réponses - satisfaisantes ou non – communiquées dans un futur PV. Au regard de tous ces éléments, il semble donc indispensable que Préfon fasse preuve de plus de transparence et, qu'en tant que produit d'épargne-retraite, il soit soumis aux mêmes règles que tous les autres produits de sa catégorie.

[1] Quatre sur les cinq grandes centrales représentatives, la CGT n'ayant pas voulu participer au régime mis en place. M. Soubirous est lui-même élu Force Ouvrière.

[2] 60% en marché actions et 40% en obligations.

[3] Chaque souscripteur d'un Perp adhère à un Groupement d'épargne retraite populaire (Gerp). C'est ce Groupement qui négocie auprès d'un organisme d'assurance les conditions dans lesquelles le Perp sera créé et développé. Le Gerp veille ainsi au respect des intérêts des souscripteurs et surveille la bonne gestion du Perp par l'assureur, notamment en autorisant les souscripteurs à prendre part aux assemblées générales pour y voter. À la demande de plusieurs associations d'épargnants, ce principe a été étendu à tous les produits d'épargne retraite et d'assurance-vie. Cette extension a été introduite devant le Sénat et adoptée, sauf pour la Préfon.

[4] Les réformes de 1993 et 2003 n'ont pas réduit l'écart entre les deux systèmes : si les retraites des fonctionnaires et du privé sont maintenant indexées sur l'inflation, celles du privé (Cnav) sont calculées sur le salaire moyen des 25 meilleures années (et non plus des 10).