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Débat sur la réforme des retraites 2010

Quelques vérités à rappeler

Le Président de la République a placé l'année 2010 sous le signe de la réforme des retraites. Ce rendez-vous prévu dès 2003 s'ouvre dans un contexte de dégradation accélérée des comptes des régimes privés et publics. Les prévisions du Conseil d'orientation des retraites pour 2020 sont déjà dépassées et se situent dès aujourd'hui à 25 milliards d'euros par an de besoin de financement. A la veille de ce débat d'une importance capitale pour les Français, actifs et retraités, mais aussi pour la compétitivité de nos entreprises, il est bon de rappeler quelques vérités.

Pour que cette réforme ne soit pas le n-ième ajustement d'un système en perpétuel déséquilibre mais qu'elle soit menée au nom de l'équité et de la pérennité, elle implique des efforts de tous, public et privé.

Pour le public : régimes spéciaux et déficits

Les régimes spéciaux restent une entorse au principe d'équité qui devrait conduire cette réforme. Pour s'en rendre compte, il n'y a qu'à prendre le coût des régimes, coût que l'on peut mesurer au taux de cotisation nécessaire pour le financer, exception faite des régimes en déficit démographique. Si le secteur privé est à 25% de taux de cotisation global (salarié+employeur), les fonctionnaires d'État sont à 69%, EDF à 86%, la SNCF à 106% ! Pour les fonctionnaires, le taux de la cotisation employeur augmente d'environ 1% par an et devrait atteindre 72 % en 2025.

Les réformes de 2003 et 2007 n'ont pas suffi. La prochaine étape indispensable est de revoir le calcul de la retraite sur le dernier salaire en vigueur au sein de la fonction publique. En effet, si les cotisations sont prélevées sur le salaire moyen de la carrière et la retraite versée sur le dernier salaire, comme c'est le cas pour les carrières complètes de la fonction publique, l'écart représente une retraite « gratuite » ce qui techniquement ne peut exister ! Sachant qu'en plus le coup de pouce de fin de carrière est une pratique très répandue, la situation aboutit à un dérapage des comptes.

Le déficit des régimes publics est très sous-estimé : Selon les estimations du COR pour 2010 à 2030, le déficit du régime des fonctionnaires d'Etat (2,4 millions d'actifs, 2 millions de retraités) sera supérieur ou équivalent à celui du régime du privé (16 millions d'actifs, 12 millions de retraités). Et en 2050, il représentera encore 64% de celui du privé.

Défini comme un besoin de financement, il part du principe que le déficit actuel est nul. Si, comme nous l'avons montré, le « véritable déficit » est calculé comme les cotisations supplémentaires que les consommateurs ou l'État doivent acquitter au-delà des 25% de cotisations du régime général, les montants en jeu sont considérables : 28 milliards d'euros pour les fonctionnaires d'État et 4 milliards de plus pour les fonctionnaires locaux et hospitaliers. La seule solution acceptable est d'aligner ces régimes spéciaux sur le régime général.

Pour le privé : allonger la durée de cotisation dans un premier temps et simplifier le système

Les perspectives financières des 3 régimes obligatoires (CNAV, ARRCO, AGIRC) sont négatives. Nous savons tous les causes de ce constat : déséquilibre démographique lié à l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom, de l'allongement de la durée de vie et de l'abaissement à 60 ans de l'âge de la retraite. Le niveau des retraites actuel n'est pas tenable sauf à envisager une forte augmentation des cotisations ou un financement par l'impôt. L'âge d'or des retraites, quand 4 actifs finançaient la retraite d'un seul retraité, est depuis longtemps derrière nous.

La réforme de 2003 tablait sur le transfert de cotisations de l'assurance chômage vers la caisse de retraite CNAV. Le transfert d'1 point avait été prévu à partir de 2009, mais la crise et le chômage ont rendu ces projections caduques. C'est pourquoi il faut développer l'emploi marchand. En attendant, le report de l'âge de la retraite semble être la seule solution pour améliorer rapidement les comptes. Même le PS et sa Première secrétaire semblent se faire à cette idée.

La retraite à 60 ans : une erreur ? non, une faute.

Dès 1982, l'année où l'âge de départ à la retraite à taux plein a été fixé à 60 ans, tous les paramètres étaient connus. Les régimes publics étaient déjà en déficit et on savait que les régimes privés y seraient très rapidement et durablement.

En 1991, le rapport Rocard était explicite sur les enjeux et les réformes indispensables. Si les réformes de fond sont vraiment faites en 2010, il aura fallu attendre 20 ans et 3 tentatives pour sécuriser les régimes de retraites des Français.

Parmi toutes les réformes de la période 1981-1995, nationalisations, 35 heures, emplois jeunes, uniformisation des 3 fonctions publiques, la retraite à 60 ans n'était peut-être pas la pire, mais c'était la moins excusable.

- 1982 : Retraite à 60 ans,
- 1991 : Livre blanc de Rocard,
- 1993 : Réforme Balladur du régime général du secteur privé
- 2003 : Réforme Fillon du régime des fonctionnaires
- 2007 : Réforme Sarkozy des autres régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF/GDF …)
- 2010 : Réforme ?

Mais cette mesure n'est qu'une étape intermédiaire : la simplification du système est incontournable. Qui peut croire en effet que le système tel qu'il fonctionne aujourd'hui avec ses centaines de caisses et de régimes peut être efficace ? Une organisation plus simple est non seulement moins coûteuse à gérer mais encore plus compréhensible pour les intéressés. Les frais de gestion des retraites complémentaires sont deux à trois fois supérieurs à ceux de la CNAV. Un simple alignement permettrait de réaliser une économie d'un milliard d'euros.

L'autre étape c'est d'introduire une dose de capitalisation dans le système pour assurer aux pensions leur niveau d'aujourd'hui. En France, cette possibilité ne semble pas envisageable depuis l'échec de la loi Thomas en 2002. Pourtant, les données montrent que sur longue période, la capitalisation est rentable et compense les risques d'investir ou de sortir aux mauvais moments de cycles économiques. L'iFRAP propose de consacrer 10% des cotisations à la capitalisation comme en Suède ou comme les fonctionnaires français (RAFP). C'est aussi un moyen très pédagogique de financer nos entreprises (plutôt que le Fonds Stratégique d'Investissement).

Enfin, concernant la pénibilité, si l'on veut éviter des arguties interminables sur les comparaisons de la difficulté des différents métiers, le seul critère objectif, c'est l'espérance de vie. Il est vrai que c'est la pénibilité qu'il faut supprimer, et non pas exonérer les entreprises de leur responsabilité. Mais la longévité ne dépend pas uniquement des conditions de travail. A court terme, la seule solution est de se baser sur l'espérance de vie.

A l'occasion de ses vœux aux Français, Nicolas Sarkozy a rappelé qu' « il va nous falloir (…) consolider notre système de retraites dont [il a] le devoir d'assurer la pérennité financière. » Cette réforme va de pair avec la mise en œuvre des conditions d'une plus grande équité entre public et privé au nom de la compétitivité de notre économie. Tant qu'on n'alignera pas public et privé, on aura du mal à réformer vraiment notre système de retraites, car les réticences les plus fortes sont au cœur de l'État.