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CSG, PAS, réformes : ce qui attend les retraités en 2019

Début d'année mouvementé pour les retraités : entre les revendications des retraités portées par les gilets jaunes, les annonces du président de la République sur la CSG, la mise en place du prélèvement à la source, les retraités sont dans le brouillard. Une situation qui alimente les craintes et les refus de tout changement alors que l'année 2019 devait être celle de la réforme des retraites. Pourtant les réformes sont nécessaires.

Retraite et Gilets Jaunes

Les retraités ont été nombreux à se mobiliser sur les ronds-points et à exprimer leur mécontentement. On retrouve leurs revendications dans les cahiers de doléances ouverts dans les mairiesVoir par exemple "Gilets jaunes : ce que disent les cahiers de doléances en Occitanie" dans La Dépêche du Midi (https://www.ladepeche.fr/article/2018/12/17/2926270-ce-que-disent-les-cahiers-de-doleances-en-occitanie.html) ou "Cahiers de doléances : des gilets jaunes peu prolixes" dans Le Télégramme (https://www.letelegramme.fr/morbihan/lorient/cahiers-de-doleances-des-gilets-jaunes-peu-prolixes-08-01-2019-12178187.php) : il s’agit essentiellement de l’annulation de la hausse de CSG et de la « ré-indexation » des retraites. On note aussi que fin novembre un collectif de gilets jaunes a fait paraître sur les réseaux sociaux un sondage auquel auraient répondu 30.000 internautes et dont les revendications avaient été transmises aux médias et aux députésSmic, retraite... les doléances des gilets jaunes, L'Express, 30/11/2018 ; https://www.lexpress.fr/actualite/societe/salaire-maximal-smic-retraite-a-60-ans-la-liste-des-revendications-des-gilets-jaunes_2051143.html. Parmi ces revendications : non à la retraite par points, un même système de sécurité sociale pour tous, pas de retraite en dessous de 1.200 euros, des retraites indexées sur l’inflation, la retraite à 60 ans pour toutes les personnes ayant exercé un métier usant, pas de prélèvements à la source…

Dans la foulée, le conseil économique, social et environnemental (CESE) a ouvert un site participatif où l’on pouvait déposer des contributions sur les sujets de pouvoir d’achat, d’inégalités sociales, de justice fiscale, etcAvec ou sans gilet jaune, citoyennes et citoyens, exprimez-vous ! https://participez.lecese.fr/project/avec-ou-sans-gilet-jaune-citoyennes-et-citoyens-exprimez-vous/collect/depot. Un peu plus de 900 propositions sur les 9.159 participations collectées sur le site concernent les retraites. Les revendications sont assez larges mais certains thèmes reviennent, en particulier : la réindexation des retraites sur l'inflation, la suppression de la hausse de la CSG sur un montant de retraite supérieur à celui fixé par le président de la République (2.500 euros, voire l'exonération totale de CSG), et une demande très claire d'arrêter de "matraquer", "humilier", "sacrifier" les retraités.

Florilège des propositions recueillies sur le site du CESE à propos des retraites

Le retour à l'indexation stricte des retraites sur les prix, la baisse de la CSG étendue à une plus large part de retraités voire sa suppression, et plus généralement la fin du matraquage des retraités figurent en bonne place des revendications mais ce ne sont pas les seules. En voici d'autres relevées sur le site du CESE et ayant rencontré un certain nombre de votes positifs.

Reconnaitre la pénibilité de certains métiers, stopper la baisse des effectifs dans les maisons de retraite, mettre en place un crédit d'impôt pour les mutuelles santé des retraités, pas de retraite inférieure à 1.200 euros, voire 1.500 euros, pas de retraite pour les personnes n'ayant jamais travaillé en France, une retraite décente pour les mères de famille, plafonner les retraites, fusion des régimes de retraite, interdire les retraites chapeaux et les parachutes dorés, abrogation des avantages pour les anciens présidents de la République, rétablissement de la demi-part pour les veuves, prise en compte des années d'études pour la durée de cotisation, diminuer les successions, suppression du bonus/malus Arrco, taxation des retraités identique même pour ceux installés à l'étranger, défense du système de retraite par répartition, revoir la retraite des députés et des sénateurs,...

Annulation de la hausse de la CSG

Un sentiment né de la décision d'augmenter à partir de 2018 la CSG sur les retraites. Une décision sur laquelle le président de la République est revenu en annonçant le 10 décembre l'exonération de 3,5 à 3,8 millions de foyers de retraités (soit environ 5 millions de retraités) de la hausse qui leur était appliquéeRapport sur le projet de loi portant mesures d’urgence économiques et sociales, Assemblée nationale, http://www.assemblee-nationale.fr/15/rapports/r1547-vi.asp. Pour bénéficier de l'exonération de hausse, les plafonds à ne pas dépasser sont : 22.580 euros de revenu fiscal de référence pour une personne seule (pensions de retraite et revenus annexes). Cela équivaut à 2.000 euros par mois de revenu. Pour un couple, le seuil pour être exonéré est porté à 34.600 euros de revenu fiscal de référence. Cela équivaut à 3.000 euros de revenu par moisRapport Sénat sur le projet de loi portant mesures d’urgence https://www.senat.fr/rap/l18-232/l18-2321.pdf. 

Jusqu’à l’annonce, il existait trois taux de CSG distincts, selon le revenu fiscal de référence. Un retraité seul ayant un RFR inférieur à 11.018 euros en 2018 était totalement exonéré de CSG. Un retraité ayant un RFR compris entre 11.019 euros et 14.403 euros bénéficiait de la CSG à taux réduit (3,8% et CRDS à 0,5%). Enfin, un retraité ayant un RFR égal ou supérieur à 14.404 euros payait la CSG à taux plein (qui a été augmentée de 1,7 point au premier janvier), soit 8,3%.

Il faudra donc ajouter à partir de janvier 2019 un quatrième taux. Les retraités (célibataires) ayant un RFR compris entre 14.548 euros et 22.580 euros verront donc la hausse de 1,7 point de CSG annulée. Ils retrouveront un taux de 6,6% (seuils revalorisés au 1er janvier avec l’inflation). Attention, il s’agit bien ici du revenu net, incluant les autres revenus additionnels (PEL, revenus locatifs, etc.) C’est donc en deçà de ce montant de revenu fiscal qu’un retraité verra la hausse de la CSG annulée au 1er janvier prochain. Peut-on dire que l’on est riche au-delà de ce seuil ? Tout est affaire de point de vue…

Reste que les pensions perçues par les retraités continueront d’augmenter moins vite que la hausse des prix, comme le gouvernement l’a décidé en début d’année. Résultat : l’an prochain, la progression automatique des pensions sera de 0,3%, au lieu de 1,6%. Même chose pour 2020L'annulation de la hausse de CSG pour certains retraités sera-t-elle amputée par la désindexation des pensions?, Libération, Checknews, https://www.liberation.fr/checknews/2018/12/17/l-annulation-de-la-hausse-de-csg-pour-certains-retraites-sera-t-elle-amputee-par-la-desindexation-de_1698341. Au total, avec cette désindexation, le gouvernement compte économiser 5,2 milliards d’euros sur deux ans, dont 2,8 milliards en 2019. Contrebalancé par le geste sur la CSG dont le coût pour l’Etat est estimé à 1,3 Md€ selon le texte de loi portant mesures d’urgenceHeures supplémentaires, CSG, prime, Smic… Les cinq mesures d’Emmanuel Macron passées au crible, Le Parisien, http://www.leparisien.fr/economie/smic-prime-csg-les-cinq-mesures-chocs-d-emmanuel-macron-au-crible-10-12-2018-7965393.php.

Autre point noir, malgré l’annulation de la hausse, les retraités devront continuer à payer le taux fort. Ils seront remboursés au plus tard le 1er juillet 2019. C'est ce qu'a déclaré Muriel Pénicaud, ministre du TravailLes retraités devront attendre juillet pour bénéficier de la baisse de la CSG, Le Figaro, 18/12/2018, http://premium.lefigaro.fr/social/2018/12/17/20011-20181217ARTFIG00118-les-retraites-devront-attendre-juillet-pour-beneficier-de-la-baisse-de-la-csg.php. Pourquoi une telle usine à gaz ? "Il faut adapter les systèmes informatiques des caisses de retraite" explique le cabinet d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, coauteur du texte de loi, avec Muriel Pénicaud. Un patron de caisse a d'ailleurs précisé "Les systèmes informatiques des 35 caisses de retraite n’auraient mis que quelques jours à s’adapter à un simple changement de taux de CSG. Mais, là, il s’agit de créer une quatrième tranche avec ce nouveau barème". Si les retraités peuvent se réjouir de ce recul du gouvernement sur la CSG, il faudra déplorer une complexité accrue et d'inévitables effets de seuil.

Inquiétude avec le PAS

Les retraités ont été les premiers impactés par le prélèvement à la source. Ce sont d'abord les retraites complémentaires versées au début du mois (1er jour ouvré du mois) qui ont été concernées. Celles-ci sont versées à terme à échoir. En clair, le 2 janvier 2019 a été versée la retraite complémentaire de janvierCalendrier despaiements, site Agirc-Arrco : https://www.agirc-arrco.fr/particuliers/vivre-retraite/paiement-allocations-retraite/. Ce qui n'est pas le cas de la retraite du régime général de la CNAV versée à terme échu le 9 du mois. En clair, le 9 janvier a été versée la retraite de décembre 2018Calendrier des paiements, site de la CNAV, https://www.lassuranceretraite.fr/portail-info/home/retraites/retraite-modalites-paiement/calendrier-des-paiements.html#header-49dd0cec-3176-4b07-a326-c4152333f82b. Ce qui a pu susciter de l'incompréhension étant donné qu'il s'agit là de revenus au titre de 2018 et non de 2019. Mais en l'occurrence, c'est la date de versement qui comptePourquoi le prélèvement à la source tracasse les retraités, L'Express - Votre Argent, 09/01/2019, https://votreargent.lexpress.fr/retraite/le-prelevement-a-la-source-tracasse-les-retraites_2055860.html.

Autre motif d'inquiétude, l'application du taux de prélèvement sur la pension nette des retraités ne correspondait pas exactement au versement effectué sur le compte des retraités. En cause, la réintégration de la CSG non déductible pour calculer le net imposableRetraite et prélèvement à la source : risque d'incompréhension lors du versement des pensions de base le 9 janvier, Capital, 07/01/2019, https://www.capital.fr/votre-retraite/retraite-et-prelevement-a-la-source-risque-dincomprehensions-lors-du-versement-des-pensions-de-base-le-9-janvier-1322274. Enfin, à ces difficultés, ont pu s'ajouter des problèmes de gestion. Ainsi, une retraitée ayant pris sa retraite le 1er août 2018, et pour laquelle les organismes de retraite complémentaire n'ont rien versé avant le 1er janvier 2019. Résultat 6 mois de retraite complémentaire versés d'un seul coup et sur lequel s'applique le prélèvement à la source. Nul doute que cette situation pourra être régularisée mais certainement au prix de beaucoup d'efforts... Et cette situation présage sans doute des difficultés que rencontreront les salariés à la fin du mois...

Si on ajoute à ces motifs d'inquiétude la mise en application du bonus-malus à partir du 1er janvier qui va de fait reporter l'âge de la retraite à 63 ans pour les salariés du privé, et la fusion Arrco-Agirc qui aligne les cotisations et les droits des cadres et des non-cadres, cela fait beaucoup pour les retraités. Ce qui explique sans doute qu'une majorité de Français soit sceptique face à la capacité du gouvernement à mener la réforme des retraites promise avec notamment la fusion des régimes et la mise en place d'une retraite par points où 1 euro cotisé donne les mêmes droits quel que soit le statut. La concertation autour de la réforme des retraites a d'ailleurs été ajournée pour laisser le temps au débat nationalRéforme des retraites: la question de l’âge de départ se pose à nouveau, L'Opinion, 06/01/2019, https://www.lopinion.fr/edition/economie/reforme-retraites-question-l-age-depart-se-pose-a-nouveau-173683 de se poursuivre, et un député de la majorité a demandé le report d'un an de la réforme des retraitesOlivier Damaisin (LaREM): «Macron doit reporter d'un an la réforme des retraites», Le Figaro, 06/01/2019, http://premium.lefigaro.fr/social/2019/01/06/20011-20190106ARTFIG00143-olivier-damaisin-larem-macron-doit-reporter-d-un-an-la-reforme-des-retraites.php.

Plutôt que de bricoler sur les retraites, reculer l'âge de départ à la retraite

Les Français ne sont, également, pas convaincus par le recul de l'âge de la retraite (55% des sondés sont contreLe regard des Français sur l'actuel système de retraites, IFOP, 11/10/2018, https://www.ifop.com/publication/le-regard-des-francais-sur-lactuel-systeme-des-retraites/), qu'ils conçoivent sans doute comme une contrainte supplémentaire. Il s'agit en fait de la seule solution pour redonner de l'air au système. Les actifs français cumulent en effet l'âge effectif moyen de sortie du marché du travail le plus faible des pays de l'OCDE, autour de 60 ans, et une espérance de vie parmi les plus longues des pays de l'OCDEPanorama des pensions 2017, les chiffres clés de l'OCDE et du G20, OCDE, http://www.oecd.org/fr/retraites/les-pensions-dans-les-pays-de-l-ocde-19991371.htm. Comme il n'est pas possible d'augmenter les cotisations retraites qui atteignent déjà des sommets (voir note : financement des retraites, il n'y aura pas de solution miracle), ni a fortiori les impôts, la seule solution est de remonter l'âge légal de départ à la retraite.

La Fondation iFRAP a estimé que les gains à attendre sont de 6,9 milliards d'ici 2022 en appliquant cette mesure dès 2020 sur la base du report d'un quadrimestre par an, et de 13,8 milliards d'euros en 2025. Mais l'application du bonus-malus de l'Arrco-Agirc montre que la montée en puissance pourrait éventuellement être dans un premier temps plus rapide, et produire plus rapidement plus d'économies. Rappelons que la moitié des dépenses publiques sont des dépenses sociales, et que la moitié des dépenses sociales sont des dépenses de retraites, soit plus de 300 milliards d'euros par an.